Ce n’est pas dans vos livres de cours, mais pour briller auprès de vos CAC, rien de mieux que de parler… de leurs honoraires … surtout s’il s’agit du règlement d’un litige les concernant ! En effet, ils ne connaissent pas forcément cette procédure spécifique sur le bout des doigts.
LA FIXATION DES HONORAIRES :
Comme vous le savez, les commissaires aux comptes appliquent un nombre d’heures de travail sur un dossier en fonction de sa taille. La taille du dossier est appréciée par la formule suivante :
TOTAL DE BILAN + PRODUITS D’EXPLOITATION + PRODUITS FINANCIERS
On applique alors le résultat à un barème (article R.823-12 du code de commerce) qui est le suivant :
- Jusqu’à 305 000 € : 20 à 35 heures de mission
- De 305 000 à 760 000 € : 30 à 50 heures
- De 760 000 à 1 525 000 € : 40 à 60 heures
- De 1 525 000 à 3 050 000 € : 50 à 80 heures
- De 3 050 000 à 7 622 000 € : 70 à 120 heures
- De 7 622 000 à 15 245 000 € : 100 à 200 heures
- De 15 245 000 à 45 735 000 € : 180 à 360 heures
- De 45 735 000 à 122 000 000 € : 300 à 700 heures.
Première remarque, ce barème ne s’applique pas à certaines entités, comme les associations par exemple, pour lesquelles on fait donc un peu ce qu’on veut ; de plus, même pour les entités soumises au barème, une dérogation à celui-ci peut-être demandée (par exemple un nombre d’heures moindre si un expert-comptable est présent sur le dossier).
Deuxième remarque, seule une fourchette d’heures est fixée, le taux horaire est librement fixé entre le client et le CAC, et c’est là que le bât peut blesser. Même si la compagnie tente de veiller, pour ne pas que ces honoraires soient sur-évalués ou sous-évalués (des cabinets cassent les prix au départ pour obtenir les dossiers, et ensuite augmentent les honoraires…). Un contrôleur qualité de la Compagnie (ceux qui contrôlent les cabinets de CAC), m’a indiqué lors d’une formation qu’un taux global compris entre 90 et 100 euros de l’heure facturé était cohérent. (et oui, le taux horaire de l’apprenti ou du collaborateur n’est pas le même que celui du CAC !).
Donc parfois, les sociétés estiment que les diligences n’ont pas été à la hauteur de ce qui était attendu, ou que les facturations du CAC ont été un peu trop consistantes ….et là, le litige devient inévitable.
LA PROCEDURE DE LITIGE :
Loin d’être évidente, je vous détaille la procédure d’un litige sur les honoraires, portée par les articles L823-18 et son règlement R823-18, du code de commerce :
1) Une tentative de conciliation à la Compagnie Régionale des Commissaires aux Comptes (CRCC) doit être adressée au président de la CRCC.
La conciliation se passe au siège de la CRCC en présence d’un éminent membre (président, vice-président), et des deux parties qui s’opposent, le CAC et la société qui, cas le plus fréquent, refuse de payer les honoraires.
Un PV de conciliation ou de non conciliation est rédigé, et signé par tout le monde. Cette procédure de conciliation est absolument nécessaire, et le H3C est clair dans ses décisions, si aucune demande de conciliation n’a été effectuée, les contestations d’honoraires sont irrecevables.
2) En cas de non conciliation, la partie la plus « diligente », en gros la première, doit saisir la Chambre Régionale de Discipline des Commissaires au Comptes auprès de la Cour d’Appel, (même si, je suis bien d’accord avec vous, cela n’a rien à voir avec de la discipline… ! ).
La saisine se fait dans les 15 jours qui suivent la conciliation par LRAR adressée au président de la Chambre de Discipline (et croyez-moi, il n’est pas toujours simple de trouver son nom ! Vous passerez sans doute un bon moment au téléphone, basculé entre les divers services de la Cour d’Appel, avant que quelqu’un ne comprenne ce que vous souhaitez !). Il est important d’être le plus « diligent », car vous êtes le demandeur !
3) Si une des parties n’est pas satisfaite de la décision de la Chambre régionale de discipline, elle peut faire encore appel auprès du H3C, carrément ! Le H3C se réunit en séance juridictionnelle (6 ou 7 fois par an) pour rendre sa décision d’appel : 40 dossiers ont été jugés par le H3C en 2010 – sur 15 000 mandats -, ce qui reste donc une procédure exceptionnelle (je vous laisse le soin de consulter les rapports annuels du H3C disponibles sur leur site, page 62 dans le rapport 2010 pour les décisions concernant les honoraires.)
4) Et bien entendu, si le cœur en dit aux participants, ils peuvent toujours faire un pourvoi en cassation.
Je voudrais préciser, que la décision de la Chambre régionale de Discipline, qui définit le montant des honoraires, n’est pas une sanction pénale stricto-sensu. Il faut donc par la suite démarrer une procédure en recouvrement classique auprès du tribunal d’instance ou de grande instance (Cour de cassation, chambre commerciale, 09/03/2010 n°09-12.247).
Je sais bien que pour vous remercier de ces précieuses informations, qui feront recouvrir à votre CAC de copieux honoraires, vous ne serez remercié que d’une chaleureuse poignée de main … A moins que d’ici là, vous ne soyez vous-même devenu CAC ou avocat … !