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Partie 1 : Réforme du droit des contrats – Projets français et internationaux
Partie 2 : Réforme du droit des contrats – Une loi pour habiliter le Gouvernement
Partie 3 : Réforme du droit des contrats – Le régime juridique de l’ordonnance

 

III – Le régime juridique de l’ordonnance et son application dans le temps

Le fait que l’ordonnance soit dotée d’une valeur de règlement ou de loi nationale (A) a une incidence sur les droits qui en découlent et sur  l’application de cette norme dans le temps (B).

A – Le statut de l’ordonnance

Rappelons que la seule formalité du dépôt d’un projet de loi de ratification ne vaut pas ratification des ordonnances. Le projet de loi de ratification ayant été déposé :

  • soit l’ordonnance n’est pas ratifiée et conserve une valeur simplement réglementaire, inférieure à la loi, constituant alors un acte administratif unilatéral. Dans ce cas, comme pour les décrets, le Conseil d’État est compétent pour contrôler la légalité de l’ordonnance en vérifiant que celle-ci a bien été prise « dans le respect des règles et principes de valeur constitutionnelle, des principes généraux du droit qui s’imposent à toute autorité administrative ainsi que des engagements internationaux de la France ». En revanche, le Conseil constitutionnel ne pourra pas contrôler la constitutionnalité de l’ordonnance, y compris dans le cadre d’une QPC (Question prioritaire de Constitutionnalité) puisque le Conseil constitutionnel a  confirmé cet état de fait en indiquant qu’il n’était pas compétent pour apprécier la conformité à la Constitution de deux articles du code des transports qui n’avaient pas de valeur législative compte tenu de la non ratification de l’ordonnance qui les avait codifiés.
    Par souci de sécurité juridique, dans un arrêt d’assemblée du 11 décembre 2006, le Conseil d’État a confirmé qu’après expiration du délai d’habilitation, seul le législateur peut modifier les dispositions d’une ordonnance non ratifiée.
    A propos du régime contentieux des ordonnances, le Conseil d’État a d’ailleurs rappelé que comme pour tout acte réglementaire et tant que l’ordonnance n’est pas ratifiée, sa régularité peut être contestée devant le juge administratif à l’occasion d’un recours formé contre une mesure d’application.
  • soit elle est ratifiée (approuvée) par le Parlement et acquiert la valeur de « loi ». Dans ce cas, depuis la révision constitutionnelle de 2008, les dispositions ratifiées d’une ordonnance peuvent faire, comme toute autre disposition législative qui satisfait aux conditions prévues par le nouvel article 61-1 de la Constitution, l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité. Quant au juge administratif, il ne pourra plus annuler l’ordonnance ratifiée mais simplement l’écarter s’il constate une contrariété avec un engagement international. En outre, si le juge constitutionnel est saisi de la loi de ratification, il lui incombera de  contrôler la conformité de l’ordonnance au bloc de constitutionnalité.

En ce qui concerne la forme de la ratification de l’ordonnance, depuis la révision constitutionnelle de 2008, opérée par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008 de modernisation des institutions de la Ve République, les ordonnances ne peuvent plus être ratifiées de manière implicite, elle ne peut être qu’expresse. C’est d’ailleurs, ce que précise l’article 38 de la Constitution.

Que l’ordonnance ait valeur de règlement ou de loi, la délicate question de l’application de la loi dans le temps est évoquée dans l’article 9 de l’ordonnance. La « loi » étant prise au sens de norme.

B – L’ordonnance et l’application de la loi nouvelle aux effets futurs des contrats en cours

L’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 précise en son article 9 que « Les dispositions de la présente ordonnance entreront en vigueur le 1er octobre 2016. Les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne…».

Il découle de ce texte que tous les contrats qui seront conclus après le 1er octobre 2016 seront soumis à l’ordonnance (loi nouvelle).

En ce qui concerne les contrats en cours (conclus avant le 1er octobre 2016), il est fait application du principe de non-rétroactivité des lois civiles selon la formule consacrée à l’article 2 du code civil, inchangée depuis 1804 « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ». Ainsi, tous les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 restent donc en règle générale, régis par la loi en vigueur au jour de leur formation (survie de la loi ancienne). Cette règle est inspirée par le souci de ne pas bouleverser les prévisions des parties. En conséquence, la loi nouvelle ne peut pas modifier les effets déjà passés d’un contrat, ni les conditions de formation ou d’extinction de celui-ci.

Il existe néanmoins des hypothèses dans lesquelles la Cour de cassation peut considérer que la loi nouvelle est susceptible de s’appliquer à partir de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, aux effets futurs des contrats en cours :

  • si le législateur prévoit dans la loi nouvelle une disposition expresse qui s’applique aux contrats en cours ;
  • même si la loi nouvelle ne prévoit rien, en cas d’effet légal du contrat (nouvelle loi pouvant modifier par exemple, un contrat de travail entre le salarié et son entreprise)
  • si la loi nouvelle est d’ordre public et répond à des motifs impérieux d’intérêt général, à savoir dans le cadre de réformes à caractère économique, financier ou social (lois qui protègent la partie faible au contrat (consommateurs, les salariés, emprunteurs, locataires,…).

Il faut savoir que ces règles ne s’imposent qu’au juge. Le principe de la non-rétroactivité des lois n’ayant pas de valeur constitutionnelle, le législateur peut toujours y déroger.

S’agissant du renouvellement d’un contrat après le 1er octobre 2016, s’il constitue un nouveau contrat, il se trouve alors soumis à la loi nouvelle sauf si ses avenants n’emportent pas novation (substitution des obligations nouvelles à des obligations éteintes selon les règles des articles 1329 à 1335 du code civil). Donc, en principe, tous les avenants conclus après le 1er octobre 2016, sont soumis à la loi nouvelle. En cas de doute quant au caractère novatoire d’un avenant, les juges font application du principe de l’article 1330 du code civil selon lequel « la novation ne se présume pas ».