Le projet de loi de finances 2014 a été présenté en conseil des ministres le 25 septembre 2013 et est actuellement examiné par les deux chambres : Assemblée Nationale et Sénat. Les discussions vont se poursuivre au moins jusqu’à la mi-décembre. A l’heure actuelle, tous les arbitrages ne sont donc pas encore effectués mais les grandes lignes du projet sont tracées. Pour la première fois et depuis très longtemps, la baisse des dépenses publiques sera bien supérieure à la hausse des impôts pour ramener le déficit public sur le chemin des 3 % nécessaires pour rentrer dans les critères de Bruxelles… mais on en est encore bien loin.

18 milliards d’euros à trouver pour ramener le déficit à 3,6 %

Les lois de finances 2012 et 2013 se sont soldées par des hausses massives d’impôts : 20 milliards d’euros par an pour combler un déficit abyssal : 4,8 % du PIB en 2012, 4,1 % du PIB attendus pour 2013 et grâce à ces nouveaux 18 milliards d’euros, 3,6 % du PIB espérés pour 2014, soit 82,2 milliards d’euros encore à emprunter en 2014. Rappelons que le PIB est de 2 032,3 milliards d’euros en France pour l’année 2012. Malheureusement, la dette publique de la France (le stock de dettes accumulées) est de 90,2 % du PIB en 2012, et engendre une charge financière de 55,1 milliards d’euros, soit plus que l’impôt sur les sociétés (53,1 milliards d’euros de recettes sur 2012) ! De plus, cette dette étant détenue à 65 % par des non-résidents, les deux tiers de cette charge partent donc vers l’étranger, à la grande différence du Japon par exemple, qui affiche fièrement une dette publique de 245 % du PIB (plus d’un million de milliards de yens de dette publique). Leurs taux d’intérêts d’emprunt sont pourtant parmi les plus bas du monde puisque la dette du Japon est détenue à plus de 80 % par des Japonais.

Pour la première fois depuis des décennies, seuls 3 milliards d’euros proviendront d’une hausse d’impôts sur les 18 milliards d’euros que le gouvernement veut trouver. Le reste émanera d’une stagnation des dépenses ; 9 milliards d’euros d’économie sur le budget de l’État, des collectivités locales et des opérateurs publics et 6 milliards d’euros sur le champ de l’assurance maladie. Les plus mesquins d’entre vous diront que cette maigre économie face aux 1 160 milliards d’euros de dépenses publiques (le terme dépenses publiques regroupent les dépenses de l’Etat, des collectivités locales, de la sécurité sociale et d’autres administrations publiques). Ces dépenses représentent 57,1 % du PIB attendus pour 2013 et l’économie un peu plus de 1 %, mais cela reste quand même inédit depuis l’après-guerre.

Vous avez bien lu « stagnation » et non baisse des dépenses publiques

C’est tout le problème : nous sommes incapables de baisser la dépense publique. Ce que les gouvernements appellent « économies » sont des gels d’augmentations, des annulations de commandes publiques, des gels d’aides ou de subventions accordées, une désindexation, etc. La dépense publique, dans sa globalité, augmentera de 0,5 % sur 2014 au lieu de 2 % en moyenne ces 10 dernières années. C’est-à-dire que les dépenses augmenteront de 5 milliards d’euros, au lieu d’augmenter de 20 si aucune mesure n’est prise. Mais il faut le répéter, ceci est historique, l’effort est bien réel : pour la première fois depuis la guerre, les dépenses de l’Etat diminueront de 100 millions d’euros, pour 371,4 milliards d’euros. Elles diminueront même de 1,5 milliards d’euros, si on ne compte pas les augmentations naturelles de la dette et des retraites des fonctionnaires, en valeur absolue, c’est-à-dire sans tenir compte de l’inflation ! Naturellement, toute la difficulté de l’exercice du budget réside dans l’application de ces objectifs, car ce ne sont que des objectifs prévus pour une année, et malheureusement, tous les ans, on assiste au fameux « dérapage » budgétaire, c’est-à-dire que la dépense est plus importante que prévu.

Les prévisions de croissance sont-elles réalistes ?

Tout budget d’un pays est fondé sur des prévisions de croissance. On estime des rentrées fiscales et des dépenses publiques, à partir d’un PIB estimé sur l’année suivante. La prévision de croissance est majeure dans le processus car, avec une croissance surévaluée, tout le budget s’effondre. Si la richesse créée par le pays, mesurée par le PIB, n’augmente pas autant que prévu, il est facile de comprendre que les résultats des entreprises ne seront pas aussi élevés que prévu, ce qui a pour corollaire que les impôts payés par ces entreprises seront moindres, et que les revenus des ménages n’augmenteront pas non plus, etc.

Le Haut Conseil des finances publiques

Le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) est chargé d’apprécier le réalisme des prévisions macroéconomiques du Gouvernement et de vérifier la cohérence de la trajectoire de retour à l’équilibre des finances publiques avec les engagements européens de la France. Organisme indépendant du Gouvernement et du Parlement, il est placé auprès de la Cour des comptes et présidé par son Premier président.

Les gouvernements ont joué avec ces prévisions pendant 30 ans, en présentant des budgets optimistes pour l’année à venir (en réalité, intenables) grâce à des prévisions de croissance venues d’on ne sait où, mais qui les arrangeaient bien.

Previsions-economistes-2014

Là encore, il faut rendre grâce au gouvernement actuel de se fonder sur des prévisions qui semblent réalistes. Le budget s’appuie sur une croissance du PIB de 0,1 % en 2013 et 0,9 % en 2014. Chaque année, avant la présentation du projet de loi de finances, le « groupe technique de la commission économique de la Nation » se réunit. Il analyse le consensus des principaux instituts de conjonctures et donne son propre avis sur la question. L’analyse a fait ressortir une croissance de 0,8 % en moyenne. Le gouvernement a choisi de tabler sur 0,9 % de croissance du PIB. Pourquoi 0,1 point de plus ? Mystère ! Reste que cela est assez crédible, d’autant qu’en avril 2013, il avait choisi d’effectuer le budget sur une croissance espérée de 1,2 % du PIB. Pour conforter cet esprit de réalisme, le gouvernement a même créé le « Haut Conseil des Finances Publiques », présidé par le Premier président de la Cour des comptes et composé de quatre magistrats de la Cour, de cinq personnalités qualifiées et du directeur général de l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE), qui a lui aussi, avalisé les perspectives de croissance du gouvernement (avis HFCP-2013-03 du 20 septembre 2013) en septembre 2013 en les jugeant « plausibles ». Même le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires, Olli Rehn, a déclaré que « ce projet de loi de finances est marqué par la responsabilité et la prudence » et a estimé que les hypothèses de croissance retenues sont « plausibles », bien que légèrement supérieures à celles de la Commission (0,8 %), alors que le FMI a prévu une croissance de 1 % du PIB pour la France en 2014.

Rappelons par exemple, que pour le budget 2012, le gouvernement de l’époque avait retenu une hypothèse de croissance au moment du dépôt du projet de loi de finances de 1,75 % du PIB, alors que les économistes prévoyaient en moyenne 1,2 % et que la croissance réelle en 2012 a été de 0 !

Commission économique de la Nation

La commission économique de la Nation comprend 28 membres choisis parmi les personnalités qualifiées par leurs travaux et leur compétence économique et financière. Le directeur général du Centre d’analyse stratégique et le gouverneur de la Banque de France en sont membres de droit. Les directeurs du ministère participent en tant que de besoin aux travaux de la Commission. Des personnalités et des représentants des ministres intéressés peuvent également y être invités.

La commission examine des thèmes économiques choisis par le ministre chargé de l’Économie et se réunit 4 fois par an sur convocation de celui-ci. Lors de la session de printemps (avant le 15 avril) la commission examine les comptes prévisionnels de la Nation pour l’année en cours et les budgets économiques de la Nation pour l’année suivante. Ces comptes sont transmis au Conseil économique, social et environnemental.

Lors de la session d’automne (avant le 31 octobre) la commission examine le rapport définissant l’équilibre économique et financier produit à l’appui du projet de loi de finances. Le rapport sur les comptes de la Nation lui est transmis annuellement. La commission peut en outre passer commande de travaux ou d’études à des organismes ou des personnalités extérieures à l’administration.

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