Après son rappel à l’ordre par le Conseil d’Etat sur sa transition écologique – jugée trop peu effective – la France met en place de nouvelles restrictions énergétiques en 2023. De nouvelles aides ciblées pour l’achat de véhicules moins polluants, une nouvelle politique d’agriculture et un budget plus conséquent pour la transition écologique, voilà quelques-unes des missions amorcées depuis ce 1er janvier par le gouvernement. C’est dans ce lot de bonnes résolutions que la nouvelle restriction des locations énergivores, dites « passoires thermiques », fait sa rentrée.  

Le fléau des « passoires thermiques » en France

L’Observatoire National de la Rénovation Energétique (ONRE), créé en septembre 2019, a pour mission l’amélioration et le développement de la rénovation énergétique sur l’ensemble des bâtiments résidentiels et tertiaires français. En juillet 2022, cette organisation a recensé 7,2 millions de « passoires thermiques » en France, soit des logements trop énergivores. Faute d’une bonne isolation, ces structures consomment bien plus d’énergie que nécessaire. On constate souvent que les températures intérieures suivent le climat extérieur – froides en hiver, chaudes en été – ce qui rend le quotidien des habitants difficiles et très couteux.

Comment reconnaitre un logement énergivore ?

Ces logements énergivores sont reconnaissables très facilement. En effet, certains signes permettent de distinguer une « passoire thermique » d’un logement sain.

  • Facture excessive à la consommation d’énergie ;
  • Difficulté à chauffer en hiver et/ou rafraichir en été ;
  • Facture de gaz et/ou d’électricité supérieure à la consommation d’un logement de même type ;
  • Humidité présente à l’intérieur du logement.

Toutes ces informations permettent d’établir un premier état énergétique du logement mais elles restent internes à la structure. Si vous achetez ou louez, il est peu probable que vous puissiez clairement retrouver l’ensemble de ces informations lors d’une visite. Afin d’identifier précisément un logement énergivore, le plus sûr est de faire appel à un professionnel pour réaliser un diagnostic de performance énergétique.

Le diagnostic de performance énergétique

Lors d’un achat, d’une location ou la vente d’un logement, le diagnostic de performance énergétique (DPE) permet de définir, dans une transparence totale, la consommation énergétique du bien. Celui-ci est réparti sous forme de 7 classes énergétiques allant de A à G. Plus le logement est énergivore plus il se rapproche du G et a contrario, plus le logement est performant plus il est assimilé au A.

comptazine-Diagnostic-energétique

Comptazine n°123

Pour déterminer la classe énergétique d’une structure, il faut en définir la consommation en kilowatt/heure par m², sur une durée de 1 an (kWh/m²/an). Plusieurs critères influencent la classe énergétique d’un bien :

  • Localisation géographique ;
  • Orientation par rapport au soleil ;
  • Superficie totale (habitable et non-habitable) ;
  • Configuration interne et externe (mitoyen/ étage/toiture…) ;
  • Age et matériaux de construction ;
  • Isolation générale ;
  • Mode de chauffage et système de ventilation.

Grâce à la prise en compte de l’ensemble de ces informations, le logement est associé de manière fiable et sûre à une classe énergétique. Un logement de classe A consommera en moyenne 50 kWh/m²/an alors qu’un logement de classe G avoisinera plutôt les 450 kWh/m²/an. A savoir qu’un logement énergivore est défini à partir de la classe E soit une consommation entre 230 et 330 kWh/m²/an.

Afin de limiter le nombre de logements trop énergivores sur le territoire français, le gouvernement lance une nouvelle mesure contre la location de ces « passoires thermiques ».

La nouvelle loi de location des « passoires thermiques »

Les logements énergivores représentent 2% de l’ensemble des habitations en France. En 2022, le territoire comptabilisait environ 712 000 « passoires thermiques » en location, dont :

  • 511 000 résidences principales
  • 120 000 résidences secondaires
  • 81 000 logements vacants

Dans le détail, 90 000 logements dits « passoires thermiques » seront concernés par la nouvelle loi. Ils sont répartis de la manière suivante :

  • 70 000 logements privés
  • 20 000 logements sociaux

Ainsi depuis le 1er janvier 2023, tous les logements (maisons, appartements, villas …) trop énergivores – classés G (= 450 kWh/m²/an) ou G+ (+450 kWh/ m²/an) – ne peuvent plus être mis sur le marché locatif. Pour parvenir à établir si un logement sera touché par cette interdiction, il suffit de consulter son diagnostic énergétique. En fonction de la classification de celui-ci, l’interdiction s’appliquera ou non.

comptazine-Interdiction

Comptazine n°123

Quelles sont les locations concernées ?

Que l’on se rassure, la nouvelle loi n’est pas rétroactive, elle ne s’applique donc pas aux logements en location avant le 1er janvier 2023. Si vous êtes locataire, vous n’allez pas être mis à la porte pour rénovation et si vous êtes propriétaire vous pouvez conserver votre bien en location même s’il entre dans la restriction.

En tant que locataire, il est possible lors de la reconduction ou du renouvellement du bail d’exiger une mise aux normes énergétiques du logement aux frais du propriétaire.

En tant que propriétaire, notez que lorsque votre bien sera de nouveau sur le marché locatif, il devra respecter l’interdiction en vigueur sous peine de sanctions. Pour attester que votre bien est conforme aux nouveaux critères, il faudra présenter un diagnostic performance énergétique (DPE). Grâce à celui-ci, vous pourrez attester que votre logement mis en location respecte les nouvelles normes de consommation du 1er janvier 2023.

Les sanctions encourues

La loi est très claire au sujet des sanctions encourues en cas de non-respect de celle-ci :

“l’acquéreur ou le locataire peut faire un recours auprès du tribunal pour demander des dommages-intérêts, voire l’annulation de la vente ou du bail si l’annonce publiée dans la presse écrite, sur internet ou affichée en agence comporte de fausses informations”- Interdiction à la location des logements avec une forte consommation d’énergie 2023.

Ainsi, si un logement est mis en location sans respecter la loi établie au 1er janvier 2023, le bailleur peut être poursuivi par le locataire pour non-respect des normes énergétiques en vigueur. En effet, le locataire est en droit de réclamer un dédommagement ou des travaux de rénovation. Une fois la justice saisie, un juge peut imposer la rénovation du logement au propriétaire avec un délai précis. Le loyer peut également être baissé voire suspendu et dans certains cas, le propriétaire peut être condamné à verser des dommages et intérêts à son locataire.

Les exceptions à la règle

Dans certains cas, les propriétaires ne sont pas en mesure de respecter les nouvelles normes en vigueur.

La première exception est introduite par la loi du 6 juillet 1989 qui stipule que le propriétaire d’un appartement en copropriété ne peut être contraint par un juge à mettre aux normes son bien. En effet, les travaux d’amélioration de la note énergétique doivent être validés par la copropriété, ce qui entraine souvent des retards de rénovation ou des refus. Dans ce cas, le juge prend en compte la situation globale avant d’émettre son jugement.

Une seconde exception entrera en vigueur à partir de 2025. Celle-ci prendra en compte l’incapacité de rénovation liée à des contraintes architecturales ou patrimoniales. C’est notamment le cas si des travaux ont déjà été menés pour optimiser la consommation énergétique du bien mais que de nouveaux travaux sont impossibles. Cette exception concerne principalement les logements situés dans des quartiers historiques protégés.

Toutefois, ces deux exceptions ne privent pas les instances juridiques de réclamer au propriétaire une réduction ou une suspension du loyer d’un logement énergivore. Cette limite permet au locataire de bénéficier d’une compensation face à la non-conformité énergétique du bien en location.

Une interdiction vouée à s’étendre

L’objectif définitif de cette nouvelle interdiction est d’être applicable sur l’ensemble du parc locatif et des classes énergétiques.

Aujourd’hui, l’Observatoire National de la Rénovation Energétique (ONRE) estime que les habitations classées G représentent 7% du parc des résidences principales français.

Le 1er janvier 2025, tous les logements classés G (inférieur ou égal à 450 kWh/m²/an) seront considérés comme indécents par la loi et seront à leur tour interdits à la location. Ils ne pourront plus être loués, ni laissés en l’état en cas de reconduction du bail.

Le 1er janvier 2028, ce sera au tour des logements classés F d’être interdits à la location, puis en 2034 les classés E, jugés non pas comme des « passoires thermiques » mais comme des logements peu performants au niveau énergétique.

Les propriétaires français ont donc tout intérêt à d’ores et déjà rénover leur bien et afin d’être en mesure d’atteindre les classes A, B, C, ou au minimum D, avant 2034.

A savoir qu’un projet de loi Climat et résilience est actuellement en discussion à l’Assemblée Nationale. Celui-ci propose d’approfondir le principe de l’interdiction du 1er janvier 2023 et d’interdire la location de l’ensemble des passoires thermiques et cela dès 2028. Si ce projet de loi est adopté, les échéances seraient alors réduites pour toutes les classes en dessous de la classe D. Les propriétaires ne bénéficieraient alors plus que de 5 ans, contre 11 ans initialement, pour rénover leurs biens et parvenir jusqu’à la classe D.

Ainsi, la France mise sur un parc locatif moins énergivore pour ce début d’année. Entrée en vigueur ce 1er janvier 2023, cette loi d’interdiction des locations énergivores ou « passoires thermiques » répond à un besoin environnemental et économique et le législateur compte bien que l’esprit de cette loi tende à perdurer et même s’étendre dans les années à venir. Toutefois, il s’agit d’un pas plutôt mince au vu des attentes internationales sur la transition énergétique et le climat. Il faudra à la France bien plus qu’une interdiction locative limitée pour rattraper son retard en la matière et devenir un acteur majeur de la protection environnementale à l’échelle internationale.