Vous pouvez oublier vos cours de finance, ils ne vous servent visiblement plus à grand-chose. Instagram, vous connaissez peut-être l’application qui permet d’échanger les photos téléchargeable sur l’app store et depuis quelques jours sur androïd, mais la société c’est moins sûr. Et vous avez tort : elle vaut 1 milliard de dollars. Facebook a décidé de racheter cette application pour 1 milliard de dollars. L’application n’existe que depuis 551 jours pour être précis, soit 1.8 millions de dollars par jour !

12 salariés, pas de bénéfice, 30 millions d’utilisateurs = 1 milliard.

La société qui édite l’application compterait 12 ou 13 salariés, ne rapporte aucun bénéfice (l’application est entièrement gratuite), et cherchait encore a levé 40 ou 50 millions de dollars la semaine dernière sur une valorisation de 500 millions de dollars. A son actif, la société compte 30 millions d’utilisateurs, et elle a multiplié ce nombre par 2 entre décembre et avril. Soit. Nous ne discuterons pas ici de la stratégie de Facebook qui doit se développer sur les mobiles et qui a bien du mal, et trouve ici une occasion de le faire.

Nouvel indicateur financier : le nombre d’utilisateur !

Un nouvel indicateur financier de taille est donc né, le nombre d’utilisateur et la croissance de celui-ci. Oubliez vos ratios d’endettement, votre marge opérationnel et autres soldes intermédiaires de gestion. La société fait-elle des bénéfices ? Est-elle bien gérée ? On s’en fout, cela n’a plus aucun intérêt.

Néanmoins, prenons un des champions français de l’internet : VIADEO, le réseau social professionnel. VIADEO compte 50 millions de membres environ. Le ratio Valorisation/nombre d’utilisateur avec comme référence Instagram ressort à 33.33 dollars le membre, et valorise VIADEO à environ (oui on est plus à quelques centaines de millions) 1.6 milliards de dollars. Tant mieux pour les créateurs de cet excellent service, mais j’en doute fortement. Le FSI vient de souscrire pour 10 millions d’euros à l’augmentation de capital de VIADEO, alors si VIADEO vaut 1.6 milliards, le contribuable français s’en sort très, très bien dans cette histoire.

Nouvelle bulle internet ?

On est dans l’irrationnel. Personne ne peut montrer que Instagram vaut 1 milliard avec un tableur. Alors la croissance du nombre d’utilisateur, pourquoi pas, mais tout le problème reste pour combien de temps ?

Nous avons bien connu le réseau social MYSPACE, réseau social de la musique et des musiciens en devenir, devenu marginal aujourd’hui. Celui-ci au faîte de sa gloire en 2005 avait été vendu 580 millions de dollars, et racheté en 2011 (notamment par Justin Timberlake) : 35 millions de dollars. Deuxième exemple, celui de GROUPON, le site d’achat communautaire. Introduit en bourse en novembre 2011 à 20 dollars le titre, il vaut aujourd’hui 13 dollars, déjà une chute de 40%.

Bon. Instagram permet de faire circuler facilement des photos, combien de temps échangerons-nous des photos ? Demain, des vidéos sans doute, Instagram saura t-il le faire ?

Les dirigeants de FACEBOOK sont-ils fous ?

Le pire c’est que rien n’est moins sûr. FACEBOOK vient de s’acheter un flux d’utilisateur de 30 millions d’utilisateurs sur le marché mobile où ils sont difficilement présents, et ce n’est pas rien. Pour être un brin technique, ils ont mis une barrière à l’entrée du marché à hauteur de 1 milliard de dollars. Voilà, c’est simple, pour rentrer sur ce marché, il faut casquer 1 milliard de dollars, à vous de voir. Mais après tout, quel est le niveau de la barrière à l’entrée du marché mondial des yaourts face à Danone ou Nestlé ? Combien faut-il dépenser en usine, en marketing… pour réellement aller les concurrencer ?

Et bien entendu, ils entendent également donné une justification à leur propre entrée en bourse au mois de mai qui devrait se situer aux alentours de 100 milliards de dollars. En gros : vous voyez, une application qui a deux ans et 30 millions d’utilisateurs vaut 1 milliard, alors Facebook en vaut bien 100…et Apple en vaut bien 1 000 !

 

Pour conclure, faut-il repenser l’analyse financière pour l’économie du numérique, car il est évident que l’analyse financière qu’on apprend sur les bancs de la facs ou dans les écoles est complètement dépassée par la vitesse vertigineuse des trajectoires des sociétés du web, de l’économie numérique. Le pari sur l’avenir, la prise en compte du futur doit être une composante beaucoup plus importante de l’analyse sur un marché mondial où un clic à gauche ou un clic à droite fait la fortune ou la déchéance.