Lors d’une vente d’entreprise, l’acheteur cherche à se protéger. Il cherche à savoir par tous les moyens si l’entreprise qu’il achète vaut réellement le prix qu’il s’apprête à payer. Malgré toutes les précautions qu’il puisse prendre, les risques encourus par le ou les précédents gérants n’est pas toujours facile à évaluer. Dans ce cadre, ils peuvent et doivent négocier une garantie de passif.
Avec la garantie d’actif ou de passif, la fameuse GAP, le vendeur s’engage à indemniser l’acheteur si l’actif diminue ou si le passif augmente après la cession, mais pour une ou plusieurs causes elles-mêmes antérieures à cette cession. Cet acte protège le repreneur d’actifs surévalués ou de dettes dissimulées, par exemple. Évidemment, la négociation autour de cette garantie de passif est très souvent tumultueuse.
Comment savoir si l’entreprise que vous allez racheter possède bien tous les véhicules qui sont inscrits en comptabilité ? Ainsi que les noms de domaine ? Et comment être sûr que le vendeur n’aura pas contracté une multitude de dettes avant son départ ? Pour toutes ces raisons et ces interrogations, la garantie de passif permet de fixer un montant, une garantie qui vise à protéger l’acheteur en cas de problème. Si un risque non provisionné survient après la vente et qui concerne un acte de gestion du précédent gérant, la garantie de passif pourra être activée.
L’achat / vente d’une entreprise
L’acquisition de droits sociaux (actions d’une SA, parts d’une SARL…), afin de prendre le contrôle d’une société, peut présenter certains risques. Il faut savoir que le jour de la signature correspond au jour où précisément, les gérants cédants posent leur démission, leurs moyens de paiement sont retirés, l’argent de la transaction est reçu sur un compte avec confirmation de la réception par notaire et banquier… Bref, comme dans les films !
Alors évidemment, impossible d’avoir exactement la situation de l’entreprise à la seconde même où la transaction aura lieu. D’une part, il y a le passif que l’on constate lors du dernier bilan et celui du jour de la cession, mais qui pourtant reste imputable à la gestion du cédant. D’autre part, il peut y avoir des actifs que l’on croyait exister mais qui se révèlent être d’une valeur moindre ou encore être absents de la cession. Or, tous ces imprévus entraînent une diminution de la valeur de la cible acquise et il convient de compenser cette dévaluation patrimoniale.
La convention de garantie de passif permet donc de sécuriser partiellement la transmission d’une entreprise en garantissant la situation de celle-ci au jour de la cession. En effet, les moyens offerts par le droit commun de la vente (garantie de conformité et vices cachés) se sont révélés insuffisants pour une protection correcte du repreneur. La convention de garantie de passif conclue entre les parties vient alors souvent s’ajouter aux garanties légales.
Étant donné que le processus de cession n’est pas instantané, il y a plusieurs étapes commerciales et juridiques. Il n’existe aucune obligation en matière de vente d’entreprise. Le prix peut être fixé avant contrôle financier, le prix peut être indexé sur une valeur donnée par une situation comptable intermédiaire, etc. Dans un premier temps, il convient que l’acheteur manifeste sérieusement son intérêt pour que le potentiel cédant lui fournisse un accès à ses informations personnelles. C’est l’objet d’une lettre d’intention.
La lettre d’intention
Afin de s’assurer du réel intérêt du repreneur potentiel et de s’assurer de la confidentialité des négociations, le cédant aura tout intérêt à demander au futur acquéreur une lettre d’intention. Il s’agit du premier acte formalisé liant les deux parties. Si la lettre d’intention ne vaut pas contrat définitif, le juge pourra toutefois la tenir pour plus ou moins engageante selon sa rédaction.
Cette lettre fixe un cadre aux négociations et organise ses différentes étapes. Les parties pourront s’y référer tout au long de la période des pourparlers puisqu’il s’agit souvent du seul écrit exprimant la volonté de faire affaire.
Les pourparlers précédant la cession d’une entreprise peuvent être longs. En effet, dans la majorité des cas, le repreneur souhaite prendre connaissance de l’entreprise de manière plus approfondie avant de conclure son achat. Ce qui est tout à fait légitime, soit dit en passant. Comme pour n’importe quel achat finalement, l’acheteur va demander à avoir toutes les informations disponibles. Ainsi, c’est une très bonne période pour les comptables en place. Les heures supplémentaires sont de mise pour produire tous les documents demandés, réaliser une situation comptable intermédiaire au plus près de la date de vente envisagée, fournir les budgets réactualisés, etc. Cette phase implique donc que le cédant dévoile des informations relatives à son entreprise qui peuvent être sensibles ou confidentielles. On comprend alors pourquoi il ne souhaitera pas les divulguer à toute personne qui se présentera sans justifier d’un projet défini et réalisable.
C’est dans ce contexte que la lettre d’intention trouve son intérêt. C’est la première étape de la transaction. Elle témoigne par écrit de leur volonté de mener au mieux les discussions et de mener le projet à son terme, pour aboutir à l’éventuelle conclusion d’un protocole d’accord, sans pour autant l’y obliger. Cette lettre constituera la loi des parties jusqu’à ce qu’un nouveau document ne soit signé. Si les négociations suivent leurs cours de manière satisfaisante, la lettre d’intention débouchera naturellement sur la conclusion d’un protocole d’accord. Elle s’apparente fortement à un compromis de vente pour faire un parallèle avec un acte plus connu…
Cette convention fait l’objet d’une négociation entre les parties et s’annexe généralement au protocole d’accord.
Le cédant garantit l’acquéreur de la sincérité des comptes qu’il présente. Il garantit aussi que de nouveaux passifs ne devraient pas se révéler, auquel cas il devra les prendre en charge, si leur origine est antérieure à la cession. De même, il peut garantir la présence effective et la valeur des actifs de la société cédée. Ainsi, si une diminution des actifs en question apparaît, alors le cédant devra prendre en charge le différentiel.
Le repreneur bénéficie par ce biais d’une sécurité quant à la situation de l’entreprise cédée. Il s’agit d’une protection contre les passifs inconnus que le cédant se serait gardé de révéler et contre les diminutions d’actifs postérieures à la cession.
Le principe de la garantie de passif
Les clauses dites de garantie de passif ont pour finalité d’assurer la bonne fin de la prise de contrôle de la société. En substance, la garantie a pour objet de faire supporter au vendeur tout à la fois le passif supplémentaire et l’insuffisance d’actif qui surviennent après la cession et dont la cause est antérieure à celle-ci. Bien que d’apparence la garantie de passif couvre l’acheteur, ce n’est pas non plus une assurance tous risques contre les “mauvaises affaires”.
Attention à ce que les clients de la société rachetée ne soient pas en fin de contrat, que l’homme clé ne soit pas sur le départ faisant péricliter fatalement l’activité, que le parc de véhicules possédé soit encore en bon état de fonctionnement… C’est pour ces types d’éventualités qu’un audit complet de la société est toujours préconisé. Même si de petites choses peuvent échapper à la vigilance des auditeurs, le fond sera contrôlé, vérifié et analysé pour obtenir une estimation de la valeur de l’entreprise au plus juste.
Quelles sont les modalités de la garantie ?
En général, le contrat s’articule en deux grandes parties :
- les déclarations : le garant fait une description de la société et engage sa responsabilité par un certain nombre d’affirmations sur l’état de celle-ci ;
- l’étendue de la garantie : outre les déclarations, le garant s’engage également sur les valeurs économiques de l’entreprise, actif, passif, capitaux propres, engagement hors bilan…
Une distinction fondamentale doit être opérée entre deux types d’obligations :
- soit le vendeur s’oblige à indemniser directement l’acheteur de la moins-value subie par les titres ; ce type de clause s’analyse en une garantie de valeur, ou clause de révision de prix ;
- soit le vendeur s’engage à reconstituer le patrimoine de l’entreprise ; ce type de clause constitue une garantie de passif stricto sensu.
La différence juridique essentielle réside dans le fait que, dans le cadre de clause de révision de prix, le vendeur ne peut, contrairement aux clauses de garantie de passif, être contraint de restituer une somme supérieure au prix de cession.
L’objet de la garantie
La garantie de passif est l’expression la plus usitée mais elle peut recouvrir des réalités différentes, à savoir :
- Une garantie de passif pure et simple, où le cédant ne s’engage à ne couvrir que les passifs qui pourraient se révéler après la cession alors même qu’ils ont leur origine antérieurement à celle-ci.
Exemples : un redressement fiscal ou un redressement de l’URSSAF ; une condamnation en justice consécutive à un fait dont l’origine est antérieure à la cession. - Une garantie de passif et d’actif : en plus de garantir l’éventuelle apparition de passifs, le cédant garantit les éventuelles diminutions d’actifs ou défauts d’actifs.
Exemple : Stock invendable, créances clients impayées ou litigieuses dont l’origine est antérieure à la cession. - Une garantie d’actif net : la finalité est de contrebalancer les pertes subies par le repreneur avec les éventuels compléments d’actif. On parle souvent de compensation entre les bonnes et les mauvaises nouvelles.
Exemple : déduction de l’économie d’impôt que le passif a permis, une provision avait été constituée avant la cession mais elle est finalement reprise car elle est dépourvue d’objet.
Comment négocier cette GAP dans de bonnes conditions ?
Bien que certains acheteurs soient frileux pour dépenser quelques honoraires dans des audits, ceux-ci sont vivement conseillés pour avoir une situation fiable de l’entreprise.
Quand toutes les parties sont bien conscientes de la transaction, quelques clauses peuvent être adjointes à la garantie d’actif et de passif.
Une clause de non-concurrence octroyée par le cédant au profit du repreneur avec une durée, une limitation géographique et un champ d’application à définir.
D’autres clauses peuvent être négociées comme une garantie de chiffre d’affaires ou de rentabilité ou une clause d’earn-out, qui permet d’intéresser le cédant aux résultats bénéficiaires de la cible dans un laps de temps défini après la cession. Mais ces clauses sont risquées pour le cédant car il ne dispose plus de la maîtrise de l’activité et des comptes.
Le vendeur peut également se protéger aux moyens de clauses comme une garantie de paiement. Il est nécessaire d’exiger un paiement à la date de la cession. En aucun cas, il ne faut procéder à l’ordre de transfert des titres sans être en possession d’un chèque de banque ou sans avoir constaté que le virement a été dûment effectué et que le compte est crédité. Pour la partie du prix payable à terme, une garantie de paiement est indispensable. Le cautionnement bancaire est la garantie la plus utilisée dans ce cas de figure.
Exemple de la mise en œuvre de la GAP
Exemple classique : un salarié est licencié avant l’acquisition donc le fait générateur est bien antérieur ; il assigne l’entreprise aux Prud’hommes pour, par exemple, un rappel d’heures supplémentaires couvrant une période également antérieure à l’acquisition. Si l’assignation aux Prud’hommes est postérieure à l’acquisition, la révélation du fait générateur sera donc postérieure à cette acquisition. Ici, nous nous trouvons typiquement dans un cas de mise en œuvre possible de la GAP.
Autre exemple : un an après l’acquisition, l’entreprise fait l’objet d’un contrôle fiscal qui porte sur une période antérieure à l’acquisition. Si un redressement est notifié, il y a bien un accroissement de passif pour la période antérieure à l’acquisition avec une révélation postérieure à celle-ci.
Les limites pouvant être apportées à cette garantie
Le cédant peut apporter certains aménagements à la garantie qu’il octroie au repreneur afin de pas être indéfiniment tenu.
En voici les illustrations les plus courantes :
- Un seuil de déclenchement en deçà duquel il ne sera pas possible d’appeler le cédant en garantie. Cependant, une fois le seuil dépassé, il y aura indemnisation dès le premier Euro.
- Une franchise : somme qui sera systématiquement à la charge du repreneur. L’objectif est de ne pas perdre de temps avec des préjudices d’un faible montant. Dans la plupart des cas, il est instauré un seuil de déclenchement. C’est-à-dire qu’en dessous d’un passif d’un certain montant, par exemple de 10 000 euros, on ne réclamera rien.
- Un plafond de garantie : de manière générale, il est fortement recommandé de limiter le montant des sommes qui pourraient être reversées par le cédant ; “le plafond” s’exprime généralement sous la forme d’un pourcentage du prix. Des exceptions peuvent être prévues, notamment dans le cadre d’une activité avec de la propriété intellectuelle, car les passifs peuvent être extrêmement importants et ils sont très difficiles à évaluer.
- Une dégressivité du montant dans le temps peut aussi être mise en place. En effet, les risques, le temps passant, disparaissent d’eux-mêmes, à savoir les clients règlent, les fournisseurs sont payés, les stocks sont vendus…
- Une durée déterminée à cette garantie : généralement entre 2 et 5 ans. En matière fiscale, on s’aligne la plupart du temps sur la prescription légale en la matière (3 ans).
Garantir la garantie
Il est fortement conseillé au repreneur d’exiger une contre-garantie de la part du cédant, qui garantira la garantie, celle-ci pouvant revêtir plusieurs formes :
- Une mise sous séquestre consiste à déposer auprès d’un tiers assermenté une partie du prix de vente, qui par là même, devient indisponible jusqu’à l’expiration de la garantie.
- Une garantie bancaire prend généralement la forme de sûretés personnelles, telles qu’un cautionnement ou une garantie à première demande. Ce type de sûreté est tout à l’avantage du repreneur, car elle est aisée à mettre en œuvre. En ce qui concerne le cédant, il devra fournir des garanties à la banque (ex : immobilisation d’une partie du prix reçu, portefeuille de titres en garantie…) qui ne lui permettront pas de disposer immédiatement de la somme reçue en règlement de la cession.
Une sûreté réelle est aussi envisageable. L’hypothèque ou le nantissement sont les principales sûretés. Cependant, le cédant ne sera pas toujours prêt à l’octroyer car le plus souvent elle grèvera ses biens personnels. De plus, du point de vue du repreneur, une telle sûreté requiert une procédure assez lourde pour sa mise en œuvre.
La souscription d’une assurance garantie de passif peut-être également envisagée. Il existe deux types de polices d’assurance, celle du vendeur et celle de l’acheteur. Les deux polices se règlent le plus souvent par le paiement d’une prime unique lors de la souscription de l’assurance. L’assurance vendeur évite l’immobilisation d’une partie du prix de cession. En ce qui concerne la police de l’acheteur, elle lui garantit une indemnisation certaine et facilitée.