Les AMAP (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne) permettent de créer un contact direct entre consommateurs et paysans. L’objectif de cette rencontre est l‘établissement d’un contrat qui obéit au droit commun des contrats) bipartite. Cet accord permet à l’agriculteur de vendre de manière récurrente, des paniers composés de fruits, de légumes, d’œufs, de fromage et de viande. Plus il y a de producteurs dans l’AMAP, plus l’offre faite au consommateur est vaste. Ces paniers sont soit mis à la disposition du client sur l’exploitation agricole du producteur ou dans un lieu privé ou public, soit livrés à domicile.
Ce fonctionnement qui rapproche le producteur du consommateur est né de l’envie de manger plus sainement en consommant des produits locaux achetés en circuit court (Mode de commercialisation des produits agricoles qui s’exerce soit par la vente directe du producteur au consommateur, soit par la vente indirecte à condition qu’il n’y ait qu’un seul intermédiaire). Historiquement, c’est notamment à la suite du scandale dans les années 60 à Tokyo d’enfants ayant contracté la maladie de Minamata après avoir ingurgité du lait en poudre contaminé au mercure qu’a débuté une prise de conscience face aux risques industriels. Des mères de famille se sont regroupées pour trouver des producteurs qui cultivaient sans pesticides. Toutes ces circonstances ont conduit à la création des “Teikei”, système japonais de partenariat agricole entre producteurs et consommateurs que l’on peut traduire par “mettre le visage du paysan sur les aliments”.
En Ile-de-France, la 1ère AMAP démarre en octobre 2003 à Pantin (93) avec un maraîcher d’agriculture biologique installé à Chaussy dans le Val-d’Oise.
Le réseau AMAP Ile-de-France se forme un an après. La charte des AMAP est rédigée en 2013 par Alliance Provence. L’appellation AMAP est déposée à l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle) dans la foulée.
Depuis, le nombre de groupes de consommateurs et de producteurs partenaires est en constante augmentation. En 2018, 330 AMAP étaient présentes en France. En 2020, 1988 AMAP sont enregistrées en France dont 443 en Ile de France, 383 en Auvergne-Rhône-Alpes et 233 en Occitanie. L’avenir nous dira si l’attrait croissant pour ce mode de vente et de distribution se pérennise.
Comment fonctionne une AMAP ?
Le pilier central de l’AMAP est la relation entre le producteur et les consommateurs. Cette relation se construit progressivement grâce aux réunions des membres, à la distribution des produits et à la mise en place d’animations sur la ferme. Il est nécessaire que les consommateurs soient impliqués dans la vie de la ferme pour être connectés aux réalités du monde agricole et aux rythmes de la nature. Plus, ils auront conscience des difficultés auxquelles elle est confrontée, plus leur attachement à l’AMAP se développera. Ce travail presque d’éducation voire de rééducation à la vie rurale peut également se faire à travers une aide manuelle ou administrative que les consommateurs peuvent fournir à la ferme. D’ailleurs, cette relation permet à l’AMAP de pouvoir palier d’éventuelles mauvaises années de production.
Grâce à ce lien de confiance, l’agriculteur peut disposer à l’avance des liquidités qui lui seront nécessaires pour acheter ses intrants, tels que les semences ce qui lui évite ainsi d’avoir à s’endetter auprès d’une banque. Cette avance de trésorerie peut se faire sur l’année ou d’un trimestre à l’autre. Ce deal comprend également la notion de force majeure, une clause doit nécessairement être insérée dans le contrat aménageant la situation des deux parties. Théoriquement, pour être qualifié de force majeure, l’événement doit présenter trois caractéristiques cumulatives : il doit être extérieur au débiteur, imprévisible au moment de la conclusion du contrat et irrésistible (insurmontable). Concrètement, si un problème indépendant de la volonté du producteur survient, les consommateurs devront en accepter les conséquences. Lors d’une mauvaise année de récolte, par exemple, le contenu du panier sera moins important. Ce système va également dans l’autre sens : si la production est abondante, alors les consommateurs auront des paniers très fournis.
L’autre principe de fonctionnement d’une AMAP est la mise en place d’un comité. Ce regroupement permet au producteur de ne pas supporter seul toute la charge de travail. Les membres du comité sont des consommateurs qui peuvent donner bénévolement du temps à l’AMAP. Le comité est formé avant le lancement de la saison d’abonnement, et est renouvelable à chaque fin de saison. Ce comité comporte, de manière générale, un coordinateur, un trésorier, un responsable communication, un responsable bénévolat et un responsable animation. Ces rôles sont de préférence tenus par des personnes différentes et peuvent être scindés. Chacun assume alors des responsabilités et dispose de pouvoirs, de l’agriculteur aux consommateurs. Ensemble, le comité ressemble à une grande famille !
Je veux créer une AMAP
Les AMAP apportent un grand nombre de bénéfices. Voici les étapes clés si l’envie vous prenait de créer votre AMAP.
- Pour vendre les productions, il faut des consommateurs. En moyenne, les AMAP sont composées de 60 adhérents, mais cela dépend de la taille de l’exploitation et de l’envie de l’agriculteur de continuer d’autres activités comme les marchés. Il faut savoir que pour de nombreuses AMAP, des adhérents sont sur liste d’attente, ce qui en règle générale ne pose pas de problème. De plus, le recrutement des adhérents peut se faire par de multiples canaux, bouche à oreille, réseaux sociaux, presse locale….
- Pour avoir une production, il faut un agriculteur faisant partie du réseau d’AMAP, mais aussi des filières biologiques et paysannes qui peuvent mettre en lien des producteurs et de futurs consommateurs.
- Lorsque les différents protagonistes ont été trouvés, il est important de formaliser le projet. La création d’une AMAP est réalisée à l’initiative d’un groupe de consommateurs désireux de soutenir l’agriculture paysanne de proximité dans le respect des principes généraux de la charte des AMAP. Pour ce faire, les adhérents fondent une association régie par la loi 1901. Cette structure juridique peut être utilisée car il n’y a pas de bénéfices à partager. Les membres actifs à l’origine de l’association rédigent les statuts et le règlement intérieur et effectuent les démarches administratives nécessaires à la création de l’association. L’association est dirigée par un Conseil d’administration, Bureau ou collège élu par l’Assemblée Générale. Ce Bureau est en théorie, composé d’un président et éventuellement un ou plusieurs vice-présidents, un secrétaire et éventuellement un secrétaire adjoint, un trésorier et éventuellement un trésorier adjoint.
L’AMAP réunit un groupe de consommateurs et un agriculteur de proximité autour d’un contrat dans lequel chaque consommateur achète en début de saison une part de la production qui lui est livrée à un coût constant. Le producteur s’engage à lui fournir des produits de qualité”.
Un contrat entre consommateurs et producteurs est établi. Il engage conformément à la Charte des AMAP, les premiers à récupérer et à payer par avance les paniers et les seconds à fournir des produits.
Le réseau régional des AMAP ou « CREAMAP » peut également aider à chacune des étapes.
Dans le principe, les adhérents reçoivent des paysans, des produits alimentaires frais, locaux et d’origine agricole, le transport et la distribution n’impliquent en principe aucun intermédiaire commercial.
Concernant ce dernier point, l’ancien ministre de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche Monsieur Bruno Lemaire avait d’ailleurs émis l’hypothèse de classer les AMAP dans la catégorie des intermédiaires commerciaux. Ce reclassement aurait soumis les AMAP au paiement de charges fiscales. Mais depuis, rien n’a été acté. Seule l’interrogation persiste. Pour certains, les AMAP doivent rester en association loi 1901 car c’est une « convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d’une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité, dans un but autre que de partager des bénéfices », il y a donc un but désintéressé. Mais en revanche pour d’autres, il s’agit avant tout de mieux rémunérer les producteurs dans le cadre d’une activité professionnelle.
Ce questionnement se présente également pour d’autres structures fonctionnant sur le modèle des circuits courts, comme les groupements d’intérêts économiques ou les coopératives. Il semble donc y avoir un manque d’outils juridiques français pour les initiatives sociales et solidaires.
Zoom sur « la ruche qui dit oui » face aux AMAP
Depuis plusieurs années, lorsque l’on parle d’AMAP, on fait également référence à une autre structure qui prône le circuit court : « la ruche qui dit oui ». Elle a été créée en 2011 dans la banlieue de Toulouse. C’est aujourd’hui une start-up qui permet, avec l’aide d’une plateforme e-commerce nationale, et même Européenne depuis 2013, de mettre en contact des producteurs locaux et des consommateurs au sein « d’une Ruche ». En moyenne, les producteurs doivent être situés à 250 km maximum de la Ruche mais seule la distance entre l’atelier et la Ruche est prise en compte et non pas la distance entre l’atelier et les matières premières.
Ce sont les producteurs qui facturent directement les clients. Chaque Ruche est animée par un responsable rémunéré qui peut avoir différents statuts. Seul 6% de ces responsables avaient un statut d’agriculteurs en 2018 contre 60,5 % qui avaient un statut d’autoentrepreneur.
En 2014, la ruche qui dit oui a reçu l’agrément ESUS (entreprise solidaire d’utilité sociale) ce qui permet la mise en place d’un encadrement concernant la rémunération des salariés et des profits. La ruche est également agréée par B-Corp depuis 2017. Cette certification permet aux sociétés commerciales de mettre en avant leurs exigences sociétales et environnementales, ainsi que leur politique de transparence avec le public.
Cette entreprise communique sur une démarche de qualité et de circuits courts comme les AMAP. Pourtant, des différences importantes existent même si pour les deux réseaux, le bio n’est pas une règle.
Tout d’abord, bien que la charte des AMAP vise à faciliter le passage de modes de production conventionnels à des modes de production agro-écologiques, la labellisation bio n’est pas exigée. Ce sont les consommateurs et les producteurs qui évaluent eux-mêmes les pratiques à tenir. Il y a donc un accord, une confiance et un contrat qui se créent entre les deux parties. Du côté des Ruches, les produits sont issus d’une agriculture locale mais il n’y a pas de règles sur les pratiques agricoles. Le site internet permet de trier les produits pour ne retenir que les produits bio. Le consommateur choisit ce qu’il souhaite.
Ensuite, l’AMAP demande un engagement pour l’année. Un contrat est mis en place, les deux parties s’engagent. Cela permet de préfinancer la récolte, ce qui est une véritable sécurité financière pour les agriculteurs. Ce contrat, d’un panier chaque semaine, peut aussi comporter du bénévolat à la ferme. L’AMAP permet une relation solidaire, un engagement économique, éthique et social. De son côté, la ruche qui dit oui permet aux consommateurs de rester libres de commander ou non à chaque vente, sans abonnement ni engagement. La vente ne se fait que lorsqu’elle atteint un montant minimum et que la livraison est rentable pour les producteurs.
Il faut souligner que l’avantage des ruches réside dans le fait que l’offre y est plus développée. Chaque Ruche doit avoir un minimum de 4 producteurs pour ouvrir, cela permet une plus grande variété en fruits, légumes, viandes, crèmeries, boulangeries et pâtisseries … Dans les AMAP, le panier dépend uniquement de la production des agriculteurs ou des paysans associés.
Enfin, de son côté, l’AMAP évite tout gâchis puisque tout ce qui est produit est distribué. Pour les Ruches, c’est la demande qui conditionne les apports de marchandises auprès des consommateurs, ne garantissant pas au producteur à chaque vente que sa production trouvera preneur.
Des modèles économiques différents
Dans les AMAP, il n’y a pas de rémunération d’intermédiaires. Le panier est vendu autour d’une trentaine d’euros et peut grimper jusqu’à cinquante euros lorsque les produits proposés sont très variés. Au global, un panier en AMAP pour 4 personnes coûte entre 15 et 25 euros. C’est un prix assez proche d’un panier composé de la même manière en grande surface mais avec une qualité supérieure.
Dans une Ruche, les producteurs fixent librement leurs prix de vente et la start-up prend une commission. Les producteurs devront reverser 20 % de frais de services sur leur chiffre d’affaires hors taxes à l’entreprise. Ces 20% sont répartis de la manière suivante : 8,35 % sont affectés à la rémunération du responsable local de la Ruche pour l’organisation des ventes. Les 11,65% restants correspondent à la commission de la start-up pour payer ses salariés.
Alors que choisir ?
En termes de développement sur le territoire, nous avons vu que 1988 AMAP étaient présentes en 2020 sur le sol français. L’entreprise de la ruche qui dit oui comptent 10 000 producteurs qui approvisionnent les ruches et 1500 ruches ouvertes en Europe.
Dans les deux cas, de nombreuses personnes participent et cherchent ce mode de consommation qui reste plus respectueux de l’environnement.
En définitive, ce sont deux façons de procéder différentes où chaque consommateur pourra y trouver son bonheur gustatif. Là où une partie des consommateurs auront leur préférence pour un fonctionnement sans engagement à la Ruche qui dit Oui, d’autres seront séduits par le lien de confiance établi avec l’agriculteur à travers le contrat d’une AMAP.
En outre, ces deux systèmes présentent des avantages tant pour les exploitants que pour les consommateurs. La ruche qui dit oui a permis d’embaucher plus de 100 salariés et assure un revenu complémentaire à l’ensemble des responsables des ruches ainsi que des débouchés supplémentaires aux producteurs. Les AMAP permettent une valorisation des petits producteurs, de recréer un lien direct entre paysans et consommateurs, de promouvoir l’activité paysanne et visent à garantir la sécurité financière de l’agriculteur.
Ces deux circuits répondent à des attentes différentes de la part des consommateurs ayant pour objectif commun de consommer plus sainement et de s’alimenter à base de produits locaux En fin de compte, l’aspect positif qui en ressort c’est que les adeptes des deux réseaux y trouvent leur compte.