Les Jeux Olympiques et Paralympiques ont tous en commun d’avoir dépassé le budget initialement alloué. Fait étrange, le dépassement ne se limite pas à de légers excédents mais peut, parfois doubler voire tripler la note.

Nous allons analyser quels sont les différents budgets nécessaires à la bonne réalisation de Paris 2024, nous intéresser au dépassement budgétaire des JO de Tokyo et tenter de comprendre pourquoi les budgets sont systématiquement dépassés.

Paris 2024

La décision était attendue après les désistements de Boston, Rome, Hambourg, Budapest et l’accord avec Los Angeles : Paris a obtenu, le mercredi 13 septembre 2017, la tenue des Jeux Olympiques et Paralympiques en 2024. L’obtention des jeux a été formalisée dans le contrat de ville hôte, signé par le président du CIO (Comité International Olympique), le président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et par la maire de Paris.

Cette décision implique pour la France, de nombreux changements et beaucoup de préparatifs. Pour organiser cet événement et mobiliser pleinement les services de l’Etat et des collectivités, deux structures chargées de l’organisation ont été créées.

Le budget du COJO

Le premier, le Comité d’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques (COJO) Paris 2024, dont les statuts ont été déposés à la préfecture de police le 22 décembre 2017, est une association loi 1901. Cette association dispose du budget prévu de 3,9 milliards d’euros pour organiser les jeux. Il est d’ailleurs indiqué que l’origine du financement de cette partie est à 97% d’origine privée puisque ces ressources proviendront, pour l’essentiel, d’une subvention du CIO d’environ 1,2 milliard d’euros, (issue essentiellement des droits de retransmission et des partenaires marketing du CIO), de parrainages nationaux pour 1,1 milliard d’euros, de la billetterie pour plus d’1,2 milliard d’euros, et de produits de licences et de merchandising. Le financement public résiduel de 100 millions d’euros est destiné aux ressources de fonctionnement des jeux Paralympiques. Cette contribution se répartira entre 80 M€ à la charge de l’État, 10 M€ pour la Région Ile-de-France et 10 M€ pour la Ville de Paris. Elle sera attribuée au COJO d’ici 2024.

Le budget du COJO se découpe comme suit :

Budget par direction Précisions sur la nature des dépenses Montant en M€

Marque, créativité et engagement

Cérémonies, célébration, mobilisation des territoires et du mouvement sportif

257

Finance et administration

 

128

Développement commercial et marketing

Programme de partenariat domestique

202

Sports

Déroulement des compétitions

92

Impact et héritage

Actions concrètes et pérennes visant notamment le développement des pratiques dans un objectif de bien-être, de santé, d’éducation et de changement de regard sur l’inclusion, le handicap, la diversité, l’égalité femmes-hommes,…

50

Ressources humaines

Frais de personnel, formation des bénévoles

530

Sites et infrastructures

Installations temporaires, provision forfaitaire liée à l’occupation du village olympique

908

Services aux Jeux

Hébergement, nettoyage, restauration, logistique, transports, sécurité, services médicaux

688

Excellence environnementale

Neutralité carbone, exemplarité et innovation, accélération de la transition écologique

48

Planification et coordination, relations avec le CIO et l’IPC*

 

45,5

Relations internationales

 

45

Affaires publiques

 

2

Communication

 

76

Vision et intégration

 

1

Culture

 

10

Technologie et systèmes d’information

 

381

Présidence / DG (Y compris les provisions pour aléas)

 

443,5

Total

 

3907

Le budget du COJO ne couvre que les coûts de fonctionnement des Jeux, notamment les cérémonies d’ouverture et de remise des médailles, le transport des athlètes aux différents sites, le programme culturel, le centre de presse et la sécurité. Le coût total supporté par la ville hôte et le pays hôte comprend la construction ou la mise aux normes des sites, l’hébergement des athlètes et des visiteurs, les aménagements pour la presse et d’autres équipements connexes. Bien que certains travaux avancent avec pour objectif une fin en 2024, ils ne sont pas imputés aux jeux. Par exemple, les travaux liés au grand Paris, l’aménagement de nouvelles lignes, etc.

 

Le budget de la SOLIDEO

La Société de livraison des ouvrages olympiques (SOLIDEO) est un établissement public industriel et commercial (EPIC) créé par l’article 53 de la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l’aménagement métropolitain dont les statuts ont été fixés par le décret le 27 décembre 2017 relatif à la SOLIDEO.

Son budget pluriannuel, financé à parité par des moyens publics et privés, s’établit à environ 3 milliards d’euros dont près de la moitié proviendront de l’État et des collectivités territoriales.

Ce budget permet la construction ou la rénovation d’infrastructures, la construction du village olympique, la rénovation de stades, de piscines, de routes, de voies piétonnes…, les besoins sont partout.

Cet établissement, dans lequel l’État détient la majorité des voix au conseil d’administration, en sa qualité de premier financeur, a pour missions de financer, aménager et superviser la construction du village olympique et paralympique et le village des médias. Il est également chargé de la rénovation et de la reconfiguration après les Jeux, des équipements nécessaires à l’organisation des JOP 2024.

Le site retenu s’étend sur les communes de Saint-Denis, Saint-Ouen-sur-Seine et L’île-Saint-Denis. Le site est compris dans un périmètre dense : son rayon mesure moins de 500 m, soit moins de 15 minutes à pied d’une extrémité à l’autre. Depuis le Village des athlètes, le Stade de France et le futur Centre aquatique sont à moins de 5 minutes en voiture. Avec à proximité les autoroutes A1 et A86, qui offriront un couloir de circulation dédié durant les Jeux, 22 sports sur 28 seront à moins de 10 km et 85 % des athlètes à moins de 30 minutes de leur site de compétition.

Au cœur du quartier Pleyel, après les Jeux, le village Olympique sera transformé en un lieu de vie et d’activités facilement accessible en transports en commun avec le Grand Paris Express et la gare Saint-Denis Pleyel (lignes 14, 15 et 16).

Trois catégories d’équipements peuvent être distinguées.

La première concerne les infrastructures sportives.

Le dossier de candidature fait état de l’utilisation de nombreux équipements existants (Stade de France, Parc des Princes, stade Roland Garros, vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines, U Arena à Nanterre) et d’infrastructures sur le point d’être livrées (base nautique de Vaires-sur-Marne) ou encore fortement rénovées au cours de l’actuelle décennie (stade Jean Bouin, Accorhôtels Arena).

Deux équipements sportifs devront être construits spécifiquement pour les Jeux de 2024 : d’une part, un centre aquatique comportant un bassin de plongeon et une piscine de water-polo pérenne, d’autre part, une salle omnisport de jauge intermédiaire (7 500 places).

Enfin, d’autres enceintes sportives seront rénovées ou modernisées en vue de l’organisation des Jeux comme le stade Pierre de Coubertin, la couverture du court Suzanne Lenglen à Roland Garros ou encore le stade Yves du Manoir à Colombes.

Les dépenses prévisionnelles relatives à l’ensemble de ces infrastructures sportives seront de l’ordre de 380 M€ sur la période 2018-2026.

La seconde catégorie comprend la construction du village Olympique et Paralympique, ainsi que celles du village des médias et du centre principal des médias. Elle inclut également des aménagements connexes à proximité de ces sites (échangeur, murs anti-bruit, enfouissement de lignes à très haute tension, dragage de la Seine,…).

Il s’agira des chantiers les plus onéreux. Ces investissements proviendront essentiellement des promoteurs immobiliers qui construiront le village olympique et le village des médias, puis se rétribueront en revendant les bâtiments sous forme de logements après les Jeux. La prise en charge de ces investissements par les acteurs publics sera de l’ordre de 650 M€.

La troisième catégorie concerne d’autres types d’équipements et d’aménagements, notamment dans le domaine des transports (échangeurs, murs anti-bruit, enfouissement de lignes à très haute tension, dragage de la Seine, aménagement des abords du canal Saint-Denis, passerelles piétonne au-dessus de l’autoroute A1, aménagement des « voies olympiques »,…).

Les coûts prévisionnels correspondants sont évalués à 100 M€.

Enfin, le budget de la SOLIDEO prévoit un certain nombre de dépenses transversales : un fonds d’innovation et écologie, une réserve pour évolutions programmatiques, des frais de fonctionnement.

Les dérapages budgétaires

Tous les jeux depuis 40 ans dépassent systématiquement le budget initialement prévu. Ce n’est pas du tout l’objectif pour 2024, le Gouvernement l’assure, le coût de l’organisation des JO d’été sera contrôlé. Anne Hidalgo a même déclaré : « Les Jeux dispendieux, je crois que ce n’est plus du tout d’actualité. »

En 2010, un article publié dans une revue du Fonds monétaire international (FMI) affirmait que « les budgets initiaux [des JO] sous-estiment toujours le coût total de l’événement ». Sont visées particulièrement les dépenses de sécurité qui sont minimisées ou le fait qu’entre la présentation de la candidature à l’organisation d’un événement et son organisation effective, les coûts de construction et la valeur du foncier peuvent augmenter.

C’est le principe même de la bataille entre les villes pour obtenir les Jeux qui incite les candidats à sous-estimer les coûts et à enjoliver leurs propres plans. Une fois que les Jeux sont acquis, certains budgets sont revus à la hausse en tenant plus compte de l’ensemble des frais.

Un budget prévisionnel pour Paris 2024 qui a déjà augmenté

Le budget initial prévu par la ville de Paris atteignait les 6,6 milliards d’euros, répartis entre des dépenses d’organisation (3,3 milliards d’euros, financés par le comité d’organisation via le sponsoring et les billets) et des dépenses d’infrastructures (3,3 milliards d’euros). C’est ce budget qui a été présenté lors de la candidature.

Il y a déjà quelques hausses constatées sur le budget du COJO. En effet, celui-ci a été dernièrement révisé pour l’amener à 3,9 milliards d’euros.

Concernant ces 3,3 milliards d’euros d’investissements en infrastructures, l’étude de faisabilité assurait en février 2015 que « près de 2 milliards concernent des installations déjà programmées ou envisagées », comme la rénovation de Paris-Bercy et de Roland-Garros. La construction du village olympique (1,5 milliard d’euros, financée via un partenariat public-privé) permettra ainsi de « participer à l’effort de construction en logements manquants en Ile-de-France » et 200 millions d’euros seront affectés à « la nécessaire mise en accessibilité pour les personnes à mobilité réduite de certaines infrastructures de transport ».

Au total, l’investissement public spécifique aux JO, donc payé par les contribuables, serait ainsi de 1,5 milliard d’euros.

Le projet du Grand Paris prévoit des investissements massifs dans les réseaux de transports franciliens mais il n’est pas comptabilisé dans le budget des Jeux.

Tous les précédents Jeux montrent une explosion des coûts

On ne souhaite que la réussite des organisateurs des Jeux. Si les investissements réalisés sont réutilisés après les Jeux, que la sécurité de l’évènement est au rendez-vous et que les Jeux renvoient une belle image de Paris et de la France, le pari sera gagné.

Si en plus, le budget est respecté, cela sera une réussite totale. Pourtant, les expériences passées, sur les trente dernières années, montrent que le budget initialement présenté est largement dépassé.

Les budgets olympiques constamment dépassés

Par exemple, les Jeux d’Athènes avaient été largement sous-budgétés. En 2011, le président du Comité international olympique (CIO), Jacques Rogge, avait déclaré qu’en Grèce, « 2 % à 3 % de la dette extérieure du pays a augmenté en raison du coût des Jeux ».

Il est donc légitime de se poser la question de l’intérêt des Jeux. Les villes candidates espèrent des retombées positives. Financièrement, l’organisation des Jeux est un coût et il n’y a aucun bénéfice direct. L’économiste Wladimir Andreff parle même d’un « winner’s curse » (« malédiction du vainqueur de l’enchère ») des Jeux olympiques.

Les retombées positives ne sont donc pas financières mais plutôt composées d’effets intangibles telle la fierté nationale et locale d’avoir accueilli les Jeux.

Une étude du cabinet Microeconomix, publiée en février 2015, affirme que si les « gains économiques à attendre de l’organisation des JO sont faibles, voire nuls », même le secteur du tourisme « ne devrait pas particulièrement bénéficier des JO, surtout pour une ville comme Paris se situant déjà dans les trois villes les plus touristiques au monde avec Londres et Bangkok, tandis que la France reste le pays accueillant le plus de touristes ». Conclusion :

« Une candidature honnête devrait reconnaître que, si les gains économiques ne suffisent pas à justifier l’organisation de JO, il est nécessaire de se pencher sur d’autres impacts : bénéfice social, bien-être collectif, fierté nationale, etc., autant d’éléments intangibles, bien plus subjectifs, qu’il ne s’agit pas de négliger pour autant. »

Mais ce n’est pas tout ! L’organisation des Jeux entraîne la construction, la rénovation ou la modernisation de beaucoup d’infrastructures. Si la conversion des équipements et l’utilisation des infrastructures est bien pensée, le territoire profite de ces évènement pour dynamiser son activité et améliorer le quotidien de ses habitants.

Le maire de Barcelone en 1992, Xavier Trias, a estimé en 2012 que l’événement avait « totalement transformé » sa ville. La capitale catalane a ainsi amélioré son réseau de transports, a su réutiliser la plupart des installations olympiques et accueille désormais régulièrement des manifestations sportives de premier plan.

Une réutilisation qui a servi d’exemple aux organisateurs de Londres 2012 mais pas à tous. Athènes et Rio n’ont pas su réutiliser de nombreux sites qui sont vides ou rarement utilisés. De nombreux sites sont à l’abandon et non entretenus.

Pour Tokyo, la malchance continue

Tokyo joue de malchance avec la pandémie de coronavirus. La facture n’a pas encore atteint le montant record des Jeux olympiques d’hiver de Sotchi en 2014 (21,9 milliards d’euros) mais s’en rapproche.

Contraint de reporter les compétitions, Tokyo doit faire face aux remboursements des billets prévendus, aux annulations des transports, à la prolongation des contrats du personnel du comité d’organisation et à la renégociation des accords avec les sponsors.

Les organisateurs ont ainsi dû procéder au remboursement de 810 000 billets achetés au Japon, soit près d’un cinquième des places vendues dans le pays. Parmi les pistes d’économies, ils ont d’ores et déjà réduit le nombre de billets gratuits ou d’invités officiels. Les cérémonies ont également été revues.

Le volet financier ne va pas contribuer à relever la cote de popularité des Jeux olympiques dans la capitale nippone. Les organisateurs ont reconnu récemment une opposition majoritaire de la population de la ville et plus globalement du pays à l’organisation de l’événement du 23 juillet au 8 août 2021. Les Japonais redoutent une relance de l’épidémie avec l’arrivée massive de milliers de visiteurs.