Poubelles vertes, jaunes, violettes… vous êtes un bon citoyen, vous avez deux ou trois poubelles différentes dans votre maison ou votre appartement, vous recyclez. Quoi qu’on en dise, le recyclage est avant tout une question de gestion des déchets, puis, est venu le temps de l’école de la deuxième chance des produits.

La mer de déchets

Quand on demande aux français quelles sont leurs préoccupations en matière d’environnement, les français semblent peu inquiets à propos des déchets : les déchets arrivent en quatrième position après le changement climatique, la pollution atmosphérique et la pollution de l’eau. Un peu moins de 30 % des interrogés citent les déchets comme une préoccupation environnementale principale.

Le changement climatique est redevenu en 2012 la première préoccupation des Français en matière d’environnement, au même niveau que la pollution de l’air. Tempête Xynthia en 2010, inondations, tremblements de terre et tsunamis aidant, la part des personnes préoccupées par les catastrophes naturelles a doublé, alors même que la pollution de l’eau a régressé de 10 points en cinq ans.

Pourtant, sans être un écologiste militant, il faut bien reconnaître que la production de déchets est inquiétante : chaque français produit par an, 374 kg d’ordures ménagères (déchets de vos poubelles) et 214 kilos d’autres déchets tels qu’encombrants, déchets « verts » (des jardins), et autres apports en déchetterie (chiffres de l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (ADEME) dont l’année de référence est 2009), soit près de deux fois plus qu’en 1960.

Voici ce que contient votre poubelle :
Graphe-composition-des-ordures-menageres

Notons que les autres pays d’Europe n’ont pas de meilleurs résultats en la matière : en 2010, les ménages européens ont produit 220 millions de tonnes de déchets, dont 36 millions de tonnes en Allemagne, 32 millions en Italie, 23 millions en Espagne, 31 millions au Royaume‑Uni etc.

On a donc 37,8 millions de tonnes de déchets collectées par les pouvoirs publics (au travers des communes). La plupart de ces déchets ne sont pas recyclables :

  • seuls 37 % des déchets sont orientés vers le recyclage : verres, plastiques, cartons, ferrailles…
  • 33 % sont utilisés pour créer de l’énergie (valorisation énergétique) : incinération (récupération par vapeur ou électricité), récupération du biogaz (gaz produit par la fermentation des matières).

Le reste est détruit, ou… stocké bien entendu dans nos décharges. La prise de conscience est réelle : la mise en décharge des déchets baisse petit à petit. C’est ainsi que l’on passe de 43 % des quantités traitées en 2000 à 28 % en 2011 ce qui nous conduit à en déduire que l’intégration d’une sensibilisation à la protection de l’environnement dans nos gestes quotidiens est efficace : la part de déchets recyclés passe de 12,5 % en 2000 à 20,6 % en 2011, l’objectif de 35 % de recyclage matière et de valorisation organique fixé par la loi pour 2012 est dépassé. S’agissant des emballages, le taux de recyclage est passé de 51 % en 2002 à 67 % en 2011.

Il faut reconnaître également que les techniques de recyclage et l’essor de ce secteur industriel permettent cette tendance : notamment face à l’envolée des cours des matières premières, il est de plus en plus rentable de retraiter de la ferraille, du cuivre évidemment, etc. 

Graphe-Traitement-des-dechets

Selon une étude de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE), les pays européens ne gèrent pas de la même manière leur production de déchets ménagers :

  • La moyenne européenne du volume de déchets recyclés est de 40 %
  • La France avec ses 37 % de déchets recyclés est donc sous la moyenne européenne
  • 5 pays sont au-dessus de 50 %  : l’Autriche avec 63 % du volume recyclé, suivie de l’Allemagne 62 %, de la Belgique 58  %, des Pays-Bas et de la Suisse à 51  %.

 

Les déchets ménagers : une goutte d’eau

Les déchets ménagers, vos déchets, représentent 4% de la masse des déchets produits en France. En effet, la France dans son ensemble a produit 770 tonnes de déchets en 2009 : la moitié de ces déchets provient de l’agriculture et un tiers du secteur de la construction et du BTP.

Donc, quels que soient vos efforts, vous ne jouerez que sur 4 % de ce qu’il faut traiter : c’est peu. L’enjeu essentiel du recyclage et de la re-transformation des produits se situe au niveau des entreprises, industrielles ou agricoles.

Malgré les efforts consentis, la production de déchets continue de progresser, même si elle croît moins vite qu’on ne pouvait le penser au début des années 2000.

En 2010, dans l’Union Européenne, la production totale de déchets s’envole à 2 570 millions de tonnes soit plus qu’en 2008 mais moins qu’en 2004. Les chiffres de 2009 et 2010 sont aussi bas à cause de la crise économique qui a particulièrement sévi au cours de ces années. D’ailleurs, qui dit contraction de l’économie dit réduction des déchets. Mais ne nous faites pas dire ce que nous n’avons pas dit : vous lirez difficilement dans ce journal que la décroissance est la solution à nos problèmes notamment environnementaux. Produire autrement, produire mieux d’accord !

  • Allemagne : 363,5 millions de tonnes de déchets produits,
  • France : 355 millions de tonnes,
  • Italie : 164,6 millions de tonnes,
  • Royaume Uni : 259,1 millions de tonnes,
  • Pologne : 159,5 millions de tonnes etc.

 

Et nous n’avons pas encore parlé des déchets dangereux.

On notera que tandis que l’industrie française produit 35 millions de tonnes de déchets industriels sans dangerosité et assimilables aux ordures ménagères par leur collecte ou leur traitement, elle génère dans le même temps, 7 millions de tonnes de déchets dangereux.

Parmi les déchets produits dans l’Union Européenne, 94,5 millions de tonnes, soit 3,7 % du total, sont classées comme déchets dangereux. Si l’on fait le compte, chaque habitant de l’Union a produit, en moyenne, environ 5,1 tonnes de déchets, dont 188 kg de déchets dangereux.

En France, certes, la moitié des déchets dangereux est traitée par les établissements qui la produisent, mais il reste une moitié dont il faut s’occuper dans des centres spécialisés. Et là, pas de miracle, les méthodes ne varient pas tant que ça : incinérer ou stocker.

L’incitation par la loi

4 grandes lois ont imposé au fur et à mesure le recyclage et le tri sélectif

  • La plus ambitieuse est la loi du 13 juillet 1992 qui a fixé pour 2002 un objectif de valorisation de 75 % des déchets d’emballages et la suppression des décharges. Malheureusement on en est loin : si 90 % des emballages en papiers et cartons sont recyclés, un peu de plus de 20 % des emballages plastiques sont recyclés et environ 65 % du verre. Au-delà des effets d’annonce, il était prévu que ne soit mis en « décharge » que les rebuts des rebuts, les déchets ultimes. Vous n’avez pas manqué de noter que les décharges existent toujours : on dénombre environ 250 décharges en France, sans compter les décharges sauvages encore très, très nombreuses.
  • La Directive européenne du 20 décembre 1994 sur la valorisation globale des déchets et de la protection de l’environnement. Au-delà de donner la définition du terme emballage, elle énonce des grands principes en matière de gestion des déchets dans l’Union et précise que la prévention des déchets est « une condition incontournable pour un développement durable conciliant écologie et économie à long terme ».
  • La circulaire Voynet de 1998 établit un objectif national de 50 % de valorisation matière des déchets des collectivités. La valorisation matière consiste à développer le recyclage (du verre, du papier et des emballages) et le compostage (déchets végétaux).
  • La loi Grenelle 1 du 3 août 2009 prévoit d’augmenter le recyclage issu du tri sélectif ainsi que le compostage des déchets. Objectif pour 2015 : orienter vers les filières de recyclage matière et organique, 45 % de déchets ménagers et assimilés.

L’impact du recyclage

L’impact du recyclage est tout -à -fait considérable sur l’environnement et pour notre industrie. Non seulement le recyclage permet la réduction des déchets ultimes (ceux qui sont donc stockés dans les décharges et dont on ne sait pas quoi faire pour faire simple), mais il permet aussi de :

  • sécuriser l’approvisionnement de la France,
  • développer une industrie autour.

 

Une étude figurant parmi les études sérieuses les plus récentes que nous ayons trouvée, porte sur le recyclage des métaux non ferreux tels que zinc, aluminium, cuivre etc. 2 millions de tonnes de métaux non ferreux ont été recyclés en France en 2011.

Il a été estimé que le recyclage d’une tonne d’aluminium de récupération évite la consommation de 2,3 tonnes de bauxite. 454 000 tonnes ont été recyclées en France en 2007 ce qui représente une économie de près de 1,02 million de tonnes de bauxite (35 à 37 dollars la tonne) et « les économies d’émissions s’élèvent à 3,2 millions de tonnes équivalents CO2, soit 15 % du total des émissions évitées en France grâce au recyclage ».

Quant aux 110 000 tonnes de cuivre recyclées, elles ont permis d’économiser 94 000 tonnes de cuivre en 2007 et le recyclage de 100 000 tonnes de plomb a économisé 7 000 tonnes équivalent pétrole d’énergies.

En matière de consommation, le recyclage de ces métaux non ferreux aurait permis de réduire de 6,03 millions de tonnes équivalent pétrole (tep) d’énergies non renouvelables ou 2,3 % des ressources énergétiques primaires d’origine non renouvelables de l’économie française.

Le recyclage de ces métaux aurait empêché l’émission de 19,6 millions de tonnes de dioxyde de carbone, ce qui représente 3,6 % des émissions brutes de gaz à effet de serre en France par an et permis d’économiser 116 millions de mètres cube d’eau (notamment en évitant l’extraction de nouveaux minerais, processus très consommateur d’eau), soit environ 2 % de la consommation annuelle nette (prélèvements moins restitutions) d’eau.

Revers de la médaille, le recyclage a en revanche été à l’origine de l’émission de 309 tonnes de phosphates supplémentaires, tout n’est pas rose au pays du recyclage, même si ces émissions représentent 0,05 % des émissions annuelles françaises totales de phosphates.

Les décharges

La plus grande décharge du monde est aux USA à Fresh Kills. Sur 1 200 hectares, soit 1 700 terrains de foot, elle reçoit 13 000 tonnes de déchets chaque jour émettant 2 700 tonnes de méthane.

En France, il existe trois types de décharges (également appelées CET : Centre d’Enfouissement Technique).
CNIID.org :

Les décharges de classe 1 pour les déchets dangereux
Les décharges de classe 1 accueillent les «déchets industriels spéciaux», présentant un caractère dangereux reconnu pour le milieu naturel ou les êtres vivants. Elles sont appelées Centres de stockage de déchets dangereux (CSDD).
Avant d’être enfouis, les déchets sont «stabilisés» par extraction, notamment, des liquides dangereux pour limiter les réactions chimiques dans la fosse. Il existe aujourd’hui 14 décharges de classe 1 en France.

Les décharges de classe 2 pour les déchets banals.
Les décharges de classe 2 accueillent les déchets ménagers et assimilés (DMA), ainsi que les déchets industriels banals (DIB). Elles sont appelées : « Installation de Stockage de Déchets non Dangereux (ISDND) » et « Centre de Stockage de Déchets Ultimes (CSDU) ». Il est interdit d’enfouir autre chose dans ces décharges que du déchet ultime, un déchet «qui n’est plus susceptible d’être traité dans les conditions techniques et économiques du moment, notamment par extraction de la part valorisable ou par réduction de son caractère polluant ou dangereux». Il existe aujourd’hui 250 décharges autorisées de classe 2 en France.

Les décharges de classe 3 pour les déchets inertes
Les décharges de classe 3 accueillent principalement des déchets du bâtiment et des travaux publics (terres, gravats, déchets de démolition, etc). Des trois catégories de décharges, ce sont les moins réglementées : à défaut d’une réglementation issue du Code de l’Environnement, comme c’est le cas pour les décharges de Classe 1 et 2, les décharges de Classe 3 sont soumises au Code de l’Urbanisme et placées sous l’autorité du maire des communes accueillant ces installations. Elles ne sont donc pas des « Installations classées pour la protection de l’environnement ».

D’autres difficultés apparaissent au fil de l’approfondissement du sujet : le recyclage du papier demande l’utilisation de chlore pour éliminer l’encre, le recyclage du verre nécessite de le faire fondre à 1550 degrés, ce qui consomme beaucoup d’énergie, par exemple. Il n’est pas si aisé de faire le bilan global du recyclage en termes de données environnementales pures, ni en termes d’économie d’ailleurs, entre les coûts qu’il génère et la richesse qu’il crée. Néanmoins, au fil des années, on a pu assister à la création d’une filière entière.

Une filière d’emploi

Pour reprendre notre exemple des métaux non ferreux, en 2007, la fédération de la récupération du recyclage et de la valorisation (FEDEREC) dénombrait 1050 entreprises dans le secteur.

Il faut savoir que le chiffre d’affaires de la production et de la transformation de l’aluminium, du cuivre, du plomb et du zinc regroupés, se monte en France à près de 13,8 milliards d’euros en 2007. Les entreprises liées à la production et à la transformation de métaux ferreux et non ferreux représentaient alors 17 000 emplois en France, ce qui laisse au recyclage une marge de progression très importante.

On estime qu’en France, la filière du recyclage représente environ 2 150 entreprises et 33 100 emplois, dont 23 % sont directement liés à la récupération (données issues du Service de l’observation et des statistiques au sein du Ministère du Développement durable). Le secteur est devenu mature après des débuts en fanfares datant d’une vingtaine d’années. Le secteur s’est considérablement concentré, puisque le nombre de sociétés a été divisé par deux en vingt ans (4 100 sociétés en 1999 dont 80 % de moins de 5 salariés, contre 2 150 sociétés aujourd’hui et 35 % de moins de 5 salariés).

Le recyclage des terres rares

Les terres rares sont des minerais comme les autres, à ceci près qu’ils sont certes relativement rares, mais ils sont surtout difficiles à extraire et leur extraction est coûteuse et polluante. Ce sont 18 métaux (terbium, néodyme, yttrium par exemple) indispensables pour la fabrication d’un certain nombre de produits issus notamment des nouvelles technologies comme les téléphones portables, les tablettes, les éoliennes, les ampoules basse consommation, les disques durs ou encore les batteries de voiture.

A priori, la Chine détiendrait environ un tiers des réserves mondiales, mais surtout 97 % des droits d’exploitation de ces minerais. Nous sommes donc totalement dépendants de la Chine pour la production de nos outils technologiques préférés voire à la merci d’une fermeture inopinée des frontières décidée unilatéralement par nos amis chinois. D’ailleurs, la Chine a décidé de réduire l’exportation de ces minerais pour privilégier sa consommation intérieure et préserver son environnement. La Chine a commencé à réduire ses exportations depuis 2006. Elles sont actuellement de 15 110 tonnes pour le premier semestre 2014.

Il est intéressant de noter que la Chine a exporté officiellement 16 265 tonnes de terres rares pour un quota de 30 996 tonnes en 2012. On estime que le commerce de terres rares illégal depuis la Chine se monterait à 40 000 tonnes supplémentaires.

Année

Période

Sociétés chinoises

Joint-ventures
sociétés chinoises-
étrangères

Quotas allouées (tonnes)

TOTAL

2009

1er semestre

15 043

6 685

21 728

50 145

2e semestre

18 257

10 160

28 417

2010

1er semestre

16 304

5 978

22 282

30 258

2e semestre

6 208

1 768

7 976

2011

1er semestre

10 762

3 746

14 508

30 246

2e semestre

12 221

3 517

15 738

2012

1er semestre

16 066

5 160

21 226

30 996

2e semestre

6, 340

3 430

9 770

2013

1er semestre

11 136

4 363

15 499

30 999

2e semestre

11 163

4 337

15 500

2014

1er semestre

10 756

4 354

15 110

2e semestre

 

Source : ministère du commerce de Chine.

Ceci étant dit, il est facile de comprendre que nos économies ont besoin non seulement de diversifier leurs approvisionnements mais également de consommer moins de ces terres rares (substituts ou autres méthodes de production) et bien entendu d’être capables de les recycler. La France ne compte aucune terre rare, donc il faut des idées. Depuis 2012 une usine du groupe Rhodia à la Rochelle est désormais capable de recycler quelques-uns de ces minerais notamment à partir des ampoules basses consommation récupérées. « il sera possible d’extraire 17 tonnes de ces minerais, dont 15 tonnes d’yttrium, 1 tonne de terbium et 1 tonne d’europium, sur les 4 000 tonnes de lampes fluocompactes que nous recyclons », détaille Hervé Grimaud, directeur général de Récylum, l’éco-organisme en charge de l’élimination des lampes usagées.

S’il est certain que le recyclage ne pourvoira pas à la demande de terres rares, le recyclage contribuera à notre indépendance énergétique.

Le recyclage ne constitue pas la solution parfaite à tous nos problèmes environnementaux, mais il permet d’amoindrir les effets néfastes. Il permet également de créer de la richesse et des compétences dont le monde entier a besoin. Il permet enfin de moins dépendre des pays producteurs de matières premières.