Parmi les objectifs fixés par l’ARS, figure le fait pour les professionnels de devoir « intervenir précocement auprès des enfants présentant des différences de développement afin de limiter le sur-handicap ».
Aujourd’hui, l’autisme est un terme que l’on entend assez fréquemment. La télévision, par le biais de séries ou de films est le vecteur d’une représentation à la mode, plutôt positive des personnes atteintes d’autisme. C’est en 1943 que l’autisme a été décrit pour la première fois, par Leo Kanner, un pédopsychiatre américain. Mais, aujourd’hui, il semble y avoir autant de comportements dits autistiques que d’individus atteints d’autisme. Les professionnels de santé pointent d’ailleurs cette difficulté, il y a énormément de manifestations possibles. De ce fait, poser un diagnostic sur ce trouble n’est pas chose aisée ; c’est au contraire, un problème que les parents d’enfants souffrant de ce trouble pointent. : En effet, les professionnels tardent à poser un diagnostic ce qui freine le début de la prise en charge. Mais, au-delà de cette difficulté, un manque de moyens drastique semble s’agréger à ce temps d’attente. Par exemple, les familles qui s’adressent au Centre de Ressources Autisme d’Île-de-France ou à ses antennes, doivent s’armer de patience car il y a en moyenne 289 jours d’attente entre la date de la demande à la restitution du bilan.
On peut s’interroger sur la question de savoir pourquoi il est aussi compliqué d’avoir un diagnostic d’autisme en France ?
Les caractéristiques de l’autisme étant très variées d’un individu à l’autre, le terme de troubles du spectre autistique TSA, est préféré. Il a remplacé au fur et à mesure le terme de troubles envahissants du développement, TED.
Cela permet de prendre en compte l’individualité de chaque personne souffrant d’autisme pour la situer à un certain degré au sein ce large spectre. C’est ainsi que le passage d’un trouble singulier à un spectre, a conduit à constater que le nombre d’individus ayant cette pathologie, a doublé.
De manière générale, pour poser un diagnostic, le corps médical s’appuie sur un ouvrage, le DSM-5, qui est le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux et des troubles psychiatriques. Cette 5ème version parue le 18 mai 2013, a été réalisée par l’association américaine de psychiatrie. Dans ce manuel, pour poser le diagnostic de TSA une « Dyade autistique » est requise. En effet, cette dualité concerne deux symptômes que l’individu doit présenter :
- Des difficultés dans la communication et les interactions sociales.
C’est à dire avoir peu ou pas de langage ou une communication non-verbale inadaptée avec parfois des répétitions de certains mots ou d’expressions. La langue peut-être parfois difficile à décrypter, les individus ont parfois une faible compréhension des sous-entendus, de l’humour, du langage imagé. Ils peuvent également avoir des difficultés à exprimer leurs émotions ou une incompréhension à voir celles des autres.
- Des comportements répétitifs et des intérêts restreints.
Principalement, il y a la présence de mouvements répétitifs ou compulsifs. Une intolérance aux changements ou à l’imprévu, des intérêts ou des activités qualifiées d’obsessionnels.
Ces signes sont les principaux et permettent aux soignants de se repérer dans la sémiologie. D’autres éléments peuvent être présents, cette dyade n’exclut pas d’autres éléments qui sont fréquemment retrouvés chez les individus porteurs de TSA. Il est souvent remarqué qu’une hyper ou une hypo réactivité sensorielle est présente, c’est-à-dire qu’il peut y avoir une réaction intense ou minime aux stimuli sensoriels, comme les bruits, la lumière ou le toucher. Des troubles du sommeil, de l’attention ou de l’épilepsie peuvent aussi être associés à ce symptôme.
L’autisme est un trouble qualifié de neurodéveloppemental, ce qui signifie que des altérations du cerveau qui sont impliqués dans le langage, la motricité, la perception, les émotions, les interactions sociales. C’est depuis 1996 que l’autisme est reconnu officiellement comme un handicap.
C’est donc à travers une prise en charge pluriprofessionnelle que les multiples manifestations de l’autisme chez un individu pourront être au mieux repérées puis suivies au cours de son développement, afin de permettre sa socialisation et l’aider dans son quotidien. Pour ce faire, un dossier MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) peut faire l’objet d’une demande. Ce dossier a vocation à soutenir au mieux la famille dans l’accomplissement de démarches visant à obtenir une prise en charge des troubles, par exemple, reconnaissance du taux d’invalidité, orientations en établissement, aménagements scolaires spécifiques, compensations financières pour couvrir les frais liés au handicap, etc., l’objectif étant de leur proposer un accompagnement adapté.
Les troubles autistiques en France
En France, c’est 1 personne sur 100 qui est concernée par ce trouble. C’est à dire 700 000 personnes autistes en France dont 100 000 ont moins de 20 ans (Inserm). Le diagnostic se réalise en moyenne lorsque l’enfant est âgé de 3 à 5 ans.
Dès lors que le diagnostic est posé, une question est soulevée : quelle prise en charge doit être mise en place ?
C’est alors une évidence, en France, il y a une pénurie d’établissements de soins pour les personnes souffrant d’autisme. Force est de constater que, bien que le diagnostic soit posé, les difficultés perdurent.
Lors du rapport du Conseil économique, social et environnemental de 2012, une estimation avait été faite et donnait l’information suivante : 50 % des autistes français de moins de 25 ans ne bénéficiaient d’aucune prise en charge. Les individus sont dits « sans solutions » par les institutions et se ce sont autant de familles qui se retrouvent dans une situation d’isolement. Ce chiffre ahurissant est dû au fait que les centres spécialisés n’accueillent que 30% des jeunes dits TSA. Or, la plupart de ces jeunes n’étant pas scolarisés, 60 à 70 % d’enfants autistes non scolarisés, restent donc chez eux en attente d’une place dans une institution adéquate.
Dans les établissements où la prise en charge des troubles autistiques, est possible, si les pratiques ont toujours été diversifiées, elles ont été l’objet de critiques car les professionnels n’ont pas réussi à s’accorder sur un soin. Les recherches elles-mêmes sont encore en difficultés, les scientifiques ne pouvant expliquer la cause de ce trouble. C’est à la fin des années 1990 que les recherches en neuroscience se développent et c’est dans les années 2000 qu’une partie se concentre sur l’autisme. D’aucuns espéraient alors une résolution de cette énigme. Quelques éléments ont tous de même été mis en avant ou déniés.
Par exemple, certains parents remarquent un repli excessif de leur enfant sur lui-même. Ce sont des éléments que les professionnelles de santé nomment « un retrait autistique » vers l’âge de 18 mois. Ils avaient associé les vaccins réalisés sur cette même période comme déclencheurs des premiers symptômes dits autistiques. Or, des données épidémiologiques montrent qu’il n’y a pas de lien de causalité entre le vaccin et les troubles du spectre autistique. Les soignants mettent plutôt en avant que cet âge est important pour le diagnostic car il s’agit d’une période où l’enfant se tourne vers l’autre et va chercher le contact avec son environnement, ce qui est souvent l’une des difficultés chez les individus TSA. C’est à ce stade du développement de l’enfant que commencerait le questionnement lié à son comportement ?
S’agissant du facteur génétique, les études tendent à démontrer que des personnes souffrant de troubles autistiques, présenteraient une part imputable à la génétique. C’est grâce à la collaboration entre Thomas Bourgeron, Marion Leboyer et Christopher Gillberg en 2003, que des mutations génétiques ont été découvertes avec le début des techniques de biologie moléculaire et de séquençage. Ils ont identifié pour la première fois des mutations présentes sur deux gènes sur le chromosome X. Ces mutations affectent directement le fonctionnement des synapses. Ils commencent à établir un lien entre le fonctionnement des synapses et les troubles du spectre autistique. Puis, quatre ans plus tard, un autre gène est découvert qui est impliqué cette fois dans la structure même des synapses. Toutes ces recherches mettent en avant que les synapses jouent un rôle dans l’étiologie de l’autisme. Depuis, des études internationales ont renforcé ces idées et d’autres éléments ont été découverts.
En 2008, les chercheurs découvrent chez certaines personnes présentant un TSA, une mutation sur un gène impliqué dans la synthèse de la mélatonine. C’est une hormone qui permet la régulation des rythmes biologiques et le sommeil. C’est à mettre directement en perspectives avec l’autisme car de nombreuses personnes ayant développé ce trouble, subissent un déficit en mélatonine qui implique des troubles du sommeil. Chez les enfants présentant ces symptômes, pour 60% d’entre eux, ces manifestations trouveraient une explication à cette difficulté dans une mutation d’origine génétique ce qui montre que ce risque doit être évalué dans les TSA.
Depuis, de multiples équipes dans le monde ont identifié d’autres mutations génétiques présentes dans les TSA et ce nombre de gènes augmente. Le plus souvent, ils concernent deux processus biologiques : la formation du système nerveux par les synapses et la régulation des gènes.
Donc, il est un fait que des facteurs génétiques jouent un rôle essentiel dans la vulnérabilité à l’autisme. Mais, l’extrême variabilité des troubles dits autistiques et le nombre de mutations découvertes rendent la tâche difficile pour les chercheurs. Dans certains cas, la variation d’un seul gène explique une partie des symptômes d’un individu. Mais dans d’autres cas, la situation génétique est beaucoup plus complexe. Elle peut impliquer parfois plus d’une centaine de gènes qui, pris individuellement, n’auraient pas d’effet, mais qui combinés, augmentent le risque d’avoir un symptôme de type TSA. Cette situation se complexifie d’autant plus que pour 10 à 20 % des personnes, ces mutations génétiques peuvent apparaître de manière spontanée, elles ne sont pas héritées.
Face à ces mutations, les scientifiques mettent en avant le fait qu’il y a de nombreux facteurs qui rendent un enfant plus ou moins sujet aux troubles du spectre autistique et les éléments déclencheurs peuvent être génétiques ou environnementaux. Les scientifiques ne pouvant donner d’éléments concrets quant à l’apparition de ces troubles, une question reste posée de savoir comment aider les individus ayant ces symptômes ?
Pour agir au mieux, plusieurs possibilités sont proposées. Il existe des thérapies psychoéducatives et développementales qui sont conseillées par la haute autorité de santé mais par rapport aux autres pays, les soins proposés en France ont une prédominance psychanalytique. L’efficacité de ce type de suivi, a été plusieurs fois remis en cause.
Dans ce dispositif, les troubles autistiques sont présentés comme un défaut de mise en place du lien et non une distorsion du lien. Ce fil, que l’enfant tisse avant sa naissance et dans les premiers moments de sa vie que ce soit avec ses parents, dans le monde symbolique ou relationnel, constitue l’élément sur lequel les thérapeutes travaillent. Ainsi, cette prise en charge ne se concentre pas seulement sur la modification de ce lien mais également sur sa construction. C’est la raison pour laquelle les parents sont les premiers conviés dans ce type de prise en charge.
Pourtant, ce dispositif n’est nullement prouvé scientifiquement comme le souligne la Haute Autorité de Santé qui recommande une prise en charge éducative et comportementale bien qu’il n’existe que très peu de structures de ce type en France. Les premières ont été ouvertes en 2010 dans le cadre du plan autisme. L’une des méthodes comportementales qui prend le plus d’ampleur en France est la méthode ABA (Applied Behaviour Analysis) qui a été créée dans les années 60 aux États-Unis. Elle se fonde sur l’adaptation des comportements d’enfants TSA dans des contextes sociaux. Cette prise en charge s’adresse aux éducateurs spécialisés et aux parents. Elle se compose d’un programme éducatif adapté aux difficultés de l’individu. Ce plan permet d’employer des techniques qui vont vers une modification des comportements et des relations sociales. Cette pratique peut être mise en place dans les différents lieux de socialisation comme l’école ou le domicile. Pour mettre en avant un exemple, les structures offrant une prise en charge à Lille ne peuvent recevoir qu’une douzaine d’enfants alors que la demande nationale est de plus de 2 000.
Bien sûr, d’autres méthodes, à savoir développementales et comportementales sont conseillées par l’ARS, comme le TEACCH, Treatment and Education of Autistic and related Communication Handicapped Children. Cette méthode permet de travailler sur une meilleure compréhension de l’environnement de la personne dite TSA. Ce programme se base beaucoup sur des supports et repères visuels. Quant à la méthode DENVER ou ESDM, Early Start Denver Model, elle va stimuler les capacités de développement. C’est pour cela qu’elle s’adresse plus particulièrement aux jeunes enfants de 1 à 5 ans. Ce dispositif cherche à reproduire les étapes d’un développement typique, en partant des motivations de l’enfant. Pour cela, le jeu est au centre de l’apprentissage proposé.
Ces méthodes peuvent s’accompagner de séances d’orthophonie, de psychomotricité, de groupe et d’ergothérapie qui permettront de progresser, communiquer et pallier les difficultés. Néanmoins, faute de places disponibles au sein de structures adaptées, de nombreux parents s’efforcent d’organiser la prise en charge de leur enfant par des professionnels en libéral. Ils se heurtent alors à une double contrainte, l’aspect financier et l’absence de personnes formées.
Ce développement, montre le combat et les difficultés que les familles peuvent endurer. Si les soignants donnent difficilement le diagnostic d’autisme, ce n’est pas par manque de formation, mais plutôt parce que les centres de diagnostic spécialisés, ainsi que les institutions pouvant prendre en charge ces personnes sont surchargés et les prises en charge conseillées par l’ARS manquent.
Corollaire d’une population en constante augmentation, la demande grandissante de soins peut-elle être satisfaite ? A cet effet, quels moyens pourraient être mis en œuvre ?