Le lanceur de satellites le plus fiable au monde, c’est Ariane V ! Nous pouvons vraiment être fiers de notre installation guyanaise. C’est français, mais pas que ! 12 pays de l’ESA (European Space Agency) souscrivent au programme Ariane V depuis 1991. La direction de l’ensemble est assurée par l’ESA, l’agence spatiale européenne qui en a confié la maîtrise d’œuvre à l’agence spatiale française, le CNES (Centre national d’études spatiales).

Quel palmarès pour notre fusée européenne ! En quatre décennies : plus de 200 tirs et plus de 300 satellites mis en orbite, souvent deux à la fois ces dernières années, cinq versions différentes…et Ariane 6 en développement.

 

Le 2ème budget au monde

Avec 37 € par an et par habitant, le budget que la France consacre  aux activités spatiales civiles est le 2ème au monde, après celui des États-Unis, mais avant ceux de la Chine, de la Russie ou du Japon.

En 2018, les ressources du CNES atteindront 2 438 M€ :

Contribution à l’Agence spatiale européenne : 965 M€

Programme national : 726 M€

Programme d’Investissements d’Avenir : 58 M€

Ressources propres : 689 M€

Ce budget témoigne de la très haute priorité pour l’espace affichée par les pouvoirs publics, ainsi que de la remarquable efficacité du CNES dont les programmes garantissent un retour sur investissement maximal.

https://cnes.fr/fr/web/CNES-fr/11507-le-2eme-budget-au-monde.php

 

L’histoire d’Ariane

Les 39 ans approchent… Depuis ce fameux 24 décembre 1979, le centre spatial de Kourou en Guyane française ne cesse de briller. Le bilan du lanceur européen est l’un des plus impressionnants, tant sur le plan de la coopération européenne que sur le plan scientifique, technologique et industriel. Ce programme a permis d’offrir à l’Europe un accès indépendant à l’espace.

Le premier lancement de l’histoire d’Ariane n’avait pas été sans mal avec une première tentative le 15 décembre 1979, puis le 23 décembre, avant le tir réussi du 24 en milieu d’après-midi.

Succès, échecs, fiabilité du programme

Après sa création en 1961, le CNES, l’agence spatiale française, est contraint d’abandonner, à l’indépendance de l’Algérie, la base de lancement de Hammaguir d’où avaient eu lieu les premiers tirs. Puis,  Paris décida en 1964 de faire de la Guyane, sa base spatiale. Après la déconvenue du programme Europa, la création de l’Agence spatiale européenne en 1975 marqua un rebond de la coopération spatiale européenne, suivi du premier lancement de la fusée Ariane en 1979 et de la formation de l’entreprise Arianespace en 1980.

Les Européens pouvaient désormais prétendre se passer des Américains pour accéder à l’espace et y placer des satellites. Le Centre spatial guyanais installé à Kourou devint progressivement « Port spatial de l’Europe ».

En 1985 toutefois, l’échec du lancement d’Ariane, le troisième en quinze tirs, sème le doute. De retour à Paris après un déplacement en Guyane et en Polynésie, le président de la République François Mitterrand s’exprime au sujet de l’échec du lancement de la fusée Ariane, auquel il a assisté trois jours plus tôt, le 12 septembre 1985.

Personne à bord heureusement, mais outre les deux satellites embarqués, c’est un peu de la crédibilité de l’Europe qui a été perdue. Pour s’imposer sur le marché mondial de la mise en orbite des satellites, la plus grande fiabilité est requise. Dans les semaines qui suivent, on cherche à comprendre la cause du problème qui a fait dévier la fusée de sa trajectoire et nécessité la destruction de l’engin en vol. On renforce la sécurité des installations pour parer au sabotage. Le programme des tirs suivants est retardé davantage que le Président ne l’annonçait mais la volonté des Européens, à commencer par celle de François Mitterrand lui-même, compte tenu des lancements probants, restera suffisamment ferme pour que bientôt, en 1987, la décision d’approfondir la coopération soit prise, à travers le développement de la cinquième génération d’Ariane, capable d’emporter de plus lourdes charges, notamment Hermès, la future navette européenne pour vols habités…

Ariane V

Il faut revenir en 1985 pour comprendre la naissance d’Ariane V. A cette date, la décision fut prise de  développer un nouveau moteur, de type cryotechnique, d’environ 100 tonnes de poussée, contre 9 tonnes de poussée pour le HM7 d’Ariane 4.

Le programme Ariane V fut alors décidé lors de la conférence des ministres européens de la Haye en 1987. Ce programme, dirigé par l’ESA, a été confié au CNES pour sa réalisation, avec un objectif double : accroître à 6 puis 11 tonnes, la capacité d’envoi en GTO (Orbite de transfert géostationnaire), tout en réduisant de façon significative coûts et délais de mise en œuvre. Par ailleurs, la fiabilité d’Ariane V devait surpasser largement tous les programmes précédents.

Ces décisions furent prises alors que le premier vol d’Ariane 4 n’avait pas eu lieu (le premier vol d’Ariane 4 date du 15 juin 1988).

Ariane 501

Le premier tir a eu lieu le 4 juin 1996 à Kourou. Après un bon début, le lanceur a été détruit environ 40 secondes de vol. Alors à 3700 mètres d’altitude, le lanceur s’est incliné, a basculé puis a explosé en se cassant. La déception fut énorme, d’autant que le succès semblait assuré. En effet, Ariane 501 emportait les quatre satellites scientifiques Cluster.

Pourquoi cet échec ? Simplement parce qu’un élément récupéré d’Ariane IV, le capteur inertiel, n’a pas été correctement adapté aux nouvelles caractéristiques de vol. L’erreur est petite, mais comme toujours en astronautique, les conséquences sont énormes. Les efforts furent repris pour améliorer la fiabilité, et cette fois avec succès.

Ariane 502

Le second vol eut lieu le 30 octobre 1997, plus d’un an après le premier. Les charges utiles sont cette fois des maquettes. Malgré une réussite globale, les altitudes atteintes sont trop basses, à la fois à cause d’un roulis mal maîtrisé. Par ailleurs, les propulseurs d’appoint qui auraient dû être récupérés pour être réutilisés, sont détruits car mal dimensionnés.

Ces différents soucis furent rapidement identifiés et leur origines déterminées. L’amélioration sur ces différents points a permis, lors du vol suivant, d’atteindre la perfection.

Ariane 503

Le vol 503 fut le dernier vol de qualification d’Ariane. Il s’est déroulé de façon parfaite, corrigeant tous les défauts précédemment constatés. De plus, il avait emporté, outre une maquette de satellite, un module appelé A.R.D., l’Atmosphéric Reentry Demonstrator, qui est un véhicule (démonstrateur) atmosphérique (de forme simple, semblable aux capsules Apollo, mais à l’électronique moderne).

Ce dernier s’est posé sans encombre à moins de 5 km de son objectif. Ce succès complet du troisième vol de qualification a donc ouvert la voie de l’exploitation commerciale, dès le vol 504.

Le développement d’Ariane V

En octobre 1995, il a été décidé de créer plusieurs programmes d’amélioration d’Ariane V. Trois objectifs principaux étaient visés : améliorer les infrastructures au sol, améliorer la qualité de fabrication et enfin améliorer les performances du lanceur.

Pour atteindre les différents objectifs du nouveau lanceur, une architecture simple et totalement nouvelle a été retenue : un étage principal à un seul moteur cryogénique, le Vulcain (E.P.C., Etage Principal Cryogénique), puis un étage supérieur, à moteur à ergols stockables en sans turbopompe (Eastus), l’E.P.S. S’ajoutent deux boosters à poudre, dits Etage d’Accélération à Poudre, E.A.P.. Ainsi simplifié, le lanceur doit être fiable et compétitif.

L’étage principal emporte 160 tonnes de carburant (hydrogène et oxygène liquides) consommés par le Vulcain. Ces deux éléments chimiques sont refroidis : -183°C pour l’oxygène et -255°C pour l’hydrogène, d’où l’appellation “cryogénique”.

Les deux boosters pèsent chacun 270 tonnes (pour respectivement 37 et 10 tonnes pour les P.A.L. et P.A.P. d’Ariane IV !) et ne fonctionnent que deux à trois minutes. Ils consomment de la poudre propulsive.

Enfin, la cage à équipement (cerveau de la fusée) supporte le ou les satellites et la coiffe.

Ariane V Evolution (“Ariane-5 10 tonnes”)

L’objectif du programme Ariane V Evolution est d’augmenter la capacité de satellisation de 1 400 à 2 000 kg selon le type d’orbite, en améliorant de 20 % la poussée du Vulcain. Le premier vol de cette version a été un échec fin 2002 avec sa désintégration en vol quelques instants après son décollage.

Ariane V Plus

Ce programme, plus ambitieux encore que Evolution, doit permettre de développer la polyvalence du lanceur, en rendant possible  par exemple la mise en orbite de constellations de satellites (ce qui nécessite des manœuvres orbitales et donc un étage supérieur réallumable). Par ailleurs, une capacité de 12 tonnes était visée pour 2006.

Ces objectifs passent par la transformation de l’étage à ergols stockables pour le rendre réallumable (Ariane V E-V), le développement d’un étage supérieur cryogénique dérivé du troisième étage d’Ariane IV (Ariane V E-CA) et enfin le développement d’un étage supérieur cryogénique nouveau et réallumable, dénommé Vinci (Ariane V E-CB).

Et maintenant…

100 lancements pour Ariane 5 depuis juin 1996. A l’occasion de son 100ème lancement réussi (mission VA243), le lanceur lourd a mis en orbite deux satellites de télécoms (Horizons 3e et Azerspace-2/Intelsat 38) d’un poids total de  9.940 kg. Ce centième vol a marqué un double événement dans l’histoire de l’Europe spatiale et d’Arianespace : 100e lancement d’une Ariane 5 depuis 1996 et 300e lancement pour l’ensemble de la famille de lanceurs Arianespace (famille Ariane, Soyuz et du lanceur léger italien Vega).

Avec ce 100e vol, Ariane 5 aura mis en orbite un total de 207 satellites pour 68 clients, représentant une masse cumulée de plus de 790 tonnes. A partir de 2020, un dernier lot d’Ariane 5 sera exploité de façon concomitante avec Ariane 6 avant la pleine capacité opérationnelle du futur lanceur, prévue en 2023… et l’arrêt d’Ariane 5. En 22 ans de carrière, Ariane 5 a connu cinq versions : Ariane 5 G, G+, GS, ES et ECA. Ariane 5 ES a été lancée huit fois depuis 2008. Ariane 5 ECA a, quant à elle, effectué 62 lancements vers l’orbite géostationnaire depuis 2002.

La mission V243 reflète bien la carrière d’Ariane 5: sur les 205 satellites que le lanceur a placés en orbite depuis 1996, 170 l’ont été sur des orbites géostationnaires, avec 153 dédiés aux télécoms et 141 lancés pour le compte d’entreprises privées. Au fil des ans, le lanceur Ariane 5 s’est donc imposé comme une des références du lancement vers l’orbite géostationnaire. Plus de 50% des satellites mis en orbite par le lanceur lourd l’ont été pour le compte d’opérateurs situés en dehors de l’Europe, ce qui en fait un champion à l’export.

De nombreuses missions européennes emblématiques ont également jalonné l’histoire d’Ariane 5 : XMM-Newton en 1999, ENVISAT en 2002, Rosetta en 2004, Hershel et Planck en 2009, les cinq lancements des cargos automatiques ATV (ravitaillement de l’ISS) entre 2008 et 2014 et trois lancements pour la constellation de navigation européenne Galileo (12 satellites) entre 2016 et le 25 juillet 2018. Le 19 octobre prochain, c’est le satellite BepiColombo (ESA en partenariat avec la JAXA) qui embarquera à bord d’Ariane 5.

Des concurrents ?

On aimerait pouvoir pavoiser avec nos fusées Ariane mais nous ne sommes pas les seuls à fabriquer des lanceurs.

Le décollage réussi de son premier lanceur lourd, la Falcon Heavy est une étape importante pour SpaceX, puisque cette puissante fusée, capable de transporter jusqu’à 54 tonnes en orbite basse, est le premier lanceur lourd à décoller depuis que Saturn V, la puissante et inégalée fusée des missions Apollo, a pris sa retraite en 1973.

Débutée en 2009 avec le premier lancement réussi d’un satellite, cette activité est devenue plus régulière à partir de 2013 avec la Falcon 9, que l’entreprise a fait évoluer vers plus de puissance et de capacité d’emport pour répondre aux besoins du marché. L’activité a ensuite régulièrement crû, atteignant 110 tonnes envoyées en orbite en 2017. Soit près de deux fois plus qu’Arianespace (59 tonnes envoyées en 2017), leader depuis des années.

En matière de coûts, SpaceX figure parmi les acteurs les plus compétitifs. Alors que le prix d’un lancement est en moyenne de 92 millions de dollars chez ses concurrents, la facture s’élève à 61,2 millions de dollars chez SpaceX pour sa fusée Falcon 9, selon un rapport de la FAA, l’agence fédérale américaine de l’aviation.

Si l’on regarde le coût d’un lancement par kilogramme envoyé dans l’espace, la société américaine est là aussi moins chère que ses concurrentes. Avec des tarifs allant de 4 700 à 12 600 dollars par kilogramme, ses tarifs restent moins élevés que ceux de son principal concurrent, Arianespace, dont la facture oscillerait entre 8 300 et 18 700 dollars par kilogramme en utilisant son lanceur Ariane 5.

Evidemment, la course au budget est amorcée pour le futur lanceur Ariane 6.  Celle-ci, dont le premier lancement est prévu en 2020, devrait conserver la même capacité d’emport (de 10 à 21 tonnes, selon l’orbite), mais coûter moins cher à produire et à lancer (de 94 à 117 millions de dollars, contre environ 178 millions pour Ariane 5).

D’après la tribune.fr et Aerospatium, le prix de vente de lancement des fusées de SpaceX ne serait pas lié directement aux coûts de lancement. En effet, les tarifs pratiqués sont relativement opaques. Il semblerait que les prix puissent  varier du simple au double en fonction du donneur d’ordre. Ainsi, le succès commercial rapide de SpaceX reposerait sur des prix de vente extrêmement bas, décorrélés des vrais coûts de lancement pour certains clients commerciaux. Pour rester à flot, certaines organisations américaines comme la NASA ou l’US Air Force sont facturées au prix fort. Une façon de « subventionner » l’activité américaine au détriment des concurrents étrangers peut-être ?

Arianespace ne communique pas publiquement sur ses tarifs commerciaux mais aujourd’hui, le prix d’un lancement en position haute sur Ariane 5 est connu pour avoisiner les 100 M$, tandis que celui d’un lancement en position basse est de l’ordre de 50 à 60 M$. Ce dernier prix est similaire aux tarifs pratiqués par SpaceX, qui est surtout compétitif pour les satellites trop gros pour voyager en position basse sur le lanceur européen. Cela explique notamment le léger déséquilibre entre les deux catégories de satellites dans le carnet de commandes d’Arianespace. L’objectif d’ArianeGroup pour Ariane 6 est de réduire les prix de 40 % en conservant la même qualité de service, celui de SpaceX est de les réduire les prix de 30 % par la réutilisation d’étages recyclés.

Coût des lanceurs

Ariane 62

Ariane 64

Falcon 9

Falcon Heavy

Proton M

Capacité sur orbite de transfert géostationnaire

4 500 à 5 000 kg

11 500 kg

5 500 kg

8 000 kg

6 270 kg

Prix catalogue

85 M$

130 M$

62 M$

90 M$

65 M$

Prix au kg

17 k$/kg

11,3 k$/kg

11,27 k$/kg

11,25 k$/kg

10,4 k$/kg

Objectif de prix

70 M€

115 M€

56  43 M$

81  63 M$

Prix au kg

14 k€/kg

10 k€/kg

10,2 

7,8 k$/kg

10,1  7,9 k$/kg

La nature du marché des années 2020 demeure très incertaine en fonction du succès ou non des constellations de satellites. Entrent aussi en ligne de compte les choix technologiques qui finiront par être faits concernant les satellites à très haut débit de type VHTS, sur les petits satellites reconfigurables comme le concept GeoNext de SES et sur le service sur orbite des plateformes, chacun de ces choix influant sur les autres.

Arianespace devra y affronter SpaceX, mais aussi United Launch Alliance avec son lanceur Vulcan, International Launch Services avec le Proton et l’Angara, Mitsubishi Heavy Industries avec le H-3 et l’Isro avec le GSLV Mk3, sans oublier l’inconnue que constitue Blue Origin avec son New Glenn ou un possible retour des Chinois sur le marché. Chacun de ces systèmes a ses propres faiblesses qui pourraient affecter durablement sa crédibilité, mais même les plus marginaux grignoteront leur part d’un marché qui restera limité.

Pour aller plus loin :

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