Facebook va entrer en bourse, vraisemblablement valorisée entre 75 et 80 milliards de dollars à l’heure où s’écrivent ces lignes. On imagine vite les dirigeants et actionnaires d’une société qui va être cotée en bourse au bord d’une piscine de taille olympique, cocktails à la main, des millions de dollars s’engrangeant sur des comptes, sorte d’orgasme des hommes d’affaires.
Mais non, pas vraiment. L’introduction en bourse est un pari risqué, entraîne souvent une recomposition de l’actionnariat de la société, et une course au long cours pour le chef d’entreprise, et pour ses conseillers. Une introduction en bourse, c’est quoi, et comment ça se passe ?
Une introduction en bourse c’est quoi ?
C’est la vente de titres de la société auprès des investisseurs, du public, des salariés, de tous ceux qui veulent participer à la croissance d’une société anonyme (la SA est la seule forme juridique à pouvoir le faire), parce qu’ils croient en son développement. Ce n’est pas un terme juridique, on lit « offre publique de titres financiers » ou « admission sur un marché réglementé » si on lit les documents officiels. On va donc vendre au plus grand nombre des actions de la société en bourse, que chacun pourra ensuite s’échanger selon une valeur qui va varier en fonction de l’offre et de la demande.
Facebook va réaliser une augmentation de capital, c’est à dire créer des actions nouvelles pour les vendre à tous ceux qui en voudront, et ainsi augmenter son capital et faire rentrer de l’argent frais dans l’entreprise – contre des droits de vote : ce sera l’offre d’une tranche dite primaire. Une introduction en bourse peut n’être que la vente au public d’actions qui existent déjà et dont les actionnaires veulent se débarrasser : c’est la tranche secondaire.
Attention, une entreprise peut ne pas offrir au marché 100% de ses actions. La part qui s’échange sur les marchés est appelé le « flottant », et peut tout à fait être minoritaire. Par exemple EDF n’a que 20% de ses actions en bourse, donc 20% de flottant.
La bourse de Paris, c’est où ?
La bourse de Paris, en tant que telle n’existe plus. Avant, les échanges s’effectuaient dans un bâtiment, le Palais Brognard. Aujourd’hui tout est décentralisé, informatisé, et la « place de Paris » n’est qu’un cadre réglementaire parmi d’autre au sein même de NYSE-Euronext. C’est à dire que les entreprises qui veulent coter sur ce marché doivent se soumettre à des règles de transparence, de communication et autres procédures techniques de compensations par exemple.
Ces règles varient d’un marché à l’autre, et là je vous renvoie au site de l’AMF : http://www.amf-france.org.
NYSE-EURONEXT est une société de bourse (une entreprise comme une autre) qui gère les transactions de Paris, d’une partie de New-York (oui, oui, Wall Street) ou encore Amsterdam. On côte sur des plates-formes de transactions, qu’on appelle marchés. En France, on cotera sur EURONEXT (le marché dit « réglemente »), sur ALTERNEXT (pour les plus petites entreprises PME-PMI, qui bénéficie d’une réglementation plus souple : www.euronext.com), ou carrément sur le MARCHE LIBRE, où quasiment aucune règle n’existe et pour investisseurs extrêmement avertis.
J’ai créé pleins d’actions, et je vais récolter un max, mais qui en veut ?
Toute la procédure est très encadrée, et en grande partie réalisée en amont par les banques conseillères de l’entreprise qui va entrer en bourse. On a tous en tête les introductions d’EDF ou des banques, et des conseillers qui essaient de vendre ces actions au petit vieux du coin. En fait, c’est vrai, 25 % minimum des titres doivent être présentés aux particuliers pour les grandes entreprises françaises, mais c’est surtout auprès des ZINZINS, les investisseurs institutionnels, qu’elles se pratiquent. Les ZINZINS sont des grands investisseurs comme les fonds de pensions, les assurances, les banques ou encore l’état (fonds stratégique d’investissement -FSI-) par exemple.
Il existe 5 procédures d’introduction en bourse qu’on peut combiner à loisir :
- Offre à Prix Ferme ou OPF,
- Offre à Prix Ouvert ou OPO,
- Offre à Prix Minimal ou OPM,
- Cotation Directe,
- Placement Garanti.
Néanmoins nous nous bornerons ici à regarder les deux principales formes : le placement garanti aux institutionnels, et l’offre à prix ouvert pour les particuliers.
Placement garanti aux ZINZINS.
Le placement garanti est la vente de grands blocs d’actions à des investisseurs de taille, et c’est la très large majorité des introductions en bourse. Premièrement l’entreprise choisit des banques, qui se constituent pour l’occasion en syndicat (ça ne s’invente pas…), afin organiser la vente selon la technique du « book-building », en bon français, selon un livre d’ordres.
Dans une première étape, le syndicat de banque va procéder à de nombreuses études : juridiques, élaboration de la documentation, rencontres avec des investisseurs, savants calculs financiers, audit de la société…
Puis va commencer la phase marketing, avec la publication des notes d’analyse financière par les banques elles-mêmes (juges et parties?), qui vont commencer leur tour pour juger de la qualité du projet et de l’intérêt des investisseurs, pendant plusieurs semaines. On définit la fourchette de prix précise à ce moment-là. Si l’opération est jugée faisable (on peut difficilement se louper sur une introduction en bourse, trop d’argent, de temps, d’image investis…), on y va.
Les banques rédigent les « prospectus », qui sont visés par l’autorité des marchés financiers, c’est à dire le document de présentation officiel de l’opération et de la société. L’information se diffuse, et le tour des tables commence.
Parallèlement, une banque, la « book-runner »-en général une des banques du syndicat, constitue un livre d’ordres où elle récolte les intentions de souscriptions en volume et en prix des investisseurs dans la fourchette considérée. Le syndicat de banque prend connaissance du livre, fixe le prix définitif, fait signer les engagements, et enfin livre les titres (règlement livraison généralement 3 jours après la transaction). Le risque est faible de voire un investisseur refuser au dernier moment la livraison des titres ou le paiement, et généralement, les banques du syndicat achètent même si il le faut les titres pour réussir l’opération (alors définitivement juges et parties !).
Auprès des particuliers, Euronext entre en scène, et c’est vous qui avez le pouvoir !
Auprès du public, l’émission est centralisée par Euronext, et non plus par une banque. La fourchette de prix est alors fixée à priori, mais le prix définitif est à l’issue de l’offre en fonction des demandes du marché. De la même manière, il y a rédaction d’un prospectus, et une période de commercialisation. En cas de placement garanti parallèle, ce qui est généralement le cas puisque on doit proposer 25 % des titres aux particuliers, il est quand même rare de s’éloigner du prix du placement garanti auprès des institutionnels. Mais ce prix peut varier. Ensuite, on procède à l’allocation entre les particuliers. Les demandes sont centralisées par Euronext. « Je ne comprends pas, j’ai demandé 1 000 titres et j’en ai eu que 100 ? ». Cela arrive souvent, car si les particuliers demandent plus que le nombre de titres qu’on leur propose, on répartit les titres en fonction de la hauteur de la demande. Si j’en avais demandé 100, j’en aurai eu 10, etc., par un pourcentage. Même si en dessous d’un certain nombre, on fixe un plancher. Tous ceux qui ont demandé au moins 5 titres auront au moins 5 titres.
L’introduction est une étape essentielle de la croissance d’une entreprise, tout autant pour ses finances que pour son image. Etape clef, notamment car elle met entre les mains d’investisseurs une partie de sa stratégie, et souvent à ce moment les fondateurs de l’entreprise en perdent le contrôle capitalistique, car ils n’ont plus les moyens de fournir l’argent nécessaire à la croissance de leur entreprise. C’est une nouvelle vie qui commence pour la société.