En France et partout dans le monde, les sociétés défendent leurs intérêts pour étendre au maximum leur influence en se constituant un réseau. En formant des groupes d’intérêts aussi appelés lobbies, les sociétés essayent d’accroître leur nombre de sympathisants afin de disposer d’un maximum de décideurs acquis à leur cause. Pour construire un réseau efficace, il faut bien connaître les circuits décisionnels afin de prendre contact avec les personnes qui prennent les décisions. Plus le réseau est vaste et influent, plus le lobby est puissant.
Qu’est-ce que le lobbying ?
Lorsqu’un groupe appartenant à un même secteur professionnel se forme pour défendre ses intérêts, faire pression et jouer de son influence à son avantage, on parle de lobbying.
Le mot « lobby » est un terme anglais qui signifie « hall d’entrée » ou « antichambre ». Au 19ème siècle, au Royaume-Uni, l’expression « the lobby of the House » désigne la salle des pas perdus de la Chambre des communes britannique, où les parlementaires échangeaient avec les représentants d’intérêts qui étaient ainsi surnommés les « lobbyistes ».
Contrairement à une action syndicale, les actions menées par un lobby sont discrètes. Le principe est de convaincre les décideurs politiques du bien-fondé de telle ou telle action. Il faut donc une parfaite connaissance du système législatif pour cibler les personnes les plus influentes. Les lobbyistes visent ainsi à influencer la mise en place de législations, réglementations et normes économiques, à leur avantage. Le lobbying consiste donc à essayer d’influencer la fabrique de la loi, que ce soit en empêchant qu’une loi ne soit inscrite à l’agenda du législateur ou en formulant une loi « clé en main ».
En outre, les lobbyistes entretiennent de bonnes relations avec les médias et le milieu de la recherche. Cela permet de sensibiliser le public vis-à-vis du produit ou du service et à de détecter toutes inventions ou innovations susceptibles d’interagir avec les intérêts défendus.
Le lobbying est très prisé aux Etats-Unis où les entreprises s’attachent de plus en plus souvent les services d’un lobbyiste professionnel. Il est également fréquent et très pratiqué dans l’Union Européenne.
Le lobbying en Europe
Étant donné qu’un lobbyiste influence ou fait pression sur les pouvoirs publics sans passer par la compétition électorale, on pourrait juger d’emblée que le lobbying constitue une menace pour notre processus démocratique.
La démocratie française, fondée sur un processus électoral, permet de faire coexister des personnages politiques de pensées diverses. Les politiciens se présentent comme capables de protéger l’intérêt général et proposent aux électeurs d’agir en leur nom.
Outre-Manche, dans une approche très libérale des droits individuels, la conception démocratique est différente. Il est admis que des groupes sociaux soient en capacité de protéger le bien public et l’intérêt général. C’est la concurrence entre ces groupes qui permet de limiter les excès et d’éviter qu’un groupe domine les autres et impose ses intérêts particuliers. Cette capacité n’est ainsi pas réservée à la seule classe politique.
Dans la conception française, au contraire, l’existence et la manifestation des intérêts particuliers ne peuvent que nuire à l’intérêt général. En conséquence, il ne peut être envisagé que des groupes d’intérêts particuliers puissent tenter d’influencer l’auteur de la loi, c’est-à-dire les parlementaires. L’intérêt général ne résulte pas de la somme des intérêts particuliers, il dépasse chaque individu et il est en quelque sorte l’émanation de la volonté de la collectivité des citoyens.
A Bruxelles, le lobbying est intégré dans les pratiques. En effet, les institutions européennes reposent sur la reconnaissance officielle des lobbies.
Le lobbying en France, une évolution controversée
L’activité n’est pas nouvelle en France mais a été admise tard et difficilement. Il faut attendre 2009 pour les premières règles d’encadrement visant à lister le nom de lobbyistes dans un registre facultatif et 2013 pour la première loi sur la transparence de la vie publique.
En France, la définition retenue décrit que toute personne agissant pour le compte d’une société commerciale, d’une société civile, d’une entreprise publique, d’une association, d’une fondation, d’un syndicat ou d’un organisme professionnel et ayant pour activité principale ou régulière d’influer sur la décision publique, notamment sur le contenu d’une loi ou d’un acte réglementaire en entrant en contact avec un certain nombre de responsables publics, est un lobbyiste.
Le fait que des groupes d’intérêts particuliers puissent concurrencer l’État dans sa mission de détermination et de poursuite de l’intérêt général est un sujet longtemps laissé à l’écart des débats publics et sans cadre législatif.
Aujourd’hui, les lobbyistes font partie intégrante du paysage institutionnel français. Le processus législatif ne se résume plus à une simple relation bipartite entre pouvoirs exécutif et législatif. Le schéma de décisions politiques actuel place le Parlement au centre d’un flux d’informations émanant de divers groupes sociaux. Depuis une dizaine d’années, les lobbies commencent à apparaître sur le devant de la scène. Cela ne convient pas à certains responsables politiques qui considèrent qu’une trop forte influence des lobbies peut nuire à l’intérêt général et freiner la mise en œuvre de réformes.
Des organisations non gouvernementales (ONG) comme la section française de Transparency International, qui lutte contre la corruption gouvernementale, militent aussi en ce sens.
Le lobbying est très mal vu en France. Il constitue un pouvoir secret qui augmente le mystère autour de sociétés secrètes et de groupes de dirigeants cachés. Le lobbying alimente donc de nombreuses thèses complotistes. Il faut dire que le lobbying revêt différentes formes : connaissance des circuits décisionnels, constitution de réseaux, participation à des groupes d’études, organisation de conférences, de visites, rédaction d’amendements à un projet de loi mais aussi cadeaux luxueux, espionnage, pression et infiltration.
De nombreux domaines font appel à du lobbying. Laboratoire, tabac, jeux d’argent, nucléaire, produits phytosanitaires… L’action des lobbies est partout. Une nouvelle règlementation, la loi Sapin II du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique tente de réguler cette activité.
La loi Sapin II définit les représentants d’intérêt et énumère les personnes susceptibles d’être reconnues comme telles. Il s’agit :
- des personnes morales de droit privé, des établissements publics ou groupements publics exerçant une activité industrielle et commerciale, des chambres de commerce et d’industrie ainsi que des chambres des métiers et de l’artisanat dont un dirigeant, un employé ou un membre a pour activité principale ou régulière d’influer sur la décision publique, notamment sur le contenu d’une loi ou d’un acte réglementaire en entrant en communication avec un membre du gouvernement ou d’un cabinet ministériel, un parlementaire ou un collaborateur parlementaire, un collaborateur du président de la République, certains membres d’une autorité administrative indépendante (AAI) ou d’une autorité publique indépendante (API), le président d’un conseil régional ou un conseiller régional ;
- des personnes physiques qui ne sont pas employées par une personne morale et qui exercent à titre individuel une activité professionnelle de lobbying.
Sont exclus de cette définition : les élus dans l’exercice de leur mandat, les partis et groupements politiques, les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs, les associations cultuelles et les associations représentatives d’élus.
Décideurs visés par le lobbying. Issu des chiffres de la HATVP.
Secteurs visés par le lobbying. Issu des chiffres de la HATVP.
Comment une loi est-elle élaborée en France ?
Dans le cadre d’un processus législatif, pour devenir une loi, un projet de loi, déposé au nom du gouvernement ou une proposition de loi qui provient d’une initiative parlementaire, suit des étapes qui doivent conduire à son adoption lorsqu’il est voté dans les mêmes termes par l’Assemblée nationale et le Sénat. En cas de désaccord entre les deux chambres, l’Assemblée nationale a le dernier mot.
Qui prépare les projets ou propositions de loi ?
L’initiative de la loi est une compétence qui appartient à la fois au Gouvernement et aux parlementaires (députés et sénateurs).
Un projet de loi préparé et rédigé par le Gouvernement peut être déposé indifféremment auprès du Bureau de l’Assemblée nationale ou du Sénat, à l’exception des projets de loi de finances qui sont déposés sur le bureau de l’Assemblée nationale et des projets de loi intéressant les collectivités territoriales qui sont déposés en premier lieu sur le bureau du Sénat.
Une proposition de loi doit être déposée obligatoirement sur le Bureau de l’assemblée du parlementaire qui en est auteur.
Les projets et propositions de loi doivent être examinés par les deux chambres du Parlement.
Le site internet « vie-public.fr » contient la rubrique « Panorama des lois » – https://www.vie-publique.fr/loi – qui permet de consulter l’avancement au quotidien du processus législatif.
Une fois le dépôt effectué, le texte est étudié par une commission permanente parlementaire compétente pour le domaine concerné par la future loi. Cette commission désigne un rapporteur qui se charge d’examiner le texte et de rédiger un rapport. Il peut, comme les autres membres de la commission, proposer des modifications au texte de la future loi. Ce sont des amendements.
Le rapport est ensuite adopté par la commission.
Comment le projet ou la proposition de loi est-il voté par le Parlement ?
Passé un délai minimal de 6 semaines après le dépôt, le projet ou la proposition de loi peut être inscrit à l’ordre du jour pour être examiné par l’assemblée où il a été déposé (Assemblée nationale ou Sénat). Les députés ou les sénateurs votent d’abord pour chaque article et amendement, avant de voter sur l’ensemble du texte. Une fois adopté, le texte est transmis à la seconde assemblée.
Après avoir observé un délai de 4 semaines après sa transmission, la seconde assemblée examine le texte selon les mêmes règles. Durant cette phase, d’autres amendements peuvent aussi être votés. Si le texte est modifié, alors il repart vers la première assemblée pour être à nouveau examiné. Ce va-et-vient s’appelle « la navette parlementaire ».
Enfin, lorsque le projet de loi ou la proposition de loi n’est plus modifié, il peut être adopté par les deux assemblées.
Toutefois, si le projet ou la proposition de loi n’est pas validé après deux allers-retours, le Gouvernement peut convoquer une commission mixte paritaire (CMP). Le Gouvernement peut également engager une procédure accélérée qui limite à un seul aller-retour les textes.
Cette commission, composée de sept députés et de sept sénateurs, modifie le texte ensemble pour trouver un consensus. Le texte commun est ensuite voté par chaque assemblée. En cas d’échec, une nouvelle lecture du texte a lieu dans les deux assemblées, et le Gouvernement peut donner le dernier mot à l’Assemblée nationale. À ce stade, toute décision prise est définitive, que le texte soit adopté ou rejeté.
Une fois le texte adopté, il est promulgué par le président de la République dans les quinze jours. Pendant ce délai, le Président peut demander un nouvel examen du texte et le Conseil constitutionnel peut être saisi pour vérifier qu’il n’est pas contraire à la Constitution. La loi promulguée entre en vigueur après sa publication au Journal officiel, et des décrets d’application permettent sa mise en œuvre.
La régulation du lobbying
Afin d’apporter plus de transparence aux électeurs quant aux décisions prises par les élus, l’encadrement du lobbying s’articule autour de deux axes :
- l’identification des groupes d’intérêts et de leurs actions ;
- la limitation des conflits d’intérêts par le repérage et la prévention de ces conflits auprès des responsables politiques (élus et nommés).
Identifier les lobbyistes et leurs actions
L’Union européenne a mis en place dès 2011 une base de données qui répertorie et renseigne sur les organisations qui cherchent à influencer les politiques européennes. 11 882 organismes y figurent en janvier 2020.
Il existe en France depuis 2009, un registre public des représentants d’intérêts créé par l’Assemblée nationale et le Sénat. En 2017, la loi Sapin II a remplacé ce registre par le répertoire numérique national des représentants d’intérêts. La tenue de ce répertoire est effectuée par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), une autorité administrative indépendante (AAI) qui a succédé en 2013 à la Commission pour la transparence financière de la vie politique. Un décret de 2017 précise les conditions d’inscription au répertoire. Un représentant d’intérêts doit y déclarer :
- son identité ou celle des dirigeants de l’entité pour laquelle il travaille ;
- le champ de ses activités de représentation d’intérêts ;
- les actions relevant de ce champ menées auprès des responsables publics ainsi que le montant des dépenses liées ;
- le nombre de personnes qu’il emploie dans l’accomplissement de sa mission de représentation d’intérêts;
- les organisations professionnelles ou syndicales ou les associations en lien avec les intérêts représentés auxquelles il appartient.
D’après le rapport d’activité 2019 de la HATVP, le répertoire des représentants d’intérêts comptait, en décembre 2019, 1 956 entités inscrites. Les cinq domaines d’intervention les plus déclarés sont l’agriculture, les taxes, le système de santé, les PME/TPE et le logement.
L’extension du champ du répertoire aux collectivités locales, initialement prévue au 1er juillet 2018, a été reportée à juillet 2021.
Prévenir les conflits d’intérêts
Des dispositifs ont été institués afin que le personnel politique ne puisse pas être suspecté de défendre des intérêts particuliers contraires à l’intérêt général.
S’appuyant sur le rapport de la commission de réflexion pour la prévention des conflits d’intérêts dans la vie publique, présidée par Jean-Marc Sauvé, et le rapport la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique, présidée par Lionel Jospin, la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique :
- définit le conflit d’intérêts comme « une situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction » (art. 2) ;
- prévoit une obligation d’abstention pour les responsables administratifs ou politiques qui estiment se trouver dans une telle situation ;
- oblige tout responsable public à adresser à la HATVP, en début et en fin de mandat, une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration faisant apparaître les intérêts qu’il détient à cette date. Sur la seconde, il mentionne ses activités professionnelles et bénévoles, l’activité professionnelle de son conjoint, ses différents mandats et sa participation à des organes dirigeants de sociétés. Sur ces éléments, la HATVP analyse le risque potentiel de conflit d’intérêts et, le cas échéant, enjoint à l’intéressé de faire cesser cette situation.
La loi Sapin II, qui fait suite notamment au rapport Nadal de 2015 sur l’exemplarité des responsables publics, marque une nouvelle étape pour la transparence des relations entre représentants d’intérêts et pouvoirs publics. L’article 18-5 énonce les principes déontologiques qui incombent aux représentants d’intérêts. Ils doivent par exemple s’abstenir de :
- proposer ou remettre des présents, dons ou avantages d’une valeur significative à un responsable public ;
- verser une rémunération à un responsable pour qu’il prenne la parole dans un colloque ou une réunion ;
- essayer d’obtenir des informations par des moyens frauduleux ;
- vendre des informations ou des documents provenant d’un responsable public.
La HATVP contrôle le respect des règles d’inscription, de déclaration et de déontologie. Elle peut se faire communiquer tout document nécessaire à cette mission sans se voir opposer le secret professionnel, et accomplir celle-ci dans les locaux du représentant d’intérêt. En cas de manquement à ses obligations, ce dernier encourt une peine d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. La Haute Autorité préconise de remplacer ces sanctions pénales par des sanctions administratives qu’elle publierait sur son site internet pour les rendre encore plus dissuasives.
La loi Sapin II a également créé l’Agence française anticorruption (AFA), qui se substitue au Service central de prévention de la corruption. L’AFA a pour mission d’aider les autorités compétentes et les personnes qui y sont confrontées à prévenir et détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêts, de détournement de fonds publics et de favoritisme. Elle peut apporter son expertise aux juridictions, aux grandes entreprises, aux administrations et aux collectivités.
Par la suite, les lois pour la confiance dans la vie politique du 15 septembre 2017, appelées communément “lois pour la moralisation de la vie publique”, ont renforcé les obligations de déclaration d’intérêts et de patrimoine. Elles demandent à l’Assemblée nationale et au Sénat de déterminer “des règles destinées à prévenir et faire cesser les conflits d’intérêts dans lesquels peuvent se trouver des parlementaires” (art. 3). Chaque assemblée a ainsi créé un registre des déports sur lequel s’inscrivent les parlementaires qui choisissent de ne pas participer à certains travaux car ils s’estiment en situation de conflit d’intérêts.
Comment le lobbying pourrait-il être plus transparent ?
Estimer le nombre de lobbyistes actifs en France n’est pas chose aisée. Le sociologue Guillaume Courty estime qu’ils représentent « entre 2 900 et 14 500 » professionnels. Une étude conduite en mars 2011 par Transparency International France et Regards Citoyens, sur la base des rapports parlementaires publiés par l’Assemblée nationale entre 2007 et 2010, avait permis d’identifier 4 635 organisations, représentées par 15 447 personnes, mentionnées en annexe des rapports parlementaires. Plus de 5 500 personnes sont enregistrées dans le registre HATVP en tant que représentants d’intérêts. Même si ce chiffre est encore probablement sous-estimé si l’on en croit l’étude de 2011, il se rapproche davantage de la réalité que ne l’étaient les précédents registres abrités auprès de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Le lobbying est donc bien un métier. Les lobbyistes ont leurs associations professionnelles et il existe des formations dédiées au lobbying à l’université ou dans les Instituts d’Etudes Politiques (masters en « affaires publiques et représentation d’intérêts » ou « vie publique et relations institutionnelles », modules optionnels au sein des cursus de communication publique ou d’affaires publiques), dont les cours sont fréquemment assurés par des lobbyistes en exercice.
Ces associations et ces formations contribuent activement à la professionnalisation du lobbying. Pour autant, personne n’écrit « lobbyiste » sur sa carte de visite. Les terminologies qui reviennent le plus souvent dans les intitulés de poste des personnes enregistrées sur le registre HATVP sont « Affaires Publiques », suivies de « Relations Institutionnelles ». Le terme « plaidoyer » est fréquent dans le secteur associatif, parfois associé à « campagne » ou « mobilisation ».
Au sein des organisations, on observe une certaine proximité entre la fonction Affaires Publiques et les fonctions communication et juridique. Toutefois, le plus souvent, l’activité de lobbying n’apparaît pas clairement dans l’intitulé de poste, ce qui s’explique notamment par le fait que le lobbying est souvent exercé ou supervisé aux plus hauts niveaux hiérarchiques. Ainsi, les personnes inscrites comme représentants d’intérêts sur le registre exercent dans 60% des cas des fonctions de directeur, de président ou vice-président, de délégué général ou de secrétaire général. Seuls 185 consultants (4%) sont enregistrés.
Créé par la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (loi dite « Sapin 2 »), ce répertoire ne fournit pas, en l’état, suffisamment de données utiles.
Premier écueil : les obligations ne pèsent que sur les représentants d’intérêts. Les responsables publics ne sont, quant à eux, soumis à aucune obligation de transparence dans leurs contacts avec les lobbies, alors que ce sont eux qui in fine arbitrent et prennent les décisions après les avoir entendus.
Le décret d’application a par ailleurs largement vidé le registre de sa portée. Certains acteurs (associations d’élus, associations cultuelles, personnes morales de droit public, syndicats) sont partiellement ou totalement exemptés de l’obligation d’y figurer. La fréquence des déclarations est annuelle, ce qui est insuffisant car trop éloigné du rythme politique. Les représentants d’intérêts n’ont pas à publier le détail des positions qu’ils défendent auprès des pouvoirs publics. Les activités de lobbying ne sont pas rattachées clairement aux décisions publiques ciblées. L’identité des responsables publics visés n’est pas précisée et les lobbyistes ne sont pas tenus de renseigner les actions qu’ils entreprennent en direction de certains responsables publics (Président de la République, Conseil d’Etat, Conseil Constitutionnel). De manière générale, le décret est construit autour de seuils complexes, qui le rendent peu lisible et chronophage pour les acteurs, tout en créant des distorsions. Enfin, les moyens alloués à la HATVP pour effectuer les contrôles sont encore incertains.
Le lobbying s’opère à chaque étape de la décision publique, depuis très en amont (communication d’influence pour mettre un sujet à l’agenda, stratégies visant à influencer sur le contenu des programmes au moment d’une campagne) jusque très en aval (lobbying sur le contenu des décrets d’application, auprès du Conseil constitutionnel). Ces jeux d’influence sont complexes, parfois imperceptibles, plus ou moins faciles à appréhender, plus ou moins opaques, plus ou moins problématiques. Ils reflètent l’état des rapports de force et des clivages qui traversent la société et que les élections n’ont pas suffi à trancher. Ils témoignent de la porosité de la sphère politique.
Afin de renforcer le cadre légal et mobiliser les acteurs (représentants d’intérêts, responsables publics, citoyens) pour un lobbying plus responsable, Transparency International France souhaite :
- que les responsables rendent publics leurs rendez-vous avec les représentants d’intérêts ;
- que les informations inscrites dans les registres du lobbying, en France et au niveau européen, soient plus pertinentes ;
- que les représentants d’intérêts soient transparents sur les positions défendues auprès des décideurs publics et qu’ils leur transmettent des informations “fiables, à jour, pertinentes et non biaisées”.
Le rapport exhorte la France à intensifier l’application et l’efficacité des mesures de prévention de la corruption au sein de l’exécutif, mais aussi dans la police et la gendarmerie nationales. Il réclame plus de transparence sur les contacts entre l’exécutif et les groupes d’intérêts afin de clarifier l’influence de ces derniers dans la prise de décision. Il incite les membres de l’exécutif, y compris le président de la République, à rendre compte publiquement et régulièrement des lobbyistes rencontrés et des points abordés. Dans le même temps, le gouvernement français a lancé le premier plan national de lutte contre la corruption, élaboré par l’AFA en concertation avec les administrations et les collectivités territoriales concernées. Il vise à renforcer la confiance des citoyens dans les institutions et préconise particulièrement de sensibiliser et mieux former les agents publics les plus exposés, les élus locaux et les parlementaires aux risques de corruption.
De son côté, le député Sylvain Waserman appelle à progresser davantage sur la voie d’un lobbying éthique et de relations de confiance entre représentants d’intérêts et décideurs publics. Fin janvier 2020, il a présenté à l’Assemblée nationale un pré-rapport qui énonce plusieurs recommandations, dont :
- la publication des agendas des parlementaires (précisant leurs rencontres avec des représentants d’intérêts) et le sourcing des amendements suggérés par des lobbies ou élaborés avec eux ;
- le renforcement des dispositifs destinés à prévenir les conflits d’intérêts, notamment les obligations relatives aux dons et invitations remis aux députés ou à leurs collaborateurs ;
- de nouvelles contraintes imposées aux lobbies dans la gestion des données dont ils disposent sur les députés ;
- une réforme du système de sanctions prévu à l’encontre des représentants d’intérêts ;
- une révision du code de conduite qui leur est applicable à l’Assemblée.