Sans saut technologique et transformation rapide de nos modèles de production, seules les découvertes de nouveaux gisements d’énergies et de matières premières pourraient nous permettre de maintenir notre modèle de consommation. Aussi fou que cela puisse paraître, la prospection sur les ressources extraterrestres est envisagée aujourd’hui comme l’un des moyens d’assurer la continuité de nos modèles économiques.
Certaines ressources énergétiques comme le pétrole ou le gaz, ont été inventoriées sur l’ensemble de la planète. Le diagnostic laisse peu de doutes sur leur épuisement rapide. On ne connaît pas les quantités restantes pour d’autres types de ressources, comme les terres rares alors que celles-ci sont utilisées en grande quantité dans les nouvelles technologies.
Sus aux astéroïdes !
L’entreprise Deep Space Industry affirme vouloir envoyer dans l’espace des petits vaisseaux pour de courtes missions de 2 à 6 mois dès 2015. Les vaisseaux, surnommés les Fireflies (les lucioles), permettraient de déterminer quels sont les astéroïdes les plus riches en ressources parmi ceux qui passent à proximité de la Terre.
Elle cherche aujourd’hui des financements, notamment avec un partenariat avec la NASA, et des licences exclusives d’exploitation, comme des brevets protégeant ses découvertes et ses zones d’exploitation. Elle voudrait que les mines soit protégées par des licences de forme équivalente à celles qui protégeaient les découvertes d’or lors de la Ruée vers l’or américaine du milieu du 18ème siècle.
L’exploration spatiale a beau n’en être qu’à ses balbutiements, les start-up de la Silicon Valley comme les agences nationales américaines ou chinoises ont déjà pris le départ de cette ruée vers l’or extraterrestre. Au printemps, la société américaine Planetary Resources a lancé l’Arkyd 3 Reflight, une sonde destinée à détecter la présence de minerais dans les astéroïdes. Elle espère pouvoir en envoyer une deuxième avant la fin de l’année. Ces missions sont encore à un stade très expérimental puisqu’il ne s’agit que de tester les instruments de mesures et d’exploration.
Les scientifiques ont aussi repéré dans ces astéroïdes, la présence de métaux très précieux, qu’on appelle les «terres rares». Scandium, cérium, samarium, lanthane, etc. en tout 17 métaux aux noms inconnus du grand public, et pourtant indispensables à la fabrication de nos smartphones, des composants électroniques ou encore des écrans. Leurs gisements terrestres étant très limités, ces métaux représentent un potentiel gigantesque.
La lune sera bientôt exploitée
Toujours chez Planetary Resources, financée par un certain Larry Page, l’actuel patron de Google et, notamment, James Cameron, la lune est au programme. Le potentiel estimé de l’exploitation de ses ces ressources minières devrait peser quelques 100 milliards de dollars dès 2050 !
L’agence spatiale américaine mène son propre programme, l’Asteroid Return Mission, pour aller prélever un bloc rocheux de quelques mètres dans l’espace. En partenariat avec la start-up californienne, elle a mis au point un logiciel d’analyse des images des télescopes terrestres permettant d’améliorer de 15% la détection des astéroïdes.
Cette première phase est cruciale car, «avant même de penser à les exploiter, il faudra trouver la perle rare parmi les 680.000 astéroïdes recensés à ce jour», tempère Francis Rocard, responsable du programme d’exploration du système solaire au Centre national d’études spatiales (Cnes). «Tout cela reste très spéculatif», juge l’astrophysicien, qui se montre également dubitatif quant à l’exploitation des ressources minières du sol lunaire, déjà bien cartographié. Il n’y aurait en effet, pas de zones où la concentration soit assez forte pour justifier un creusement. «Il faudrait vraiment que le cours des terres rares sur notre planète atteigne un coût prohibitif pour que l’exploitation de la Lune, si tant est qu’il y ait là-bas quelque chose d’exploitable, soit rentable.»
Mais il en faut plus pour refroidir les ardeurs des entrepreneurs déjà sur les rangs pour partir à la conquête des richesses lunaires. D’autant que les métaux ne sont pas les seuls trésors de notre satellite. L’hélium 3 est aussi l’objet de toutes les convoitises. Quasi inexistant sur Terre, ce gaz est apporté en grande quantité par le vent solaire qui bombarde la Lune. Or, la fusion nucléaire de cet élément est susceptible de fournir des quantités fabuleuses d’énergie propre, sans radioactivité. On espère maîtriser ce processus dans deux ou trois décennies.
Energie épuisable. «L’existence de cette ressource est avérée», reconnaît Francis Rocard, et il est raisonnable d’envisager son exploitation : il suffit d’une grosse pelle pour recueillir la régolithe – la poussière à la surface de la Lune contenant l’hélium 3 -, d’un gros four et d’un purificateur pour extraire les gaz et isoler l’hélium 3.» On estime à 1 million de tonnes les réserves d’hélium 3 sur la Lune, sachant que 40 tonnes suffiraient à produire l’équivalent de la consommation d’électricité des Etats-Unis pendant un an.
Les contraintes techniques et économique sont sous-estimées
Les deux entreprises minimisent beaucoup les difficultés techniques d’une telle exploitation minière. Selon elles, parmi les 9000 astéroïdes passant près de la Terre par an, 1500 seraient aussi faciles d’accès que la Lune. Pourtant, le moins que l’on puisse remarquer, c’est que la Lune n’est pas particulièrement facile d’accès encore aujourd’hui, et que les dispositifs techniques à mettre en œuvre sont extrêmement complexes et coûteux.
Dans le domaine énergétique, il existe une mesure pour savoir combien coûte l’énergie par rapport à ce qu’elle produit : l’Energie Produite sur l’Energie Investie. Cela permet de calculer que les coûts de l’exploitation extraterrestre sont vraiment prohibitifs au moins à court terme.
A l’heure actuelle, l’exploitation minière extraterrestre paraît être un objectif assez fantaisiste, au regard des coûts de financement d’infrastructures. Mais les financements lancés seront porteurs d’innovations technologiques, qui pourront à terme assurer la viabilité de l’exploitation. Le pari est risqué et coûteux mais pour certains grands groupes industriels, le jeu en vaut la chandelle.
A qui appartiennent les ressources extraterrestres ?
Signé en 1967, en pleine guerre froide, le traité international de l’espace stipule que l’espace extra-atmosphérique appartient à l’humanité toute entière et que nul Etat ne peut se l’approprier. En 1979, le Traité sur la Lune a ajouté que l’exploration et l’utilisation du satellite de la Terre ne peuvent se faire que pour le bien et dans l’intérêt de tous les pays.
En novembre 2015, une loi américaine baptisée SPACE Act rompt unilatéralement le traité de l’espace et autorise les entreprises des États-Unis à s’emparer des ressources de l’espace.
Conséquence prévisible de ce flottement : Ce sera premier arrivé premier servi ! Récemment, le Luxembourg a modifié sa législation pour pouvoir « librement » exploiter à son tour l’espace… Les critiques commencent à fuser. « On ne veut pas avoir des space cowboys qui font n’importe quoi dans l’espace », explique-t-on à France Info.