Lire un support écrit comme un livre, un magazine ou un journal exige du lecteur qu’il soit dans de bonnes conditions matérielles pour en comprendre la teneur. En effet, le pré-requis étant l’achat, il ne faut pas lire son journal dans le sens du vent ou son livre à contre-jour mais il est nécessaire, en revanche, de le protéger de la pluie… Ainsi, après avoir respecté les modalités d’utilisation du support papier, il est enfin possible de prendre connaissance du contenu. Pour éviter ce type de contraintes, certainement pour des raisons de facilité, beaucoup sont passés aux supports numériques.
Soyons clairs, cet article n’a pas vocation à trancher entre les bénéfices retirés et les inconvénients rencontrés lors de la lecture sur un support papier ou sur un smartphone. Pour certains, la cause est entendue : en changeant de support, nous avons perdu de notre capacité à nous plonger dans de longs textes.
Bonne nouvelle, les Français lisent. Et non seulement ils aiment lire, mais ils pratiquent de plus en plus cet exercice. Ainsi 84% de personnes interrogées se déclarent lecteurs (d’un «peu» à «beaucoup»), selon une étude réalisée par Ipsos.
Il faut cependant noter que la diffusion de la presse française est en baisse depuis quelques années. En France, un peu plus de 3 milliards d’exemplaires de journaux et magazines sont vendus chaque année.
Quelle est la situation ?
Les ventes numériques progressent. A titre d’exemple, elles ont augmenté de 64,6% entre 2014 et 2015 et de 23,3% entre 2015 et 2016. Pour la première fois, l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM) publie conjointement les données de diffusion en même temps que les résultats d’audience des marques de presse. Concernant, la diffusion ACPM-OJD 2015-2016 vs 2015, l’ACPM relève un recul de 2% de la diffusion papier, mais une progression de la presse numérique de +1,2% du nombre des visites.
Au global, ce sont ainsi plus de 3,3 milliards d’exemplaires qui ont été diffusés par la presse française, soit 67 millions d’exemplaires papier en moins, et 174 millions de visites en plus sur la période, soit 14,2 milliards de visites.
Une « croissance numérique qui se constate sur l’ensemble des familles de la presse française », souligne l’ACPM-OJD. Quant aux versions PDF, elles progressent de 28 millions d’exemplaires, à 141,9 millions, soit +25%. Les PDF représentent même aujourd’hui 4,2% de la Diffusion France payée (DFP).
En mobilité, les sites fixes de presse affichent 7,9 milliards de visites (-5,8% vs 2015) pendant que les sites mobiles et applications de presse enregistrent une progression de +11,5%, à 6,2 milliards de visites. Par famille de presse, c’est la presse magazine qui enregistre le plus fort recul (-2,9%) devant la presse quotidienne régionale et départementale (-1,7%) et la PQN (Presse Quotidienne Nationale)(-1,6%). Cette dernière représentant la moitié de la diffusion (50,3%) et les magazines 41,3%.
Lit-on de la même manière sur le support papier que sur le support électronique ?
Neuf Français sur dix (91%) ont lu au moins un livre, quel que soit son genre littéraire, au cours des douze derniers mois. Le roman, notamment le roman policier, demeure le genre littéraire le plus prisé devant les livres pratiques et les bandes dessinées.
Le nombre de livres lus en moyenne (papier et numérique confondus) a fortement augmenté, passant de 16 à 20 livres entre 2015 et 2017. Cette augmentation du nombre de livres lus s’explique notamment par une progression de la lecture du livre numérique. En 2017, 24% de lecteurs ont lu au moins un livre numérique contre 19% en 2015. Elle s’explique aussi parce que les grands lecteurs lisent encore plus de livres papier qu’avant… Ces fameux grands lecteurs ont lu 52 livres contre 42 en 2015. Ils se caractérisent par un profil très féminin, diplômé et plutôt âgé, mais qui a tendance à se rajeunir.
Le support papier fait toujours de l’effet. Posséder l’ouvrage, le journal ou le roman est un plaisir irremplaçable pour les lecteurs. Ainsi, comme un collectionneur, les livres seront protégés par un film plastique, les coins seront renforcés pour la lecture afin de ne pas l’abimer. Même celui qui n’est pas un aficionado de la lecture sait apprécier une belle couverture et un bel objet.
Une bibliothèque fournie, quelques reliures vieillies mais bien conservées, quelques collections d’ouvrages bien rangées forment de très belles bibliothèques qui font plaisir à celui qui la possède et à ses visiteurs qui la contemplent.
Il n’est évidemment pas possible d’obtenir ce même effet de satisfaction avec un support numérique. A part craner en montrant sa tablette et la quantité d’ouvrages numériques disponibles à quelqu’un de particulièrement réceptif à ce genre de vantardise.
Il n’est évidemment pas possible d’emporter ses livres préférés lors de voyages ou de déplacements. Disposer d’un support numérique pour stocker aisément de nombreux livres ou journaux permet un gain, de place, de poids et de praticité, évident.
Pour l’actualité, en revanche, c’est bien différent. Les supports numériques de lecture ont le vent en poupe et les quotidiens nationaux sur support papier, la presse magazine et la presse quotidienne régionale et départementale cèdent du terrain.
Il apparaît que la concentration s’effrite à mesure que l’on utilise internet. Internet et son moteur de recherche star « Google » n’ont de cesse que de synthétiser l’information. Délivrer le plus rapidement possible l’information à l’internaute est un concept qui n’existe pas en littérature.
Pour trouver rapidement des informations, les recherches sont naturellement effectuées sur internet, via un smartphone ou un ordinateur. Tout le contraire d’un polar, ou de la narration d’un fait qui va s’évertuer à créer une mise en contexte avant de délivrer le nectar de l’information.
Plus qu’un changement de support, le passage du papier à l’électronique marque un changement de culture. Nous passons de la culture de l’imprimé à la culture du web et de l’hypertexte, et ce changement a de nombreuses implications concrètes jusque dans la forme de nos écrits et dans la manière dont nous construisons nos raisonnements.
Comme tout changement culturel, certains critiquent cette nouvelle forme d’acquisition de l’information. Au contraire, d’autres déprécient la culture de l’écrit, symbole de la culture transmise. Chez les adolescents, les livres et autres supports traditionnels de culture sont rejetés car non supportés par leurs pairs. Tant et si bien que tout ce qui est associé à la culture scolaire, à commencer par le livre, subit une forte dépréciation chez ces adolescents qui lui préfèrent la culture des mass media et celle transmise par les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC).
Les chercheurs semblent d’ailleurs penser que la stimulation cérébrale générée par la consultation de l’internet est plus forte que celle générée par la lecture traditionnelle. Selon les chercheurs du Centre de recherche sur la mémoire et l’âge, la lecture et la recherche sur le web utilisent le même langage, le même mode de lecture et de mémorisation et stimulent les mêmes centres d’activité du cerveau que la lecture sur papier. Mais la recherche sur l’internet stimule également des secteurs liés à la prise de décision et au raisonnement complexe.
Il est évident que surfer sur Internet nécessite de prendre sans arrêt des décisions, ce qui n’est pas le cas d’une lecture classique, qui ne nécessite pas de choix constants ou complexes. Le fait que la lecture sur le net soit plus stimulante pour le cerveau (parce qu’elle mobilise de la concentration pour activer les liens et nécessite une interaction active) est finalement assez logique. Il est possible qu’elle favorise également la mémorisation, puisque celle-ci réussit mieux quand le récepteur est actif plutôt que passif ; mais rien ne dit que cette « surstimulation » facilite la compréhension ou l’assimilation des informations parcourues, ou qu’elle favorise la dimension associative censée nous amener à de nouveaux niveaux de conscience.
Par sa « complexité », son hypertextualité qui requiert de faire des choix constants, la lecture sur l’internet stimule plus certaines zones de notre cerveau que l’austère page blanche d’un livre. Cela ne tranche pas le débat, mais cela le scinde un peu plus en deux : entre ceux qui y voient un danger qui risque de transformer la manière dont notre cerveau raisonne et assimile l’information, et ceux qui y voient une preuve de la supériorité du net qui ouvre de nouvelles perspectives et permet au lecteur d’être impliqué dans la lecture grâce à de nombreuses interactivités.
Ce sont les distractions que le réseau et les outils numériques facilitent, parce qu’elles favorisent des micro-interactions constantes, des mises à jour continues. Appuyer sur un bouton pour relever ses mails, consulter son agrégateur d’informations, sa messagerie instantanée et avoir en même temps, plusieurs pages web ouvertes, est devenu courant. Avec tous les outils qui nous entourent, les sollicitations sont constantes, et il faut reconnaître qu’il est facile de se perdre en surfant, alors qu’on avait commencé par vouloir lire un texte un peu long et qu’une recherche pour éclaircir un point nous a fait oublier notre objectif initial.
Pour autant, il est probable que l’on puisse de moins en moins lire sans être connecté. Couper notre lecture du réseau ne semble pas devoir être à terme, une solution pour retrouver le calme qui sied à une lecture profonde. Au contraire ! La lecture devient une expérience socialisée : ce ne sera plus une expérience isolée, close, fermée sur elle-même – pour autant qu’elle l’ait jamais été –, mais une expérience ouverte aux autres lecteurs et aux textes en réseaux, qui prendra du sens en s’intégrant dans l’écosystème des livres et des lecteurs.
Pourrons-nous demain lire des livres sans accéder à leurs commentaires, au système documentaire qui va naître de cette mise en réseau des contenus ? Pourrons-nous faire l’économie de l’accès aux publications et aux blogs qui citent ce livre, aux passages les plus importants signalés par l’analyse de toutes les citations faites d’un livre ? L’interface de Google Books préfigure peut-être ces nouvelles formes de lecture avec, par exemple, la page de références, de citations, des meilleurs passages et des recommandations d’un livre. La lecture ne sera plus une expérience solitaire, car en accédant au livre, à un article, on accédera aussi aux lectures d’autres lecteurs et surtout à son importance culturelle, au système qui le référence.
Notre mode de lecture change parce que le numérique favorise de « nouvelles manières » de lire
Les premières études sur les usages des livres électroniques montrent bien qu’on ne les utilise pas de la même façon que les livres de papier. Plutôt que d’en faire une lecture linéaire, on y pioche des passages ou des chapitres sans compter que l’usage qu’on en fait varie selon le contenu même du livre électronique.
On a plutôt tendance à télécharger certaines formes littéraires et à accéder en ligne à d’autres. Le livre électronique ouvre de nouveaux modes d’accès aux contenus dont la recherche documentaire et l’accès à l’information synthétique. Ces supports sont certainement appelés à progresser : le passage à l’électronique « augmente » le livre.
Assurément le rapport à ce que nous lisons est désormais différent car la posture de lecture est différente. Avec le livre, « je lis, je suis dans un moment à part, j’absorbe l’information ». Sur l’écran, ou avec un livre électronique, bien souvent, « je lis et écris, ou je lis et communique ». La posture de lecture n’est plus exactement la même. Nous accédons à de nouvelles manières de lire, qui brouillent les questions de lecture, nos façons de les mesurer et de les comptabiliser.
Ainsi, on découvre que selon l’étude de l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias, les Français lisent désormais majoritairement la presse au format numérique sur ordinateur, smartphone et tablette. Les lectures numériques dépassent maintenant les lectures en version papier à 53 % contre 47 %. Au total, 97,7 % des Français déclarent lire la presse chaque mois quels que soient les supports de lecture , à savoir 50,9 millions de personnes.
La répartition des modes de lecture marque également un bouleversement. Le smartphone devient le premier support de lecture (41 %) et dépasse d’une tête l’ordinateur (40 %). La tablette ne représente que 19 % des lectures. Tous supports numériques confondus, l’audience de la presse est estimée à 74 % des Français soit 38,4 millions d’individus qui “lisent au moins une marque de presse en version numérique”.
Quels sont les effets de la lecture en ligne sur nos capacités de lecture ?
À l’heure où les tests de lecture des plus jeunes se dégradent, beaucoup d’enfants passent désormais plus de temps à lire en ligne qu’à lire sur papier. On sait que, selon certaines statistiques, les jeunes qui lisent pour s’amuser, sur leur temps libre, obtiennent de meilleurs scores à leurs tests de lecture que ceux qui ne lisent que dans le cadre scolaire. L’internet a-t-il ce même effet ? Les jeunes, dont les pratiques de lecture basculent sur l’internet, améliorent-ils par ce biais leurs capacités de lecture ? La relation entre les deux n’est pas si aisée à démontrer.
Ceux qui critiquent l’activité de lecture sur le web affirment qu’ils ne voient pas de rapport évident entre l’activité de lecture en ligne et l’amélioration des capacités à lire en classe.
Les spécialistes de l’alphabétisation commencent à peine à explorer les effets de la lecture en ligne sur l’apprentissage de la lecture. Selon une étude récente américaine, portant sur 700 personnes pauvres, noires ou hispaniques de Detroit, les jeunes lisent plus sur le web que sur n’importe quel autre média, même s’ils lisent aussi des livres. Néanmoins, le seul type de lecture qui semble avoir un effet réel sur l’amélioration des résultats scolaires est la lecture de romans. Cela s’explique par le fait que la lecture de romans correspond à une demande de l’institution scolaire et que les connaissances issues de ce type de lecture sont valorisées dans le processus scolaire, plus que la lecture d’essais ou d’actualités par exemple. Sur l’internet, les étudiants développent de nouvelles capacités de lecture qui ne sont pas encore évaluées par le système scolaire.
La lecture fragmentée et éclatée que proposent les supports culturels modernes (bulles de BD, éléments textuels dans les jeux vidéo, micro-messages ou SMS…) semble également, quoi qu’on puisse en penser, participer de la lecture. Certes, elle ne crée pas des lecteurs assidus ou de gros lecteurs, ni de meilleurs élèves, mais elle contribue à les familiariser avec la lecture et à généraliser l’alphabétisation, même si elle paraît parfois sommaire ou rudimentaire.
Le développement du livre audio représente également une opportunité nouvelle de garder fidèle à l’univers du livre et de la lecture, toute une génération mobile, sollicitée par d’autres formes de loisirs. Forme ancienne de lecture, elle devient moderne par sa dématérialisation grâce à des équipements largement répandus.
Lisez, lisez, lisez !
Lire quotidiennement a de nombreuses vertus… Et nous aimerions vous en citer quelques-unes avant de rendre la plume. Que ce soit pour développer votre cerveau et, selon certains spécialistes, ralentir la maladie ou diminuer le stress, lire fait partie de ces jeux intellectuels stimulants.
On l’oublie trop souvent mais lire concourt à améliorer notre vocabulaire et nos connaissances. S’exprimer de manière éloquente et précise est un précieux atout professionnel. Être capable de communiquer avec ses supérieurs en ayant confiance en soi est un excellent moyen d’améliorer son estime de soi. Enrichir son vocabulaire peut même faire avancer sa carrière.
La lecture a aussi un effet bénéfique pour apprendre une langue étrangère. Lire un livre dans une autre langue permet de voir des mots utilisés dans leur contexte. Cela améliore aussi bien l’écrit que l’oral.
Bref, que vos lectures soient sur support numérique ou support papier, qu’elles soient de 200 pages ou de quelques lignes, la lecture est bénéfique pour votre cerveau et pour votre mémoire. Et, le saviez-vous ? En formant de nouvelles connexions synaptiques, notre cerveau va augmenter ses capacités de rétention de mémoire à court terme ce qui a un effet régulateur sur l’humeur. De quoi donner envie de lire son journal le matin, non ?