S’agissant des frais de scolarité prohibitifs, la France a été épargnée jusqu’ici. Mais qu’est-ce-qui est cher ? Tout le problème est de comparer ce qui est comparable. Le Figaro étudiant a d’ailleurs publié son classement quant aux meilleures écoles de commerce.
Première difficulté : la plupart des établissements ne disposent pas d’une comptabilité analytique pouvant répartir le coût de chaque poste. Comment se ventile la charge d’un professeur qui enseigne aussi bien en master qu’en MBA et qui dirige un département ? Il faut ensuite prendre en compte de nombreux paramètres: le nombre d’étudiants dans chaque cursus, le type de programme, les prestations annexes (relations entreprises…), les services centraux, sans oublier l’immobilier et l’imposant poste des salaires des enseignants.
Dans un Institut d’Administration des Entreprises (IAE), les professeurs sont directement payés par l’Etat, mais à des niveaux inférieurs à ceux des grandes écoles : rarement plus de 50 000 euros l’an. Autrement dit, la moitié au moins du coût réel n’apparaît pas dans le budget. Pour 6 000 étudiants (dont une proportion importante en licence), l’IAE de Lyon affiche ainsi un budget annuel de 33 millions d’euros dont 8 millions de ressources propres et 33 millions apportés par l’Etat. Soit environ 5 500 euros par étudiant et par an, en intégrant les salaires des enseignants. A l’IAE de Paris, on table cependant sur un coût moyen bien supérieur : de 11 000 euros par étudiant.
Dans les grandes écoles, à l’inverse, le bilan comptable est bien différent. Le premier poste de dépenses est constitué par les salaires des enseignants. Certains professeurs ont des profils « juniors » et d’autres sont plus expérimentés. Pour certains professeurs, les salaires peuvent grimper jusqu’à 200 000 euros par an. A l’école Skema, le coût d’un élève tourne autour de 12 000 à 13 000 euros par an. Certaines écoles parisiennes affichent un prix de revient nettement supérieur. A l’Essec, Jean-Michel Blanquer, le directeur, table sur « un peu plus de 20 000 euros ».
Rang |
Ecole |
Campus en France |
Cours en anglais |
% en alternance |
Prix |
1 |
HEC |
Jouy-en-Josas |
oui |
0 % |
13 500 € |
2 |
Essec |
Cergy |
oui |
20 % |
13 500 € |
3 |
ESCP Europe |
Paris |
oui |
5 % |
13 000 € |
4 |
EM Lyon |
Lyon |
oui |
1 % |
15 000 € |
5 |
Edhec |
Lille, Nice |
oui |
11 % |
12 907 € |
5 |
Grenoble EM |
Grenoble, Paris |
oui |
31 % |
11 191 € |
7 |
Iéseg |
Lille, Paris |
oui |
4 % |
9 198 € |
8 |
Audencia |
Nantes |
oui |
2 % |
10 200 € |
9 |
Toulouse BS |
Toulouse |
oui |
9 % |
10 000 € |
10 |
Kedge |
Bordeaux, Marseille, Toulon |
oui |
18 % |
11 400 € |
11 |
Skema |
Lille, Paris-la-Défense, Sophia-Antipolis |
oui |
25 % |
10 000 € |
12 |
Rennes School of Business |
Rennes |
oui |
8 % |
9 800 € |
13 |
Essca |
Angers, Boulogne-Billancourt, Aix-en‑Provence, Bordeaux, Lyon |
oui |
11 % |
9 250 € |
14 |
Neoma |
Rouen, Reims |
oui |
13 % |
10 880 € |
15 |
EM Normandie |
Caen, Le Havre, Paris |
oui |
25 % |
8 870 € |
Devons-nous comprendre que les écoles sont en déficit ? Et bien oui ! L’Etat n’aide pas au financement de ces écoles. La taxe d’apprentissage et celle de la formation versées directement aux entreprises contribuent donc à équilibrer les budgets. C’est pourquoi la plupart des établissements ont fortement majoré leurs tarifs. A l’avenir, ils devraient continuer à augmenter mais d’une manière limitée.
Aujourd’hui, le coût de la plupart des grandes écoles se situe dans une fourchette de 8 000 à 12 000 euros par an, seule Télécom Management affichant un tarif franchement inférieur. Quant aux grands établissements parisiens, ils tutoient désormais la barre des 15 000 euros.
Et celle-ci devrait être franchie rapidement, au moins par HEC. Peter Todd, son directeur général, prévoit d’augmenter ses droits de 6 % à 8 % par an sur les trois prochaines années. Ce qui pourrait conduire les tarifs de l’établissement tout près de 17 000 euros par an. A TBS, par exemple, François Bonvalet table sur une progression de 2 % à 3 % sur les trois années à venir. Seules les écoles les plus cotées pourraient se payer le luxe d’une progression plus rapide. De quoi creuser encore davantage l’écart entre les établissements « leaders » et les autres…
L’Essec prévoit cependant de ne pas dépasser 5 % par an. Dans le même temps, les dispositifs destinés à « amortir le choc » pour les étudiants de milieu modeste (alternance, bourses, aides, petits boulots et autres prêts bancaires) devraient eux aussi se développer.
Il faut comparer le coût de ces années de grandes écoles avec ceux de l’étranger. Les directeurs regardent aussi la situation outre-Atlantique ou au Royaume-Uni. « Aux Etats-Unis, la moindre business school coûte entre 40 000 et 50 000 dollars par an (entre 36 000 et 45 000 euros), note François Bonvalet, directeur général de Toulouse Business School (TBS). Alors qu’en France, il est difficile de passer la barre des 15 000 euros. Mais ce n’est pas du tout le même marché… » Pour Emeric Peyredieu du Charlat, directeur général d’Audencia, « personne ne souhaite arriver à la situation américaine, où les étudiants se retrouvent très endettés, avec un retour sur investissement improbable ».
Ces directeurs de grandes écoles sont dans la situation de chefs d’entreprises classiques, chargés de faire tourner leurs sociétés, de continuer à attirer la clientèle en restant à des prix de marché acceptables pour les consommateurs. Et ils le savent, même les ménages aisés doivent fournir un effort conséquent et ne parviennent pas toujours à financer une seconde scolarité payante lorsque deux de leurs enfants se suivent de près.
Comme pour toute entreprise, les arguments marketing sont de sortie. Il en va ainsi du salaire moyen de 54 000 euros par an que perçoivent les étudiants à la sortie. De plus, de nombreuses aides permettent aux plus modestes de financer le coût de la vie, à supporter en plus de ces frais de scolarité.
Frais de scolarité et variation entre 2009 et 2016
Ecole |
2009 |
2011 |
2015 |
2016 |
|||
HEC Paris |
26 900 |
57,8 % |
35 700 |
18,9 % |
41 250 |
2,9 % |
42 450 |
ESSEC |
29 400 |
41,8 % |
38 500 |
8,3 % |
40 500 |
3,0 % |
41 700 |
ESCP Europe |
25 200 |
64,3 % |
32 000 |
29,4 % |
39 000 |
6,2 % |
41 400 |
EMLYON Business School |
23 500 |
87,2 % |
31 100 |
41,5 % |
37 500 |
17,3 % |
44 000 |
EDHEC Business School |
25 000 |
80,0 % |
31 100 |
44,7 % |
45 000 |
0,0 % |
45 000 |
AUDENCIA Nantes |
21600 |
66,7 % |
26 400 |
36,4 % |
34 000 |
5,9 % |
36 000 |
GRENOBLE EM |
24 900 |
37,0 % |
27 690 |
23,2 % |
33 573 |
1,6 % |
34 118 |
TOULOUSE Business School |
24 700 |
24,7 % |
28 750 |
7,1 % |
30 700 |
0,3 % |
30 800 |
NEOMA Business School |
24 008 |
36,0 % |
26 515 |
23,1 % |
32 640 |
0,0 % |
32 640 |
SKEMA Business School |
24 115 |
38,9 % |
29 000 |
15,5 % |
31 690 |
5,7 % |
33 500 |
KEDGE Business School |
22 360 |
56,3 % |
25 050 |
39,5 % |
34 200 |
2,2 % |
34 950 |
RENNES School of Business |
21 500 |
45,1 % |
24 300 |
28,4 % |
28 800 |
8,3 % |
31 200 |
TELECOM Ecole de Management |
3 240 |
478,7 % |
7 500 |
150,0 % |
16 950 |
10,6 % |
18 750 |
MONTPELLIER Business School |
23 230 |
35,6 % |
26 011 |
21,1 % |
31 125 |
1,2 % |
31 500 |
EM STRASBOURG |
15 300 |
75,3 % |
19 500 |
37,6 % |
22 500 |
19,2 % |
26 828 |
ESC DIJON BOURGOGNE |
20 800 |
32,7 % |
24 300 |
13,6 % |
25 500 |
8,2 % |
27 600 |
ICN Business School |
20 780 |
38,1 % |
23 400 |
22,6 % |
27 800 |
3,2 % |
28 700 |
ESC LA ROCHELLE |
20 500 |
38,3 % |
22 950 |
23,5 % |
28 350 |
0,0 % |
28 350 |
INSEEC BS |
23 730 |
34,2 % |
26 460 |
20,4 % |
31 850 |
0,0 % |
31 850 |
ISC Paris Business School |
25 515 |
28,7 % |
27 480 |
19,5 % |
32 340 |
1,6 % |
32 850 |
Groupe ESC Clermont |
19 950 |
24,1 % |
21 000 |
17,9 % |
24 750 |
0,0 % |
24 750 |
EM NORMANDIE |
19 530 |
40,1 % |
22 150 |
23,6 % |
26 770 |
2,2 % |
27 370 |
ISG International Business School |
19 650 |
61,0 % |
26 500 |
19,4 % |
30 870 |
2,5 % |
31 640 |
Groupe ESC PAU |
23 400 |
12,8 % |
25 190 |
4,8 % |
26 400 |
0,0 % |
26 400 |
Groupe ESC TROYES |
18 600 |
35,5 % |
20 700 |
21,7 % |
24 500 |
2,9 % |
25 200 |
BREST Business School |
18 600 |
37,1 % |
20 700 |
23,2 % |
25 500 |
0,0 % |
25 500 |
Moyenne |
21 896 |
62,0 % |
25 969 |
28,6 % |
31 142 |
4,1 % |
32 381 |
Le défi pour les grandes écoles est de mettre en place les mesures nécessaires pour résister à la concurrence internationale et d’investir leurs ressources non seulement pour nourrir des ambitions à venir mais aussi pour améliorer l’expérience des étudiants actuellement scolarisés. De trop nombreux étudiants ont confié leur impression, de payer pour les générations à venir…