Voyons les résultats de mon étude de marché. Ok, tout le monde trouve formidable le super produit que je viens d’inventer. Par contre,  mes futurs clients paieront 100 euros pour ma trouvaille. Pas un sous de plus !
Premier problème rencontré : j’ai besoin de gagner 20 euros par produit vendu pour faire fonctionner ma SARL JESUISUNGENIE.

Le calcul est assez simple. Je dois avoir des coûts de 80 euros pour fabriquer et distribuer mon produit afin de réaliser mes 20 € de marge. Prix imposé, et parfois, profits imposés !
La méthode des coûts cibles n’est rien de moins que cette toute bête soustraction : Coût cible = Prix de vente imposé – profits attendus.

La variable d’ajustement habituelle est le prix : je conçois un produit, je le fabrique selon une qualité désirée, je me fixe une marge avec laquelle je dois payer les salaires, le loyer et toutes les charges et j’obtiens mon prix de vente pour lequel j’espère avoir des clients.
Ici, avec la méthode des coûts cibles, je raisonne à l’envers : le prix de vente est imposé. Il s’agit d’une perception moderne du marché : c’est le client et le marché (les concurrents pour faire simple) qui vont fixer les prix. Cette vision colle bien avec la mondialisation telle qu’elle est aujourd’hui. C’est donc à partir de ce prix que je dois fabriquer mon produit et payer toutes mes charges. En outre, le profit est lui même parfois imposé par les propriétaires de l’entreprise, à savoir les actionnaires, qui demandent un retour sur investissement de 10 ou de 15 %. Un bouleversement par rapport à l’industrie classique !

En effet, avoir les coûts les plus serrés possibles est un exploit. C’est pourquoi il faut avoir dès la conception du produit, une vision claire du processus de production. Le produit doit consommer peu de matières premières et peu de ressources humaines. Il doit être le plus simple possible tout en intégrant les fonctions déterminées dans l’étude de marché. Il est inutile de prévoir tout un tas de fonctions clinquantes qui ne font plaisir qu’à l’inventeur mais dont personne ne se servira et qui alourdiront les coûts de fabrication du produit pour rien. Il faut s’appuyer sur les demandes et les besoins du marché : les clients sont prêts à payer pour un certain nombre de services et de fonctions ; un grand pêché français est de proposer des produits tout à fait remarquables  réalisés par des ingénieurs mais trop chers et qui ne correspondent pas aux attentes ce qui fut le cas de notre avion de combat RAFALE ou encore du regretté CONCORDE.

La conception et la mise en fabrication deviennent les éléments essentiels de la performance, de l’efficience du produit et de sa mise en vente. Éliminer les gaspillages, travailler en juste à temps, standardiser au maximum les processus de fabrication, définir la chaîne d’approvisionnement des matières premières et toute la logistique et enfin mettre en avant dans l’entreprise les fonctions recherche et développement, sont les outils qui permettent d’optimiser la production. Une autre vision de l’entreprise.
La méthode des coûts cibles, au-delà d’un procédé de fixation des coûts, est une formule qui oblige à repenser tous les processus de l’entreprise et de rentrer dans une démarche d’optimisation des coûts. Toute la difficulté réside dans le fait de trouver les moyens de ne pas dépasser le coût cible en utilisant les compétences de l’entreprise.

Cette méthode nécessite une vision transversale de l’entreprise où les différents services doivent communiquer et travailler ensemble : le service des achats avec celui de la gestion du stock, la R&D avec la production etc. ; cela nécessite de faire tomber quelques barrières hiérarchiques, notamment entre métiers, en privilégiant bien souvent la conduite collective de projet. C’est une méthode tournée vers le client et le marché  qui requiert d’être à l’écoute de ce qu’attendent réellement les clients. Ce processus intègre le résultat d’études approfondies de la satisfaction des testeurs en amont de la fabrication du produit (quelles sont les fonctions  désirées et pour quel prix accepteriez-vous  de payer pour ce produit), ainsi qu’en aval, une fois le produit mis sur le marché (correspond-il aux attentes ?).

La méthode du coût cible ou target costing, par sa vision moderne  de l’entreprise tournée vers le client et le marché, oblige l’entreprise à fonctionner véritablement comme un tout en optimisant les processus à tous les niveaux. Ce n’est pas simplement le calcul d’un coût puisqu’il faut penser en amont de toute la chaîne. Les rouages entre les différents services doivent bien fonctionner. L’entreprise doit, dans le cadre d’une dynamique collective, apprendre à être efficace et efficiente.

 

Pour en savoir + :

  • SAKURAI (1989) : « le coût cible est un outil de gestion des coûts permettant de réduire le coût total d’un produit sur l’intégralité de son cycle de vie, grâce aux départements de la production, de la recherche et développement, du marketing et de la comptabilité. »
  • COOPER (1992) : « l’objectif du coût cible consiste à identifi er le coût de production d’un produit de manière à ce que, une
    fois vendu, ce dernier génère la marge bénéfi ciaire souhaitée. »