C’est au tour du patron de l’assureur AVIVA de démissionner suite à la polémique sur sa rémunération après une fronde de ses actionnaires, 54% ayant voté contre le rapport sur les rémunérations des dirigeants. Avant lui, ce sont les patrons de CITIGROUP ou de BARCLAYS qui ont dû démissionner ou renoncer à une partie de leur bonus. Il n’y a pas qu’en France où la question se pose. Pourtant, ces votes d’actionnaires ne sont pas contraignants la plupart du temps.
Dans les sociétés françaises, qui a le pouvoir de décider ?
Et bien, cela dépend des formes juridiques.
En Société Anonyme, seul le conseil d’administration, ou le conseil de surveillance, a ce pouvoir, et personne d’autre (art L.225-47 et L.225-43 du code de commerce). Ce conseil fixe les rémunérations du président du conseil, du directeur général et des directeurs généraux délégués (les administrateurs étant eux rémunérés par des jetons de présence.). Il faut rappeler ici que, indirectement, l’assemblée générale a le pouvoir puisque qu’elle peut révoquer ad nutum (sans préavis, sans motif, sans indemnité) un administrateur.
En SAS, c’est plus complexe. Vous le savez, cette forme juridique est très libre, et seuls les statuts font vraiment foi dans son fonctionnement (en dehors de la nomination d’un président obligatoire). Donc il faudra se référer aux statuts de la société. Si la plupart du temps, dans les statuts, c’est l’assemblée des associés qui détermine la rémunération des dirigeants, ce n’est pas toujours le cas, et on peut imaginer que la rémunération soit fixée… par le président lui-même (rappelons également que la situation sociale du dirigeante est différente en SAS, et qu’il est beaucoup plus simple de se faire un contrat de travail.)
Enfin, en SARL, la question peut être réglée dans les statuts, mais plus généralement elle l’est par une résolution en assemblée. Quoi qu’il se passe, il ne peut se l’attribuer lui-même, et la justice par un arrêt du 31 décembre 2009 (Cass. Com. 31 mars 2009, n° 08-11.860), « le juge ne peut se substituer aux organes sociaux légalement compétents ».
Quid des conventions règlementées ?
Vous le savez, les conventions conclues entre le dirigeant et sa société doivent faire l’objet d’une procédure particulière (voir nos articles sur le sujet). C’est le cas en SAS, où la rémunération du dirigeant est une convention soumise à la procédure, mais pas en SARL, ni en SA
La décision du conseil d’administration sur la fixation de la rémunération n’est pas une convention règlementée.
En SARL, (Cass. Com. 4 mai 2010 n°09-13.205), non seulement, la détermination de la rémunération du gérant n’est pas une convention règlementée, mais le gérant, si il est associé, peut même participer au vote sur cette rémunération.
Certes, même si elle est rejetée, une convention règlementée produit ses effets, et donc la rémunération existe, à charge pour un intéressé (la société elle-même, un actionnaire…), de se retourner contre elle.
Ne venez pas me dire que vous ne saviez pas !
Les actionnaires sont très informées, en tout cas dans les SA cotées (là où cela pose problème, dans les petites sociétés, les choses sont différentes), car si la rémunération « de base » n’est pas une convention règlementée, l’information se trouve obligatoirement dans un rapport ad-hoc présenté en assemblée générale (c’est ce fameux rapport qui a été rejeté dans les cas vus plus haut). Et le reste de la rémunération (retraite « chapeau », bonus…) font généralement parti des conventions règlementées et sont donc également présentées en AG.
Pour conclure, les actionnaires ont le pouvoir de dire non, en refusant de ratifier les rapports sur les rémunérations, ou sur es les conventions, ou encore en révoquant les administrateurs. Donc, à moins de copinages (bon…) au sein des gros groupes d’actionnaires, ou les membres du tèrs select club des administrateurs (on retrouve les mêmes un peu partout), les rémunérations des grands patrons peuvent être contrôlées, et au moins sont diffusées, ce qui laisse peu de place à la surprise.