La S.A., ou société anonyme, est la plus connue des formes juridiques classiques des sociétés, mais la moins utilisée. La plus connue parce qu’elle est la seule dont les titres peuvent être cotés en bourse : vous en entendez donc parler au journal télévisé tous les jours, c’est la forme des grandes entreprises. La moins utilisée parce qu’elle est la plus contraignante compte tenu de la lourdeur de sa gestion.
On crée rarement une société sous forme de société anonyme, en revanche, celle-ci peut le devenir. Elle se transforme en société anonyme pour élargir son actionnariat et lever des fonds plus facilement, parce que la taille de l’entreprise le permet.
La société anonyme est une société de capitaux dans laquelle les actionnaires peuvent ne pas se connaître, où le plus important n’est pas la personnalité des actionnaires, mais l’argent qu’ils investissent.
Une société de capitaux où les actionnaires ne risquent que leur mise
La société anonyme se nomme ainsi car autrefois, les sociétés anonymes pouvaient prendre le nom que leurs fondateurs souhaitaient, à la différence des sociétés de personnes dont le nom devait refléter le nom des associés. Aujourd’hui, le terme anonyme renvoie l’image de l’actionnaire inconnu qui a acheté quelques titres en bourse ; seul l’argent compte.
C’est la forme la plus aboutie de la séparation entre la propriété de la société (les actionnaires) et la gestion de la société (la direction).
Les actionnaires sont l’élément majeur de la société anonyme, ce sont eux qui, en principe, dirigent la société au travers d’un conseil d’administration ou de surveillance. La société anonyme est une société pluripersonnelle par définition : dès la création, les actionnaires doivent être au minimum 7 et ce durant toute la vie de la société, en revanche, il n’y a pas de nombre maximum d’associés.
Le capital minimal que ces associés doivent apporter est de 37 000 euros : 18 500 euros au minimum doivent être libérés immédiatement et le reste dans les 5 ans. Les apports en numéraire (en cash) et les apports en nature (une machine, un brevet, un stock de pièces etc.) doivent être libérés immédiatement. La somme de départ est importante au regard des autres types de sociétés commerciales classiques (SARL, SAS par exemple) qui ne nécessitent pas de minimum à la création.
Une des caractéristiques principales de la société anonyme (d’ailleurs similaires aux autres formes de société à responsabilité limitée : SARL, SAS, etc.) consiste à ce que l’actionnaire ne supporte les pertes qu’à hauteur de son apport.
La constitution d’une S.A.
Les conditions de fond de la création d’une S.A. sont traditionnelles par rapport à un contrat classique :
- il faut un consentement, c’est-à-dire une volonté libre et non viciée de s’associer : pas de dol, c’est-à-dire une manœuvre dans le but de tromper, d’erreur ou de violence) ;
- aucune capacité particulière n’est exigée pour être actionnaire d’une S.A. : un mineur émancipé peut être actionnaire d’une S.A., des époux peuvent être associés dans la même société, les étrangers n’ont pas besoin de la carte de commerçant étranger etc. ;
- l’objet de la société doit être possible et licite : éviter de créer une société ayant pour objet “ la production et la vente de cannabis et de toute autre forme de drogues hallucinogènes ”, cela ne passera pas.
Ensuite, nous l’avons dit, il faut au minimum 7 actionnaires et 37 000 euros. Les apports peuvent donc être en numéraire ou en nature. En cas d’apport en nature (machine, stocks de pièces, ordinateurs, brevets, clientèle etc.), la responsabilité limitée oblige à faire une évaluation par un commissaire aux apports, tout comme les avantages particuliers qui seraient octroyés à un, ou un groupe, d’actionnaires particuliers. Les actionnaires peuvent d’ailleurs ne pas suivre l’évaluation proposée par le commissaire aux apports, mais ce sera à leurs risques et périls en cas de contestation (par un autre actionnaire qui se sentirait lésé, par l’administration fiscale etc. : les actionnaires sont alors solidaires pendant 5 ans de la valeur retenue.
Il est à noter que les apports en industrie (voir notre article “ Valoriser le capital humain ” – Comptazine n° 29, septembre 2013), sont strictement interdits en S.A.
A défaut de clause spécifique prévue dans les statuts, la durée de la société est de 99 ans.
Les actionnaires rédigent alors des statuts, puis effectuent la souscription du capital à partir de la liste des actionnaires. Les fonds en numéraire sont déposés à la caisse des Dépôts et Consignations, chez un notaire ou dans une banque, puis les versements sont constatés par un certificat du dépositaire établi au moment du dépôt des fonds (généralement la banque).
L’offre au public de titres financiers
Il est possible de créer une société anonyme qui fait une “ Offre au public de titres financiers ”, c’est-à-dire quand la société fait un appel public à l’épargne soit par le biais d’une offre publique par souscription, vente ou échange, soit carrément une introduction en bourse qui constitue l’essentiel des appels publics.
Généralement, la constitution d’une société qui fait une offre au public de titres financiers est rare : on émet des actions en cours de vie de la société quand la taille de la société demande des fonds très importants pour des investissements lourds.
Les formalités de création d’une S.A. qui fait une offre au public de titres financiers sont plus lourdes que celles d’une S.A. classique.
Les statuts sont rédigés et signés par les fondateurs et déposés au Greffe du Tribunal de Commerce avant le début des souscriptions et ne peuvent plus être modifiés jusqu’à l’approbation définitive : en effet, le but étant de renseigner les souscripteurs sur les caractéristiques de la société, une modification des statuts pourrait faire changer l’avis des souscripteurs. Les souscriptions se font en majorité dans les banques.
Les projets de statuts comportent des mentions particulières :
- le nombre d’actions et leur valeur nominale,
- s’il y a différentes catégories d’actions (actions de préférences notamment),
- l’identité des apporteurs en nature et leurs évaluations,
- les bénéficiaires d’avantages particuliers et leurs évaluations.
La société doit ensuite faire la publication d’une notice au BALO, le Bulletin des Annonces Légales Obligatoires, dans le but d’informer le public. Bien entendu, la notice doit être soumise à l’Autorité des Marchés Financiers (l’AMF). L’AMF peut faire modifier cette notice et autorise ensuite sa publication en un résumé qui se nomme “ prospectus ” et que l’on trouve dans les banques et sur le site internet de l’AMF.
L’événement majeur est l’assemblée constitutive, c’est la réunion de tous les souscripteurs. Cette assemblée doit être convoquée par les fondateurs dans les 8 jours à l’avance avec une publicité dans un journal d’annonces légales. Les documents disponibles au siège social sont donc :
- Les projets de statuts,
- le certificat des dépositaires,
- le rapport des fondateurs
- les textes de projet de résolution de l’assemblée à venir sur lesquels doivent se prononcer les futurs actionnaires.
Le but de l’assemblée constituante est… la constitution de la société, à laquelle participent les souscripteurs en personne ou représentés. Le quart des actions doit être présent ou représenté (quorum) et la majorité est des deux tiers des voix présentes ou représentées. Vous noterez que l’approbation des statuts de la société est de : 1/5 x 2/3, soit 2/15 des souscripteurs, sur 1 000 actions par exemple, cela représente 134 parts !
L’assemblée constituante vérifie la libération du capital, adopte le projet de statuts, statue sur l’évaluation des apports en nature et des avantages particuliers, et nomme les premiers organes de la société ainsi que les premiers commissaires aux comptes, obligatoires dans toute S.A.
Société à double tête
Le principe du fonctionnement de la société anonyme est une gestion différenciée de la propriété. La société est gérée au quotidien par une direction générale et est contrôlée par un conseil d’administration ou un conseil de surveillance qui représente l’intérêt des actionnaires.
Les dirigeants de la S.A. ne sont pas statutaires : l’assemblée générale nomme le conseil d’administration ou de surveillance et le conseil nomme la direction générale.
Une fois l’assemblée constituante terminée, il faut réunir le conseil d’administration ou le conseil de surveillance qui élit son président (et en plus le vice-président en cas de conseil de surveillance) et nomme ensuite le directeur général de la société ou les membres du directoire.
Nous avons une tendance très franco-française qui consiste à créer la fonction de PDG (Président Directeur Général), qui est à la fois président du conseil d’administration et directeur général et qui, malheureusement, reconcentre le pouvoir en une seule main. Ce n’est pas la philosophie moderne de la gestion d’une société dans laquelle il doit y avoir un équilibre des pouvoirs plus important à notre sens.