Alors que l’Europe et en particulier la France cherchent des solutions pour créer de l’énergie verte, il devient nécessaire de se tourner vers d’autres modes de transports plus écologiques comme le transport fluvial. Cette navigation intérieure qui s’effectue sur les eaux intérieures a certainement été trop délaissée et devrait peut-être revenir sur le devant de la scène.
Les aménagements sur notre réseau fluvial sont très importants. Ils permettent depuis le Moyen-Âge de transporter des marchandises ou des voyageurs sur des rivières à courant libre, parfois aménagées ou chenalisées, sur des rivières canalisées ou même sur des canaux. Epis, digues, barrages, écluses et canaux sont le résultat d’une longue utilisation et optimisation de ce mode de transport.
Le transport fluvial a pris son essor dès le Moyen-Âge avec le commerce des biens trop lourds à transporter par un autre moyen. Les pierres pour la construction, le vin et d’autres marchandises ont été transportées par bateau sur les fleuves et les rivières dont la navigation était possible. Vers l’aval, le transport était aidé par le courant. La remontée des bateaux vers l’amont, plus compliquée, était réalisée par halage, c’est-à-dire en tirant l’embarcation depuis un chemin longeant la rivière.
La batellerie, l’activité professionnelle de transport fluvial, s’est développée avec l’aménagement des cours d’eau, la construction d’écluses et de canaux. Au XIXe siècle, la forte demande en charbon a conduit à la densification du réseau de voies navigables du nord de la France, où se situent majoritairement les mines.
Avec l’essor de l’automobile et l’aménagement d’un réseau routier toujours plus important, le transport fluvial a connu un déclin important à partir des années 1970. A l’époque, ce mode de transport, plus lent que le transport par route perd en compétitivité.
Depuis 1995, grâce à sa faible consommation d’énergie par rapport aux autres moyens de transport de marchandises, le transport fluvial fait l’objet d’un regain d’intérêt mais n’est pas utilisé à la hauteur de ses capacités. Entre 1995 et 2005, l’activité passe de 5,8 à 7,9 milliards de km en 2005, soit une croissance moyenne de 3% par an. Cette progression du trafic est le fruit d’un effort important en matière d’entretien et de restauration du réseau.
Aujourd’hui, les voies navigables de France appartiennent au domaine public fluvial (DPF). Constituées de rivières naturelles, de rivières canalisées et de canaux artificiels, les voies navigables couvrent un linéaire de 8500 km comprenant des centaines d’ouvrages dédiés à la navigation, tels que les écluses.
Les voies navigables se composent d’un réseau « magistral » dédié au transport de marchandises, et d’un réseau « régional », plus petit, davantage consacré au tourisme. Le transport fluvial s’effectue sur des bateaux – dont la forme est adaptée à la navigation en rivière et en canal – tels que les péniches. Une grande partie de ce réseau est géré par l’établissement Voies navigables de France (VNF).
Les différents types de transports fluviaux
Le transport de passagers
Le transport de passagers comprend le tourisme fluvial qui recouvre essentiellement les activités de promenade et de croisière et les activités de plaisance :
- la promenade fluviale : avec ou sans restauration, pour quelques heures dans la journée ;
- les croisières fluviales : paquebots fluviaux ou péniches-hôtels. Cette activité est en fort développement, en particulier sur le bassin Rhône-Saône.
Le transport public régulier de personnes par voie fluviale est encore peu développé, en dehors de quelques sites particuliers (sur le lac Léman, en Guyane) mais différents projets voient peu à peu le jour (Nantes, Paris).
Le transport de passagers
Le transport fluvial de marchandises est économique, propre, fiable, sûr mais lent. Le réseau de transport fluvial et notamment les voies à grand gabarit, sont d’atouts incomparables pour constituer une réelle alternative au transport sur route. Le transport fluvial est particulièrement adapté à certaines cargaisons lourdes, au transport de matières dangereuses et aux convois exceptionnels. Il présente de nombreux avantages pour le développement durable :
- réserves de capacité importante sur le réseau navigable notamment, pour accéder aux grandes agglomérations ;
- fiabilité du temps de transport et sécurité ;
- faibles consommations d’énergie et émissions de gaz à effet de serre à la tonne-kilomètre transportée.
Le transport fluvial de marchandises est maintenant au cœur d’une stratégie de développement durable. Comment réhabiliter ce mode de transport qui représentait 110 millions de tonnes et 14 milliards de tonnes-kilomètres au début des années 1970 ?
Voies navigables de France
Voies navigables de France (VNF) est un établissement public à caractère administratif (EPA). Depuis 1991, il est gestionnaire des voies navigables, des ports fluviaux et des autres dépendances du domaine public fluvial. Pour l’exercice de ses missions, VNF s’appuie sur son personnel propre et sur des services déconcentrés du ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, qui lui sont mis à disposition.
Les missions de l’établissement sont :
- d’exploiter, d’entretenir et d’améliorer les voies navigables, les ports fluviaux et autres dépendances du domaine public fluvial dont la gestion lui est confiée ;
- de réaliser les infrastructures nouvelles du réseau en cohérence avec les perspectives offertes au niveau européen ;
- de gérer le domaine de l’État qui lui a été confié pour l’exercice des missions susmentionnées ;
- de centraliser et de porter à la connaissance du public les renseignements de toute nature concernant l’utilisation des voies navigables ;
- de rechercher tout moyen propre à développer l’utilisation des voies navigables et à en améliorer l’exploitation.
État actuel du réseau fluvial
Le domaine public fluvial français comprend environ 18 000 km de voies d’eau dont 8 500 km sont navigables. Ces dernières se décomposent en fleuves, rivières et canaux aménagés, équipés et ouverts au transport de voyageurs, de marchandises et de plaisance. La France possède le plus long réseau de voies navigables d’Europe, qui en compte 38 000 km.
La plus grande partie du réseau français, soit 6 700 km, est gérée par l’établissement public Voies Navigables de France (VNF) qui en assure l’entretien, l’exploitation et la modernisation :
- le réseau « magistral », long de 4 100 km, est utilisé pour le transport de marchandises ;
- le réseau régional, long de 2 600 km est plutôt dédié au tourisme.
Ce réseau comporte de nombreux ouvrages d’art : environ 400 barrages de navigation, 1 799 franchissements de chute (écluses, échelles d’écluses, pente d’eau), 637 ouvrages de décharge (déversoir, siphon, vanne, etc), 83 portes de garde, 389 systèmes alimentaires (barrage-réservoir, rigole, station de pompage, contournement d’écluse…), 28 tunnels-canaux, 125 ponts-canaux et 806 ouvrages de franchissement (pont, aqueduc, etc.).
Depuis 2005, un décret fixe la liste des voies d’eau constituant un réseau magistral non transférable en raison de son utilité pour le transport de marchandises, principalement géré et exploité par VNF. Depuis 2008, l‘État a modernisé la gouvernance de VNF afin d’étendre ses compétences, de renforcer son ancrage territorial et son rôle au niveau de la coopération internationale.
Au 1er janvier 2013, les services de navigation de l’État et les services de VNF ont été unifiés sous l’égide de l’établissement public administratif VNF afin de créer un gestionnaire unique de la voie d’eau en France.
Environ 1 000 km du réseau ont été transférés aux collectivités territoriales et 700 km sont directement gérés par l’État. Par ailleurs, certaines voies sont gérées par les ports maritimes.
Entretien du réseau fluvial
Les voies navigables ont souffert pendant de longues années d’une forte désaffection, traduisant en particulier une baisse importante des dotations consacrées aux investissements. Ceci a eu un double effet négatif : le patrimoine a considérablement vieilli, posant des questions de sécurité notamment parce que le réseau comporte de nombreuses digues et retenues d’eau ; sa performance s’est dégradée et ne répond pas pleinement aux attentes des bateliers et des armateurs. Pourtant, le potentiel de croissance du trafic sur le réseau magistral est considérable.
Les expériences récentes nous appellent à redoubler de vigilance. Les fortes précipitations des derniers hivers ont mis en évidence que les ouvrages hydrauliques présentent des enjeux qui dépassent la seule question du maintien de la ligne d’eau. Certains barrages sont situés dans des zones habitées et il est impératif de garantir leur intégrité.
Par ailleurs, certains chantiers récents de reprise d’ouvrage ont mis en évidence que des travaux urgents sont nécessaires pour maintenir le niveau de service, comme sur l’axe de la Seine.
Zoom sur le canal du midi
Le canal du Midi est-il une voie possible pour le transport de marchandises ?
En 1666, l’édit signé par Louis XIV a autorisé le lancement des travaux, l’ouvrage est baptisé canal royal du Languedoc. Dès sa conception, le canal a été conçu pour le transport de marchandises. À l’époque, il s’agit de créer une infrastructure pour amener les produits du Languedoc vers le bassin méditerranéen, et assurer une liaison fluviale entre Atlantique et Méditerranée.
Cela évitait aux bateaux commerciaux d’emprunter le détroit de Gibraltar. Le canal permit alors d’acheminer une grande variété de produits, comme des céréales telles que blé, orge, ou du vin et des eaux-de-vie, ou encore du marbre de Caunes-Minervois, utilisé pour la construction du Trianon…
Mais comme le reste de notre transport fluvial, celui-ci a été concurrencé par le fret ferroviaire et le transport routier. Fini l’âge d’Or de 1856, record avec 110 millions de tonnes/kilomètres.
Alors comment relancer le fret fluvial sur le canal du midi ?
Le canal du Midi appartient au patrimoine de l’Humanité, c’est un monument national, fruit d’une histoire commune qu’il convient de mieux faire connaître. C’est à la fois un site architectural, patrimonial, scientifique et technique unique, issue de la volonté de Louis XIV d’aménager le territoire.
Pourtant, ce patrimoine doit être entretenu. Son statut est menacé par le chancre coloré, une maladie qui mine les platanes et détruit une voûte verte séculaire. Conséquence, le développement du fret est envisagé.
Toutefois, la réutilisation du canal du midi pour le fret fluvial rencontre trois écueils majeurs. Premièrement, les écluses ne sont pas adaptées aux dimensions standards européennes (38,50 de long) alors que le canal du midi a été conçu pour accueillir des embarcations de 30 mètres maximum. Deuxièmement, toute l’infrastructure sur les berges permettant de charger et de décharger a été remplacée par des terrasses de restaurants. Enfin, le budget consacré au canal est faible puisque Voies navigables de France (VNF), gestionnaire du canal, a consacré autour de 18 millions d’euros en 2016, une somme largement consacrée à l’abattage de platanes et replantations.
Malgré ces obstacles, le fret fluvial a de l’avenir. Avec la publication des lois Grenelle, le fret non aérien et non routier doivent croître de 25% d’ici 2022. Le transport fluvial fait partie des voies à explorer, car il consomme 30% de gasoil de moins que le routier. Cet engagement envers l’eau et le rail a été renouvelé en 2015, avec la loi de Transition énergétique pour la croissance verte (TECV).