Contrôle ou gestion : le conseil d’administration administre, le conseil de surveillance surveille
C’est pourquoi, on a ajouté au modèle classique, le modèle d’inspiration allemande à directoire et conseil de surveillance qui opère une distinction obligatoire entre contrôle et gestion : le président du conseil de surveillance ne peut pas être directeur général. D’ailleurs, c’est un directoire qui est nommé, et non pas un seul directeur général, qui comprend de 2 à 5 membres (un seul si le capital est inférieur à 150 000 euros).
Que ce soit l’un ou l’autre choix, le principe reste le même : l’assemblée des actionnaires élit les membres du conseil et le conseil désigne la direction. Le conseil établit donc un tampon entre l’actionnaire et la direction.
La grande différence entre le conseil d’administration et le conseil de surveillance est l’implication dans la vie de la société : le conseil d’administration administre la société. Il détermine les orientations de l’activité de la société et vérifie leurs mises en œuvre.
Le conseil d’administration
Le contrôle est permanent et la direction de la société doit communiquer à tout administrateur, les documents et informations nécessaires. Le conseil d’administration a un rôle de stratège et de contrôle. Le CA se réunit aussi souvent que l’intérêt de la société l’exige, et les statuts fixent les modes et délais de convocation du CA. S’il doit se réunir dès qu’il y a convocation à une assemblée, il se réunit au moins une fois par an, avant l’assemblée générale annuelle ordinaire d’approbation des comptes qui doit se tenir dans les 6 mois de la clôture de l’exercice.
Le conseil d’administration se compose de 3 à 18 membres (voire jusqu’à 24 temporairement (3 ans) suite à une fusion avec une autre S.A.). L’administrateur peut être une personne physique ou morale. Si une entreprise est nommée administrateur, cette entreprise nomme un représentant permanent qui a les mêmes droits et devoirs que les administrateurs personnes physiques. Généralement, les statuts des S.A. prévoient que les administrateurs soient actionnaires de la société, créant une cohérence et une implication de l’administrateur puisqu’il est lui-même engagé financièrement dans la société, mais ce n’est pas obligatoire. D’ailleurs, la loi limite le nombre de mandats d’administrateurs personnes physiques à 5 sur le territoire, exception faite des filiales des sociétés dans lesquelles il est administrateur. Les personnes morales n’ont pas de limite de nombre de mandats, elles peuvent nommer autant de représentants qu’elles veulent. Pour éviter les papis gâteux qui envoient la société dans le mur, la loi a prévu que la limite d’âge d’un administrateur est de 70 ans, enfin pas exactement : le nombre des administrateurs ayant dépassé l’âge de 70 ans ne doit pas dépasser le tiers des administrateurs, on se demande bien qui a pu pondre ça ; et de plus, une clause intégrée dans les statuts, peut prévoir autre chose… Place aux jeunes messieurs !
Les administrateurs sont nommés à la création de la société pour 3 ans, puis en rythme de croisière pour 6 ans. Vous avez bien compris que l’assemblée peut défaire un administrateur, et elle peut le faire ad nutum, c’est-à-dire à tout moment, sans préavis et sans motif. C’est la précarité du mandat d’administrateur. Dans les faits, cela est assez rare et la révocation se fait généralement à l’assemblée annuelle.
Les administrateurs sont dédommagés par des jetons de présence aux conseils d’administration, dont le montant est décidé par l’AG sur proposition du CA.
Les pouvoirs du CA sont nombreux, parmi les plus importants on trouve :
- nomination et révocation de son propre président,
- désignation du directeur général et sa révocation,
- convocation des assemblées,
- arrêté des comptes annuels,
- autorisation des conventions règlementées…
La direction générale
Le directeur général exerce la gestion quotidienne de la société. Il est “ investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société ”. La société est engagée par ses actes même s’il dépasse l’objet social, à charge ensuite à la société de se retourner contre lui s’il a engagé la société au-delà de l’objet social.
Le directeur général est obligatoirement une personne physique et il ne peut exercer plus d’un mandat de DG simultanément, sauf si c’est une filiale (un seul autre mandat dans une seule filiale), et un autre mandat dans une autre société anonyme indépendante mais non cotée.
Le DG est révocable à tout moment par le conseil d’administration et l’assemblée générale n’a pas de pouvoir direct sur cette nomination (mais elle en a sur les administrateurs).
Il est ensuite possible de nommer de 1 à 5 directeurs généraux délégués qui assistent le DG et qui sont des personnes physiques nommées par le CA sur proposition du DG.
En principe, c’est-à-dire sauf clause statutaire contraire, l’âge maximum des DG et DG délégués est de 65 ans, mais par exemple, l’assemblée générale de TOTAL a approuvé une résolution visant à repousser l’âge de son directeur général à 67 ans en mai 2014 !
Conseil de surveillance et directoire
L’autre forme d’inspiration allemande vise une plus stricte séparation des pouvoirs entre direction et contrôle.
Le directoire comprend donc de 2 à 5 membres (un seul si le capital est inférieur à 150 K€, et jusqu’à sept en cas de société cotée) nommés par le conseil de surveillance pour une durée comprise entre 2 et 6 ans ; ce sont des personnes physiques âgées de moins de 65 ans. Les statuts fixent son fonctionnement : périodicité des réunions, convocations, quorum, majorité.
La vraie distinction concerne la révocation des membres du directoire : les membres du directoire peuvent être révoqués à tout moment uniquement par l’assemblée générale, et non par le conseil de surveillance. Le conseil de surveillance nomme le directoire, mais ne peut le défaire, le conseil de surveillance a donc moins d’impact à court terme sur la gestion de la société et le seul maître à bord est l’assemblée.
Le conseil de surveillance dans sa composition et son fonctionnement est très proche du conseil d’administration, à la grande différence que nous avons déjà soulignée qu’aucun membre ne peut être à la fois du directoire et du conseil de surveillance, évitant le bon vieux PDG à la française.
En revanche, son rôle de contrôle est plus présent : le directoire doit rendre compte au moins une fois par trimestre par des rapports trimestriels. Le conseil de surveillance opère toute vérification qu’il juge utile et peut convoquer l’assemblée des actionnaires.
Les membres du conseil de surveillance ont une responsabilité moins importante que celle des administrateurs puisqu’ils ne peuvent participer à la gestion de la société. De ce fait, ils ne sont donc pas dépositaires des erreurs de gestion. Ils n’assument pas de responsabilité au titre de la gestion de la société.
L’organe roi : l’assemblée générale des actionnaires
L’assemblée est donc l’organe souverain de cette société. C’est elle qui doit prendre les décisions au-delà de la gestion quotidienne. En réalité, c’est souvent une chambre d’enregistrement de ce qu’a décidé la direction générale ou le conseil d’administration.
Quoi qu’il en soit, l’assemblée est convoquée par le conseil d’administration ou le directoire et il faut convoquer l’ensemble des actionnaires : soit par lettre nominative pour les porteurs d’actions nominatives, soit par un avis de convocation dans un JAL (Journal d’Annonces Légales), et au BALO pour les sociétés qui font offre au public de titres financiers.
L’ordre du jour est très important : l’assemblée ne peut délibérer que sur une question inscrite à l’ordre du jour, sauf pour révoquer un administrateur ou un membre du conseil de surveillance.
C’est pour cela qu’avant l’avis de convocation, on procède à un avis de réunion 35 jours avant l’AG pour les S.A. sans offre de titre au public et 30 jours pour les autres (avec publication au BALO). Cela permet de prévenir qu’une convocation va être faite et ainsi de faire inscrire les résolutions à l’ordre du jour.
L’assemblée elle-même doit être convoquée au moins 15 jours avant la date, sans oublier le commissaire aux comptes qui doit être convoqué à toutes les assemblées. La participation se fait physiquement en étant présent à l’AG, ou par correspondance, ou par un vote par procuration à travers un mandataire, généralement un autre actionnaire à qui vous donnez, de fait, le pouvoir de voter pour vous.
On distingue les assemblées ordinaires et extraordinaires :
- pour les assemblées ordinaires (approbation des comptes, nomination des organes d’administration, approbation des conventions règlementées, nomination des commissaires aux comptes) : le quorum est de 1/5 en première convocation et aucun quorum n’est requis pour la deuxième convocation si le quorum n’est pas atteint en première convocation. On peut donc se retrouver avec une assemblée avec quelques actions présentes ou représentées qui prendra des décisions valables ! Les décisions se prennent à la majorité : soit 50% + 1 voix, avec pour principe : une action détenue = une voix.
- pour les assemblées générales extraordinaires (modification des statuts, augmentation de capital, etc.) les quorums sont les suivants : 1/4 sur première convocation, 1/5 sur deuxième et 1/5 sur troisième. Les décisions se prennent à la majorité des deux tiers (soit 2/3 des voix, et non 2/3 + 1). On note quelques exceptions, comme le changement de nationalité, l’augmentation de l’engagement des actionnaires comme la transformation en société en nom collectif (les actionnaires deviennent responsables indéfiniment !), qui nécessitent l’unanimité.
Les décisions d’AGE doivent être publiées pour être opposables aux tiers : enregistrement du PV de l’assemblée, publicité dans un journal d’annonces légales, dépôt au greffe de deux exemplaires, dépôt des actes au registre du commerce et des sociétés (RCS).
Le droit des minoritaires
La majorité impose sa volonté évidemment mais les actionnaires minoritaires ont quelques droits. Ils ont un poids quand l’actionnaire minoritaire ou les actionnaires qui se regroupent, atteignent au moins 5 % du capital pour les sociétés avec un capital inférieur à 750 000 euros. Le seuil de détention est ensuite dégressif en fonction du capital.
Les actionnaires minoritaires ont alors le droit de :
- compléter l’ordre du jour (or, vous savez que l’assemblée ne délibère valablement que sur les mentions à l’ordre du jour), ce qui permet de soulever à l’assemblée une question,
- poser des questions par écrit au président du conseil d’administration ou du directoire sur les faits de nature à compromettre la continuité d’exploitation,
- demander en justice la désignation d’un expert chargé de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion : l’expertise dite de minorité.
Enfin, on trouve l’abus de majorité. C’est une création de la jurisprudence. L’abus de majorité peut être invoqué pour annuler une décision de l’assemblée générale qui serait contraire à l’intérêt général de la société dans le but de favoriser la majorité des actionnaires au détriment de la minorité. L’intérêt est autre que celui de l’entreprise et il y a des circonstances aggravantes, comme la présence des actionnaires majoritaires au conseil d’administration : par exemple la décision de mettre à la charge de la société mère le passif d’une filiale en l’absence de tout intérêt social, ou encore d’autoriser un cautionnement par la société afin de garantir un prêt fait à l’actionnaire majoritaire.
Si le tribunal retient l’abus de majorité, cela peut entraîner la nullité de la décision, et les actionnaires minoritaires peuvent se voir dédommager au titre du préjudice subi par l’abus de majorité.
A l’inverse, on trouve l’abus de minorité : le blocage de toute décision d’assemblée extraordinaire par opposition systématique et non fondée qui, là aussi, s’apprécie au regard de l’intérêt social.