Nous avons tous en tête l’image d’Épinal de la start-up : quatre ou cinq jeunes en train de programmer nuit et jour sur des bureaux pleins de goodies et de photos des Caraïbes, dans un open space exigu, habillés en jeans troués et sweat-shirts à capuches, jouant pendant les pauses avec des lance-missiles USB en se tutoyant tous.
Le cofondateur de Warby Parker (opticien en ligne) définit la start-up dans le magazine américain Forbes comme étant “une société travaillant sur un problème pour lequel la solution n’est pas évidente et le succès n’est pas garanti”, définition que l’on pourrait appliquer à n’importe quelle jeune entreprise…
Tout ce que l’on peut dire simplement, c’est qu’il n’y a pas de définition du phénomène, et que le mot recouvre plus qu’une idée, une réalité, un état d’esprit en fait.
Le terme de start-up est aujourd’hui utilisé pour décrire à la fois de jeunes entreprises innovantes, bagarreuses, des applications à la mode, et de gigantesques sociétés de haute technologie principalement dans l’informatique et le digital, mais aussi dans la biologie, et plus généralement dans les domaines scientifiques. Dans ce sens, start-up recouvre une culture de l’innovation et du progrès technologique pour résoudre des problèmes insurmontables. C’est l’idée selon laquelle tout le monde peut partager avec tout le monde, peut financer directement grâce au web, peut utiliser les ressources des autres, etc.
Et c’est aussi l’idée d’une structure sociale selon laquelle il s’agit de renoncer à la stabilité et aux institutions (au sens aussi bien public que privé du terme, les grandes entreprises étant des institutions) en échange de la promesse de participer à une aventure entrepreneuriale et à un accomplissement à la fois personnel et matériel sensé être plus rapide qu’une carrière classique.
Dans l’idée de start-up, il y a incontestablement une notion de jeunesse et de dynamique dans la mesure où jeunesse des acteurs de l’entreprise va de pair avec jeunesse de la société, puisqu’une start-up a forcément été créée récemment. On peut d’ailleurs s’interroger sur le moment où une société s’arrête d’être une start-up ? Facebook, Yahoo sont-elles encore des start-up ? On aurait du mal à décrire une start-up par sa taille, ses revenus, son nombre de salariés, mais on aurait également du mal à utiliser le terme start-up pour une structure de 10 ans d’âge, non ?
Paul Graham, le fondateur d’un fonds de capital risque destiné aux start-up, pose les limites de la start-up : acquisition par une plus grosse société, plus d’un bureau (ouverture géographique), un chiffre d’affaires de plus de 20 millions de dollars, plus de 80 salariés, plus de 5 personnes au conseil d’administration et des fondateurs qui ont vendu leurs parts. Pour caricaturer, on peut dire qu’une start-up cesse d’être une start-up quand elle devient profitable.
Une autre idée forte associée à celle de start-up est celle de la croissance. Une start-up doit être conçue pour croître très vite et on pourrait voir dans cette course à la croissance, un objectif de croissance à tout prix ce qui fait la différence entre une start-up et une petite entreprise classique.
Le site myfrenchstartup.com est un inventaire des start-up françaises, allez y jeter un coup d’œil.
L’innovation sociale au sein des entreprises
C’est aussi un fonctionnement qui se veut différent de celui des autres entreprises, moins hiérarchisé, moins soumis aux règles, où les décisions se prennent plus vite, assorti d’une structure plus souple : chez Google l’idée était qu’il ne devait y avoir que 5 échelons au maximum entre un collaborateur et le fondateur de la société. L’idée selon laquelle la hiérarchie, notamment celle qui est constituée de cadres intermédiaires, n’occupe plus la place qu’elle avait auparavant pour faire appliquer des règles venues du haut de la pyramide, ni pour l’évaluation des collaborateurs. Les collaborateurs ont l’occasion de s’évaluer entre eux, d’attribuer des bonus pour récompenser une initiative personnelle ou de donner leur avis sur le recrutement d’un futur collaborateur.
L’esprit start-up voudrait aussi instituer une ambiance de travail particulière mêlée de décontraction et de motivation, de remontées d’idées et de facilitation des échanges au sein de la société.
Les expériences en la matière sont assez nombreuses au-delà des cantines gratuites ou des salles de jeux (consoles, baby-foot et canapé chez Google à Paris) ou salon de massage dans les locaux :
Bureaux non attribués
En France, avoir son propre bureau est un marqueur social fort ; c’est donc la raison pour laquelle le desk sharing (partage de bureau) est difficile à admettre. Plus de bureau attitré avec les dessins des enfants et les piles de dossier en attente. Quand vous arrivez le matin à votre bureau, vous ne savez pas où vous allez travailler. C’est une technique pour réduire les coûts bien entendu, puisque les coûts immobiliers sont le deuxième poste de dépenses d’une société, après les salaires, mais également une méthode de s’adapter à la nomadisation des salariés : travail sur le terrain, réunions, travail à distance etc. Cette pratique s’étend à la plupart des secteurs désormais, notamment au sein des cabinets de consultants dont les salariés sont très souvent en déplacement.
Il est généralement possible d’avoir un pool de bureaux et de salles que l’on peut “réserver”. Ce type d’organisation implique souvent que l’on change trois ou quatre fois de bureau dans la même journée. Le plus pénible doit être de ranger son ordinateur et ses dossiers au moins tous les soirs…
Congés à volonté
C’est la désormais célèbre NETFLIX qui a mis ce principe en place il y dix ans : des congés à volonté, et sans prévenir. Le PDG de Netflix explique : “l’entreprise ne comptait pas les heures de travail, pourquoi alors vérifier le nombre de jours de congés par an”. D’ailleurs, la dernière société en date à avoir adopté ce concept est la société VIRGIN, qui n’est pas à proprement parler une start-up. Sur son blog (www.virgin.com/richard-branson/why-were-letting-virgin-staff-take-as-much-holiday-as-they-want), Richard Branson, le PDG de VIRGIN, explique que ce système aboutit à une meilleure productivité des salariés, et une meilleure flexibilité du travail. Une start-up française, EVERCONTACT a aussi adopté ce système, ce qui prouve que chez nous aussi, c’est possible. Chez Netflix l’idée était de pouvoir prendre des vacances quand un projet avait abouti : les salariés doivent s’engager à tenir leurs objectifs, ainsi que les délais des projets en cours. Quant à la prise de congés, il ne faut pas que celle-ci entrave la bonne marche de la société, ni nuise à… votre carrière ! Dans la pratique, les salariés prennent plutôt… moins de vacances qu’avant.
La diffusion de tous les salaires
La société Buffer, une start-up américaine qui propose un service de gestion de comptes sur les réseaux sociaux (ah, les start-up de start-up !) a diffusé l’ensemble des salaires de la société, et même la base de calcul de ces salaires. La société joue à fond la carte de la transparence qui, selon les fondateurs, est une force. Elle annonce ainsi clairement sur son site : “Il y a une grande fierté dans l’opportunité de partager ses croyances, ses faiblesses, ses forces et ses décisions. Vous utilisez la transparence comme un outil pour aider les autres. Vous partagez vos pensées sur le moment avec honnêteté. Vous prenez part au processus décisionnel en amont, afin d’éviter le phénomène de “grande surprise””. Nous vous invitons vivement à aller faire un tour sur leur site internet pour lire leurs 10 valeurs : bufferapp.com/about, c’est très rafraîchissant et instructif.
Les Chiffres : The salary formula
Salary = job type x seniority x experience + location (+ $10K if salary choice)
Job type = base
Happiness hero: $45,000
Content crafter: $50,000
Engineer: $60,000
Designer: $60,000
Operations officer base: $70,000
Executive officer base: $75,000
Seniority = base multiplier
Senior: +5% base and 3k/$m revenue
Lead: +7% base and 4k/$m revenue
VP: +10% and 6k/$m revenue
C-level: +20% and 8k/$m revenue
COO: +20% and 10k/$m revenue
CEO: +20% and 12k/$m revenue
Experience = multiplier
Master: 1.3x
Advanced: 1.2x
Intermediate: 1.1x
Junior: 1x
Location = additional
A: +$22K (e.g. San Francisco, Hong Kong, Sydney, London, Paris, New York)
B: +$12K (e.g. Nashville, Birmingham, Vienna, Austin, Vegas, Tel Aviv)
C: +$6K (e.g. Talinn, Warsaw, Bucharest, Santiago)
D: +$0K (e.g. Manila, Delhi, Hanoi)
Equity / salary choice
You get a choice of more equity or more salary, if you choose salary, you get +$10K
Source : open.bufferapp.com
Alors qu’est-ce que donnent les salaires :
- PDG (CEO: Chief Executive Officer) : 158 800 dollars
- Directeur général (COO : Chief Operating Officer) : 146 800 dollars
- Directeur des systèmes d’information (CTO : Chief Technology Officer) : 137 600 dollars
- Ingénieur sénior : 107 900 dollars
Le salaire diffusé le plus bas est de 70 000 dollars par an pour un ingénieur de base. En outre, la société donne la base de la formule de calcul du salaire (voir ci-contre) :
Type d’emploi
x Ancienneté
x Expérience
+ Emplacement
= Salaire
On note la présence d’une fonction quelque peu originale : le CHO, Chief Happiness Officer.
Sa responsabilité est de rendre heureux les salariés sur leurs lieux de travail. Si, si. On les trouve aussi dans de grandes sociétés (IKEA, LEGO, HILTON, SHELL, IBM…). Le concept vise à ce que les salariés soient plus heureux et soient dès lors plus motivés et plus efficaces, donc moins sujets au départ, voire même moins malades. Le Chief Happiness Officer est donc là pour ajuster la politique de dynamique au sein de l’entreprise, la diffusion de la culture de l’entreprise afin de créer toutes les conditions du bonheur en entreprise. L’équivalent chez Google, Chade-Meng Tan, décrit son travail comme étant d’ “éclairer les consciences, ouvrir les cœurs et créer la paix dans le monde”, tout un programme ! On en apprend beaucoup dans une conférence TED qu’il a tenue : www.ted.com/talks/chade_meng_tan_everyday_compassion_at_google/transcript
On pourrait citer bien d’autres idées : chez ASANA, les salariés commandent le repas de leur choix auprès d’un chef selon leurs goûts culinaires, chez Twitter tout abonnement à une salle de sport est pris en charge, chez DROPBOX chaque Vendredi se termine par un verre de Whisky pour “favoriser la communication entre les équipes”, Facebook offre 4 000 dollars aux jeunes parents, chez Thrillist le jour de votre anniversaire est chômé, etc.
Le financement de la start-up
Le risque lié au financement est différent selon la maturité de la société dans la mesure où ce ne sont pas les mêmes personnes qui soutiennent la société au fur et à mesure de sa croissance. Selon l’INSEE, un quart des défaillances d’entreprises en France sont des entreprises créées depuis moins de 3 ans, et 50 % depuis moins de 5 ans. Le risque de défaillance des très jeunes entreprises est très important, les financements en sont donc très risqués.
Pendant la phase de démarrage, les start-up font appel au capital amorçage, encore appelé capital risque. Le capital amorçage répond aux premiers besoins de fonds de la société. Il est généralement réalisé en fonds propres, et les amorceurs deviennent actionnaires minoritaires de la société. Il va de soi qu’il n’y a pas de règles, et chaque financement de société est plus ou moins unique.
En tout cas, le capital d’amorçage sert à financer le démarrage de l’entreprise, et la société se trouve très en amont du développement des produits ou des services. Les fondateurs utilisent souvent la “love money” : famille, amis, connaissances…
Ces appels de fonds sont très risqués évidemment, et seuls quelques professionnels acceptent de financer à ce stade les entreprises, qui en France s’appuient sur deux pieds :
- Il faut reconnaître qu’en France, l’État joue un rôle déterminant au travers de la Banque Publique d’Investissement (BPI France, anciennement OSEO).
- L’autre pied du capital amorçage français est la communauté des “Business Angels”. Ce sont généralement des particuliers qui financent des projets sur leurs fonds propres et accompagnent les créateurs avec leurs propres expériences ou leurs équipes, ou des fonds qui gèrent des fortunes appelées à bénéficier des réductions d’impôts liées à l’ISF.
Les plus connus en France sont :
- Xavier Niel, le fondateur de FREE,
- Marc Simoncini, le créateur de Meetic,
- Jacques Antoine Granjon, fondateur de vente-privee.com,
- Pierre Kosciusco-Morizet, cofondateur de Price minister dont il est encore le dirigeant,
- Oleg TSCHELTZOFF, le PDG de Fotolia.
Les business angels sont organisés en réseaux, qui permettent la mise en relation avec des investisseurs potentiels. Ce sont des réseaux associatifs la plupart du temps qui étudient les projets dont le besoin de financement est faible, de quelques milliers d’euros à quelques centaines de milliers d’euros, mais rarement plus. Beaucoup de ces réseaux sont fédérés au sein de la Fédération des Réseaux de Business Angels : FranceAngels (www.franceangels.org/index.php).
La société a ensuite besoin de montants plus importants de fonds, et la start-up fait alors appel au capital développement.
Ce capital intervient après plusieurs années d’existence, lorsque les sociétés sont en phase de production et bien implantées dans leur business. Lorsque la société fait face à une crise de croissance, elle est en quelque sorte débordée par son développement et ne peut pas faire face aux coûts de structure qui croissent vite. Ainsi, le besoin d’investissement est fort ou la conquête de certains marchés internationaux est alors essentielle pour l’expansion de la société.
Néanmoins, il faut reconnaître que c’est une étape importante pour les dirigeants, souvent fondateurs de la société qui doivent alors perdre une partie de leur pouvoir, et doivent partager leur vision et leur stratégie avec ces partenaires financiers. En 2011, le capital développement en France est de l’ordre de 3 milliards d’euros (source AFIC, l’Association Française des Investisseurs pour la Croissance). Les fonds de capital développement s’intéressent à des sociétés qui ont 5 années d’existence et qui font quelques millions d’euros de chiffre d’affaires. Ils sont à la fois des fonds gérés par des entrepreneurs, mais aussi des fonds lancés par des institutions comme les banques, tel que le fonds CEPIC Participations de la Caisse d’Epargne qui vise les entreprises qui font entre 2 et 50 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Le carnet d’adresses :
Business angels et fonds de capital risque :
Afic : Association française des investisseurs pour la croissance, 23, rue de l’Arcade, 75008 Paris, 01 47 20 99 09
Bpifrance : www.bpifrance.fr/Bpifrance/Nos-metiers/Fonds-propres/Fonds-partenaires
France Angels : 16 rue de Turbigo, 75002 Paris
Fédération des Cigales : 61 rue Victor Hugo – 93500 Pantin, 01 49 91 90 91
Opérateurs privés spécialisés en recherche de fonds (leveurs de fonds) :
Association Leonardo : 144 bld Haussmann – 75008 Paris, 01 53 53 73 46
Chausson Finance : 20 rue Royale – 75008 Paris, 01 43 12 57 58
MGT : 18, rue de Mogador – 75009 Paris, 01 53 45 88 88
MBA Capital : 8 rue Halévy – 75009 Paris, 01 42 65 72 75
Finance et Technologie : 2 route de la Noue – 91196 Gif sur Yvette, 01 64 86 58 38
Multeam conseil : 3 rue Treilhard – 75008 Paris, 01 56 43 31 41
Aelios Finance : 1 bld Malesherbes – 75008 Paris, 01 43 12 32 12
Et sur le “terrain” :
- des collectivités locales : services économiques du conseil régional, du conseil général.
- des chambres consulaires : Chambres de commerce et d’industrie et Chambres de métiers et de l’artisanat.
- des organismes de développement économique local.
Source : Agence Pour la Création d’Entreprise (APCE)
Pour aller plus loin : Le plus grand incubateur du monde
Le fondateur de Free crée le plus grand incubateur au monde dans le 13e arrondissement. François Hollande en a posé la première pierre. Les 33 000 m2 de la halle Freyssinet à Paris accueilleront des start-up en phase d’incubation. “Ceux qui seront ici auront plus de chances qu’ailleurs de réussir”, a résumé François Hollande.
https://www.youtube.com/watch?v=uz15-C7fBKw