D’après les échos populaires, il sera difficile d’entreprendre en 2013. Après une année 2012 morose, le climat international reste toujours tendu et la conjoncture ne semble pas vouloir s’améliorer. Pourtant, 2013 s’annonce comme une année où tout peut arriver. Ce sera l’année des risques à prendre pour créer les opportunités que seuls ceux qui vont de l’avant saisiront. De fait qu’en est-il des entrepreneurs frileux ?

Le paradoxe de l’entrepreneur est entier. Selon le sondage viavoice / les Échos du 17 décembre 2012, 77 % des chefs d’entreprise ne sont pas confiants dans l’évolution de l’économie, alors que 68 % se disent confiants pour leur propre entreprise. Ces deux analyses contradictoires sont la conséquence de nos années de croissance molle.

Les raisons de craindre.

La santé économique de l’Europe.

La crise des dettes souveraines, c’est-à-dire la crise des dettes des États, a plongé l’Europe dans une cure d’austérité forcée. Les États, pour rassurer leurs prêteurs sur leurs capacités à rembourser leurs dettes, ont dû se serrer la ceinture et montrer qu’ils étaient capables de maîtriser leurs budgets, d’augmenter les impôts et de réduire les dépenses publiques. L’Espagne est entrée en récession au troisième trimestre 2012, après deux trimestres consécutifs de baisse du PIB. Le PIB de l’Italie régresse de 2,4 % en 2012 selon toute vraisemblance. Les Pays-Bas ont vu leur PIB reculer de 1,1 % au troisième trimestre par rapport au deuxième. La Hongrie est en récession, la République Tchèque aussi.

La France devrait s’en sortir avec une croissance nulle, c’est-à-dire que la richesse créée par la France en 2012 est la même qu’en 2011, alors que notre population croît, ce qui induit un appauvrissement. Le nombre de défaillances d’entreprises reste élevé : 59 165 entre septembre 2011 et août 2012 soit 1,8 % de moins que la catastrophique année précédente sur la même période. En revanche, le nombre de défaillances des grandes entreprises est en hausse de 34 % et des entreprises comme DOUX SA ou MARIE BRIZARD, d’anciennes sociétés bien implantées, font les frais de cette crise. Le taux de chômage est revenu au niveau de 1998 et devrait dépasser les 10 % en 2013 pour la métropole dont 22 % des 15-24 ans.

Seule l’Allemagne progresse mais pour combien de temps encore puisqu’elle n’attendrait que 0,7 % de croissance en 2012 et 0,4 % en 2013 selon la Banque Centrale allemande ; ces taux suivent une certaine logique car l’essentiel de ses partenaires économiques sont européens.

L’économie stagne mais les dettes progressent toujours, c’est le paradoxe de l’austérité. En France par exemple, malgré les mesures d’austérité des Lois de Finance 2012 et 2013 dont nous avons parlé dans nos précédents numéros, le déficit de l’état en 2012 devrait être de l’ordre de 164 milliards d’euros, soit environ 4,5 % du PIB pour 2012 et d’au moins 3 % en 2013. Même si c’est mieux que les années précédentes, au vu des chiffres de la croissance proche de 0 %, cela reste catastrophique. En effet, la dette globale s’accroît : elle va passer de 85,8 % du PIB à la fin 2011 à environ 90 % fin 2012 et 91,3 % fin 2013.

De ce point de vue, la Grèce continue d’être une épine dans le pied de l’Europe. La grèce a pourtant « restructuré » sa dette tout au long de l’année 2012, c’est-à-dire qu’elle a transformé de la « dette court terme », avec des échances de remboursement qui étaient à un an, en dettes assorties de délais de remboursement plus longs. En d’autres termes, ce qui devait être remboursé en un an, le sera en trois ans ou plus. Ajouté à cela, une partie de la dette grecque a été « effacée » ; c’est-à-dire que les créanciers, les prêteurs à l’état grec, ont bien voulu renoncer à plus de la moitié de ce que la Grèce leur devait. De plus, les grecs font une cure d’austérité drastique, les impôts augmentent sans arrêt, les budgets sociaux sont en chute libre, les salaires des fonctionnaires ont baissé de 15 % etc… Malgré tout cela, la dette grecque est toujours à 160 % de leur PIB et tous les efforts restent vains ! Ces coupes budgétaires sont tellement fortes, que le PIB de la Grèce recule beaucoup et vite : -22 % depuis 2008. Effectivement, les grecs ont perdu plus de 20 % de leur PIB en 4 ans. Cette récession influe sur la dette qui ne recule pas assez. En effet, le PIB chute plus vite que la dette ne se rembourse. Ainsi peut-on s’interroger sur le rôle de cobaye de l’Europe joué par la Grèce en matière d’autérité et sur l’impact d’une telle mesure.

L’Italie n’est pas en marge de la crise malgré l’énergie déployée par le gouvernement Monti. Leur PIB risque de décroître de 2,4 % pour 2012. De plus, la crise politique se fait bien sentir depuis la mi-décembre avec la démission du gouvernement Monti. Cela laisse présumer un retour probable en politique de Sylvio Berlusconi pour les élections anticipées au mois de février 2013.

En dehors de l’Europe, la situation n’est guère plus réjouissante. Aux États-Unis, républicains et démocrates sont incapables de se mettre d’accord sur un plan de sortie de crise. La dette américaine ayant atteint 55 000 milliards de dollars, soit plus que toutes les valeurs des sociétés cotées du monde, la croissance se fait attendre.

Le Japon devrait offrir une croissance inférieure à 1 %, et même les pays émergents montrent des signes de faiblesse. La Chine, selon les chiffres officiels, devrait être aux alentours de 7,5 %. Ces chiffres ne sont pas bons car, en-dessous de 8 %, l’économie chinoise ne produit plus assez d’emplois pour satisfaire la demande des paysans venus chercher du travail en ville. En effet, la Chine connaît un exode rural très important. D’autres indicateurs font frémir, tel que la croissance de la production électrique dans le pays, qui devrait être de l’ordre de 2 % cette année. L’Inde tombe elle‑même à 5,5 % de croissance au lieu de 7 ou 8 % les années précédentes.

Trop d’impôt tue l’impôt

Courbe-de-LafferL’économiste américain Arthur LAFFER dans les années 70 a modélisé la théorie selon laquelle trop d’impôt tue l’impôt. C’est une simple courbe en cloche qui en abscisse montre le taux d’imposition et en ordonnée les recettes fiscales. A force d’augmenter le taux d’imposition, à un moment, les recettes fiscales baissent, il faut alors baisser les impôts pour augmenter les recettes fiscales. Quand le taux devient confiscatoire, d’une part, les agents économiques cessent d’être motivés à travailler puisque le sentiment est que l’État prend tout et, d’autre part, le marché parallèle grossit, en dehors des déclarations officielles et donc en dehors de l’État. C’est typiquement ce que l’on voit aujourd’hui en Grèce où les impôts ne cessent d’augmenter alors que les recettes de l’état baissent, bien qu’il y ait toujours autant de monnaie en circulation. Ce qui signifie que les échanges se font de plus en plus au noir.

 

Les raisons d’espérer.

Le dénouement européen

L’Europe a commencé à bouger, même si cela ne se traduit pas encore en chiffres. Partout en Europe, des réformes sont à l’œuvre pour, notamment, améliorer les marchés de l’emploi et rendre les États plus économes. Egalement, les européens se rendent compte que le modèle social financé à crédit ne peut pas durer plus longtemps et qu’il faut en changer.

Les grandes réformes européennes

Le mécanisme européen de stabilité est un traité qui a été négocié depuis plusieurs années pour mettre en commun au niveau européen, une structure basée à Luxembourg, chargé d’emprunter sur les marchés pour venir en aide aux pays qui en ont besoin. Le MES est entré en vigueur le 27 septembre 2012. Il est dirigé par l’Allemand Klaus Regling depuis le 8 octobre 2012. Le MES est doté d’un capital autorisé fixé à 700 milliards d’euros dont 80 milliards d’euros ont déjà été versés. Le reste le sera sur cinq ans. Le MES permet d’aller emprunter sur les marchés financiers « au nom de l’Europe » avec la garantie de tous les États membres de la zone euro.

Le 13 décembre 2012, les ministres des finances des 27 États membres de la zone euro ont arraché un accord historique sur le contrôle des plus grandes banques d’Europe. Là encore, l’idée est de sauver les banques d’un pays en difficulté avec de l’argent européen. En échange, cette union bancaire améliore son contrôle sur les établissements financiers, notamment ceux qui ont précipité le monde dans la crise dans laquelle nous sommes. Il s’agit donc de mettre en place d’ici 2014 une supervision unique par la BCE (Banque Centrale Européenne)pour les 200 plus grandes banques en Europe (plus de 30 milliards d’euros d’actifs ou plus de 20 % du PIB de leur pays d’origine) et de rompre avec cette pluralité de contrôles de chacun des pays. Cette union bancaire devrait entrer en vigueur le 1er mars 2014.

Le 10 décembre 2012, l’Union Européenne a adopté une « déclaration de brevet unique » pour protéger les innovations dans 25 États sur 27, l’Espagne et l’Italie ayant refusé d’y participer pour protester contre le fait que les brevets ne soient traduits que dans les trois langues de travail de l’Union : l’Allemand, l’Anglais et le Français. Cette nouvelle procédure est un apport majeur pour l’industrie et l’innovation en Europe. En effet, le coût de dépôt d’un brevet passerait d’environ 36 000 euros aujourd’hui pour l’UE à 5 000 euros. Rappelons que le coût est d’environ 600 euros en Chine et 2 000 euros aux USA ! Tandis que les Américains ont déposé 224 000 brevets en 2011, les Chinois 172 000, les Européens en ont déposé que 62 000… La bataille des brevets est cruciale dans la guerre industrielle.

Les réformes françaises

Le Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi (CICE) est la mesure phare du pacte de compétitivité et de croissance. Il doit en effet redistribuer 20 milliards d’euros aux entreprises sous forme de crédit d’impôts contre des modalités encore à préciser mais qui seront probablement liées à l’augmentation de la masse salariale dans les entreprises. Les entreprises qui embaucheront et dont la masse salariale augmentera, se verront rembourser une partie de leur impôt, voire même recevront un chèque de l’administration fiscale en cas d’impôt devenu négatif (le principe du crédit d’impôts par rapport à un abattement).

La Banque Publique d’Investissement (BPI) a été créée pour que nos entreprises pallient au manque de trésorerie et au manque de marge. Les marges de nos entreprises sont trop faibles pour qu’elles investissent et elles s’étouffent du fait des prix qu’elles doivent pratiquer pour récupérer des marchés. Fin 2011, le taux de marge des sociétés produisant des biens et services non financiers, est tombé à 28,6 %, son plus bas niveau depuis 25 ans. C’est surtout le plus faible taux de toute l’Europe… A titre de comparaison, le taux de marge était de 34,4 % en Allemagne et de 38,3 % en zone euro selon Eurostat, l’office européen de statistiques. L’Etat se dote d’une structure unique pour chapeauter tous les systèmes actuels d’aides aux entreprises afin de leur fournir les prêts que les banques ne veulent plus leur accorder. Certaines n’ont parfois besoin que de quelques milliers d’euros pour passer un cap. La BPI pourrait garantir une partie d’un prêt pour une entreprise avec la signature de l’État comme garant.

Pour résoudre le problème du chômage, de nouveaux contrats aidés ont vu le jour tel que le Contrat d’Avenir ou encore le Contrat de Génération. Rappellons tout de même que par le passé, ces contrats en faveur des jeunes ont donné des résultats mais n’ont jamais produit l’impact annoncé.

A l’international et plus précisement aux États-Unis, la croissance semble repartir, avec une politique monétaire toujours aussi lâche. La Banque Centrale américaine s’est donnée un objectif de lutte contre le chômage avant de remonter les taux directeurs : 6,5 % de chômage. C’est inédit et c’est semble-t-il unique au monde. Cela montre la volonté Outre-Atlantique de lutter corps et âme contre le chômage.

Toujours aux Etats-Unis, d’autres efforts sont engagés comme par exemple dans l’exploitation des gaz de schiste qui redonne du souffle à l’économie américaine. Si les prévisions actuelles se confirmaient, les États‑Unis pourraient devenir le premier producteur de pétrole en 2020. Les effets possibles sont encore méconnus, il pourrait y avoir un exode massif de la populations vers des états un peu réculés comme le Dakota du Nord.

En Chine, les plans de relance se succèdent.

Au Brésil, autre grand pays émergent, la croissance devrait atteindre 4 %.

Globalement le taux de croissance mondiale attendu est de plus de 3 % pour l’année 2013.

En conclusion, les facteurs d’espoir pour 2013 sont nombreux mais fragiles. Ils vont dépendre de la capacité du Monde et notamment de l’Europe à redoubler d’efforts et à faire preuve d’une inventivité débordante. Dans ces nouvelles conditions, les opportunités seront larges, de nombreux secteurs liés à l’économie numérique, à la transition écologique, à l’industrie de la connaissance sont et seront en croissance. Les jeunes entrepreneurs courageux devront donc également être terriblement inventifs.

 

L’Allemagne à bout de souffle (par Fabien Piliu pour latribune.fr)

Envié, voire jalousé en France, le modèle économique de notre puissant voisin est-il en train de craquer ? Vendredi 7 décembre, la Bundesbank, la banque centrale allemande, avait annoncé une révision à la baisse de sa prévision de croissance du PIB de l’Allemagne à 0,7 % pour 2012, contre 1 % jusqu’alors. En 2013, le choc serait encore plus fort. Le PIB ne progresserait que de 0,4 %, loin, très loin du 1,6 % anticipé par le gouvernement d’Angela Merkel.

« Les perspectives de conjoncture se sont assombries en Allemagne », explique la Buba dans son rapport daté de décembre, justifiant sa décision par la récession en zone euro mais aussi par le ralentissement global de l’économie.

Fort heureusement pour nos voisins, la banque centrale estime que ce ralentissement de la croissance ne serait que temporaire. « L’Allemagne retrouvera le chemin de la croissance en 2014 », assure-t-elle, tablant une hausse de 1,9% du PIB.

« La bonne constitution fondamentale de l’économie allemande fait que l’affaiblissement de la croissance ne s’accompagne pas de plus grands dommages, en particulier sur le marché du travail », poursuit la banque centrale. Ce n’est pas la première fois cette année que la Bundesbank révise à la baisse sa prévision de croissance pour l’an prochain. En juin, ses calculs l’amenaient à anticiper une croissance de 1,6 % et non plus de 1,8 %. En revanche, elle avait relevé sa prévision pour 2012 de 0,6 % à 1 %.

« Nos projections sont caractérisées par un fort degré d’incertitude. Il est envisageable que la zone euro se redresse plus rapidement et que l’économie mondiale accélère davantage que nous ne le supposons maintenant », explique la banque centrale. En clair, les banques centrales européennes et les institutions internationales usent de pronostics. A leur décharge, le climat économique est particulièrement incertain et mouvant. Dévoilées cet automne, la multiplication des politiques d’austérité budgétaire ont notamment obligé l’OCDE, le FMI et la Commission européenne à réviser leurs prévisions de croissance pour intégrer les dernières informations.