Chaque année, la pluie déverse près de 500 milliards de m3 d’eau sur la France. S’y ajoutent l’eau des fleuves venant de l’étranger. Mais plus de 60 % de cette ressource repartent vers l’atmosphère par évaporation.
De ces flux en perpétuel renouvellement, 61 % s’évaporent, 16 % alimentent les cours d’eau et 23 % s’infiltrent dans le sol pour aller recharger les nappes souterraines. On estime à 34 milliards de m3 d’eau, le volume prélevé en France métropolitaine pour satisfaire les activités humaines, dont 81 % en eaux superficielles et 19 % en eaux souterraines. Sur ce total, 28 milliards de m3 sont restitués au milieu naturel.
La gestion de l’eau en France : les agences de l’eau
En France métropolitaine, la gestion des eaux est organisée autour de 7 bassins hydrographiques, qui correspondent aux 4 grands fleuves (bassin Adour-Garonne, bassin Loire-Bretagne, bassin Rhône-Méditerranée, bassin Seine-Normandie), à la Corse (depuis la loi Corse de janvier 2002), aux rivières du Nord (bassin Artois-Picardie) et au bassin français du Rhin (bassin Rhin-Meuse). Dans chaque bassin existe une Agence de l’eau, établissement public de l’État, placé sous la double tutelle du ministère de l’écologie et du développement durable et du ministère des finances. La gestion par bassin versant correspond à un découpage naturel. Ainsi, le bassin Rhône-Méditerranée est le territoire sur lequel toute goutte d’eau qui tombe va, en ruisselant, rejoindre la Méditerranée. Le périmètre de ce bassin correspond aux lignes de partage des eaux, c’est-à-dire à la limite (un sommet très souvent) où une goutte d’eau ne va plus ruisseler vers le bassin Rhône-Méditerranée, mais vers un autre bassin hydrographique (Seine-Normandie, Loire-Bretagne, Adour-Garonne…).
Établissements publics de l’État, les agences de l’eau ont pour mission d’initier, à l’échelle de leur bassin versant, une utilisation rationnelle des ressources en eau, la lutte contre leur pollution et la protection des milieux aquatiques. Il existe 6 agences de l’eau en France qui interviennent sur 7 bassins hydrographiques.
L’agence de l’eau perçoit des redevances auprès des utilisateurs de l’eau pour les prélèvements qu’ils effectuent ou la pollution qu’ils génèrent, selon le principe « pollueur-payeur » ou « préleveur-payeur ». Ces redevances ont pour principal objectif, d’inciter chacun à mieux gérer l’eau. Pour conduire ses missions, l’agence agit dans le cadre d’un programme d’interventions pluriannuel, adopté par son conseil d’administration avec avis des comités de bassin.
Le conseil d’administration :
- détermine la politique de l’agence.
- soumet aux comités de bassin les propositions en matière de redevances et de programme d’intervention.
- définit les règles et modes d’attribution des aides aux différents maîtres d’ouvrages.
- administre l’agence.
Pour rappel, un comité de bassin est une assemblée qui regroupe les différents acteurs, publics ou privés, agissant dans le domaine de l’eau. Son objet est de débattre et de définir de façon concertée, les grands axes de la politique de gestion de la ressource en eau et de protection des milieux naturels aquatiques, à l’échelle d’un grand bassin versant hydrographique. L’originalité de cette assemblée repose donc à la fois sur le découpage territorial de sa zone de compétence géographique – découpage fondé sur la notion de bassin versant – sur ses missions spécifiques de concertation, d’orientation et de décision ainsi que sur sa composition large et diversifiée. Il existe aujourd’hui sept comités de bassin sur le territoire métropolitain correspondant aux sept grands bassins hydrographiques français et cinq comités de bassin dans les DROM (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Réunion et Mayotte).
À quoi sert l’eau ?
Si l’eau potable, ou rendue potable, sert évidemment à la vie humaine, d’autres activités peuvent également requérir des quantités d’eau importantes, comme l’irrigation, la production d’énergie… L’eau est alors retirée du milieu naturel, à savoir, des rivières, fleuves, nappes alluviales, nappes souterraines, lacs…
Ces quantités prélevées au milieu naturel peuvent être distinguées comme suit, selon leurs usages :
- la consommation brute (ou prélèvement brut) : c’est le volume qui est prélevé, dont une partie retourne dans le milieu naturel
- la consommation nette : c’est le volume qui a été prélevé et qui ne retourne pas dans le milieu naturel.
Parmi les 4 grands secteurs qui sont à l’origine de prélèvements (cf. tableau ci-après), l’écart entre ces deux mesures est particulièrement important pour 2 utilisations spécifiques et massives de la ressource en eau. En effet, le secteur énergétique a une consommation brute importante, mais une consommation nette faible. Cela signifie que s’il retire beaucoup d’eau au milieu, presque toute cette eau est restituée ensuite aux rivières, aux fleuves…
De l’autre côté, le secteur agricole présente une consommation brute mesurée, mais une consommation nette très importante. Cela montre que s’il ne retire apparemment pas d’eau en quantités excessives au milieu (en comparaison du secteur énergétique), une très large part de ces prélèvements ne retourne pas au milieu, ce qui fait de cet usage au final, un gros consommateur d’eau.
Répartition et part des prélèvements bruts et des consommations nettes en fonction des catégories d’usage.
USAGES |
Énergie |
Eau potable |
Industrie |
Agriculture |
Prélèvements bruts3 (34 milliards de m3) |
57% |
18% |
10% |
15% |
Consommations nettes4 (6 milliards de m3) |
22% |
24% |
6% |
48% |
Quel est le prix de l’eau ?
Le mètre cube (1 000 litres) coûte en moyenne 3,70 € en métropole, redevances et taxes comprises. Une famille française dépense, en moyenne, 1 euro par jour pour le service public de distribution d’eau et d’assainissement des eaux usées. Dans l’Union européenne, le prix moyen est de 4,05€.
Le principe pollueur-payeur, à la base du système de redevances, permet de financer la lutte contre les pollutions. Il permet donc l’action curative. Mais ce principe incite aussi à l’action préventive puisque le pollueur, en réduisant ses pollutions, pourra réduire ses redevances, donc ses contributions financières. Voici les fondements du principe des redevances.
Les principes préleveur-payeur et pollueur-payeur sont les principes sur lesquels s’appuient les Agences de l’eau pour calculer les redevances qui, toutes cumulées, représentent chaque année, un peu moins de 2 milliards d’euros. Somme importante, d’où cette question légitime : qui paie les redevances aux Agences de l’eau ?
En principe toute personne ou acteur économique qui prélève de l’eau dans divers milieux ou qui, par ses actions, contribue à la dégradation de la qualité de l’eau.
Nous sommes donc tous des redevables en puissance. Seulement voilà, selon la catégorie d’utilisateur d’eau à laquelle nous appartenons, nous payons des redevances très inégales, certains en sont même exonérés. Pour illustrer cette problématique, la redevance « pollution » est ici prise en exemple.
Dans la masse des contributeurs aux finances des Agences de l’eau, trois groupes d’acteurs sont identifiables.
Les particuliers
Dans notre vie domestique, quelle que soit la profession exercée, nous utilisons de l’eau. Par l’usage que nous en faisons, nous affectons sa qualité, ainsi que la qualité du milieu naturel dans lequel nous la rejetons. La pollution domestique est surtout formée par de la matière organique.
Son traitement révèle des situations contrastées. Dans les villes, les maisons et les immeubles sont connectés au réseau du « tout à l’égout » qui suit la voirie en souterrain : c’est le réseau de collecte.
L’eau ainsi collectée est dépolluée dans des stations d’épuration des eaux usées, plus ou moins efficaces, pour ensuite être rejetée dans le milieu naturel. Les stations modernes ont des rendements d’épuration élevés, jusqu’à 90 %, ce qui constitue une belle performance mais signifie quand même que 10 % de la pollution initiale arrivent dans le milieu naturel, ce qui n’est pas complètement satisfaisant, surtout pour les rivières aux faibles capacités naturelles épuratoires.
A cette pollution résiduelle, s’ajoutent les pertes de pollutions dans les réseaux de collecte, et dans certains réseaux vétustes dans lesquels les eaux usées et les eaux de pluie se mélangent.
Enfin, là où il n’existe pas de traitement collectif par station d’épuration et réseau de collecte, l’eau usée est traitée individuellement par fosses septiques, ou fosses « toute eau », suivies par un épandage au travers de drains souterrains. Quand ce système est réalisé selon les normes, il est très performant et les pollutions qui arrivent dans le milieu sont très faibles.
Toutes ces pollutions particulières, provenant de la limite de rendement des stations d’épuration, du dysfonctionnement et de la vétusté des réseaux de collecte, de l’assainissement individuel plus ou moins conforme, vont représenter une quantité de pollution non traitée qui arrive au milieu naturel. Dans l’application du principe pollueur-payeur, c’est la somme de ces pollutions résiduelles qui devrait être utilisée pour calculer la redevance des particuliers.
Les industriels
Ce groupe est constitué par des entreprises dans des situations économiques très diverses. Leurs activités étant très variées, les pollutions produites couvrent une large palette : matières organiques du secteur agro-industriel, molécules complexes de l’industrie chimique, cellulose des industries du papier, éléments métalliques des industries du traitement de surface, huile de coupe des ateliers, lubrifiants issus des garages de réparation automobile, eaux des laveries…
Le traitement de ces pollutions se fait selon deux voies principales. Les PME-PMI ainsi que le secteur artisanal utilisent souvent les réseaux et les stations d’épuration collectives des villes, parfois après avoir effectué au niveau de l’entreprise un traitement partiel.
Les performances des traitements dépendront de celles de la station urbaine et de son réseau de collecte. Dans ce cas, la pollution résiduelle sera liée aux efforts de dépollution de la collectivité locale. Ces entreprises qui utilisent le réseau urbain sont appelée : les « industries raccordées ». À l’inverse, les grandes entreprises traitent elles-mêmes les pollutions qu’elles génèrent. Elles disposent donc d’une station d’épuration spécifique et d’un rejet vers le milieu naturel : ce sont les « industries non raccordées ». Leurs pollutions résiduelles ne dépendent que d’elles-mêmes et éventuellement de la vigueur de leur secteur d’activité.
Quoi qu’il en soit, c’est au titre de leur activité économique que les entreprises vont acquitter la redevance.
Les agriculteurs
Cette dénomination cache une grande diversité de situations économiques et une multitude de spécialités agricoles. Quoi de commun entre une exploitation céréalière de 250 ha du bassin parisien, et un élevage de veaux sous la mère, en montagne ?
Certainement pas les primes de la PAC. Ce qu’elles ont en commun, c’est le sol comme outil de production, ce qui représente 60 % du territoire national.
Mais le sol, c’est aussi le réceptacle de la pluie et c’est pourquoi les pratiques agricoles vont avoir un impact majeur sur le cycle de l’eau et sur sa qualité. Si, aux niveaux urbain et industriel, les pollutions résiduelles sont ponctuelles (ce qui facilite leur mesure), à l’inverse les pollutions agricoles résiduelles sont très majoritairement diffuses, ce qui rend plus difficile leur estimation.
En fait, ces pollutions diffuses ont plusieurs origines. Pour augmenter sa productivité, l’agriculture d’aujourd’hui utilise des quantités importantes de fertilisants minéraux dont les éléments majeurs sont l’azote et le phosphore. La forme nitrate de l’azote est fortement soluble dans l’eau. Dans le contexte d’une sur-fertilisation quasiment généralisée, les nitrates non utilisés par les plantes sont très facilement et très rapidement entraînés vers les nappes et les rivières, d’où leur importante contamination.
Le phosphore ne présente pas une telle solubilité. En conséquence, ses excédents d’utilisation s’accumulent chaque année dans les parties superficielles des sols.
C’est à l’occasion des forts épisodes pluvieux, conduisant au ruissellement superficiel des eaux de pluie, que le phosphore lié aux particules de sol est entraîné dans les rivières où il s’accumule : c’est la voie de diffusion principale.
La suppression des haies et des talus, le drainage des zones humides, la rectification et l’approfondissement du chevelu des rivières, les sols nus en hiver (…), tous ces aménagements facilitent l’évacuation rapide de l’eau de pluie et ont donc intensifié le transport des matières solides et du phosphore vers les rivières. Ce phosphore d’origine agricole, comme celui d’origine urbaine et industrielle, contribue à l’eutrophisation des eaux et à son cortège de nuisances.
Enfin, l’agriculture est aussi une très grande utilisatrice de produits phytosanitaires. Ils sont épandus sur la surface agricole utile par des techniques dont certaines conduisent à une très forte dispersion dans l’environnement, dans l’air, et aussi dans l’eau des rivières et des nappes.
Quelle que soit la voie par laquelle tous les produits utilisés en agriculture se retrouvent dans l’eau, ils forment non pas une pollution résiduelle comme dans le cas de l’industrie ou de l’urbain, mais une pollution transférée.