Internet est en perpétuel mouvement et son usage dans le milieu professionnel aussi. De nouveaux outils sont devenus incontournables dans l’entreprise et des modes d’expression quasi-instantanés sont venus se greffer aux organisations. Les outils de communication comme Facebook, LinkedIn, WhatsApp ou encore Instagram sont utilisés à la fois dans le milieu professionnel et dans la sphère privée par les salariés. Sur ces plateformes digitales, certains salariés n’hésitent pas à évoquer l’entreprise qui les emploie, ses dirigeants, leurs collègues de travail, leurs conditions de travail… En ont-ils le droit ? Propos publics ou privés ?
Le principe de la liberté d’expression et du droit d’expression
La liberté d’expression inscrite dans les articles 10 et 11 de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen est-elle totale ou connaît-elle certaines limites ?
L’Article 11 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 dispose : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. »
Tout réside donc dans la notion d’abus. Les tribunaux s’expriment sur les propos qui sont considérés comme abusifs, les propos injurieux, excessifs ou diffamatoires. En commentant ou en exprimant leurs situations, les salariés ne sont pas toujours conscients de ces limites. Les réseaux sociaux, terreau fertile pour la liberté d’expression, ne peuvent donc pas servir de défouloir aux salariés. Bien que ces derniers, au nom de la liberté d’expression, doivent pouvoir s’exprimer sur l’entreprise et sur leurs conditions de travail, ils ne peuvent en aucun cas dénigrer ou insulter leur employeur ou leurs collègues de travail.
En outre, ils ne peuvent pas évoquer des données confidentielles ou publier, sans le consentement des intéressés, des vidéos ou des photos.
Au sein de l’entreprise, l’employeur ne peut interdire et encore moins sanctionner, des discussions politiques ou religieuses et, de manière générale, toute discussion étrangère au service.
A titre d’exemples, relève de la liberté d’expression le fait pour un salarié :
- De contester par écrit l’avertissement dont il a fait l’objet et qu’il considère comme injustifié ;
- De critiquer l’entreprise devant ses subordonnés sur un lieu privé, hors la présence de la direction ;
- D’alerter l’inspection du travail sur des événements qu’il juge anormaux, exprimant ainsi des inquiétudes légitimes.
Il est donc possible pour un salarié, dans un cadre strictement professionnel, de s’exprimer sur le travail qu’il effectue et de proposer des améliorations.
Toutefois, la liberté d’expression trouve des limites lorsqu’il est question de propos diffamatoires, racistes, injurieux, excessifs, d’apologie de crimes de guerre, de fausses nouvelles, etc. Dans l’entreprise, elle est également limitée par l’obligation de loyauté et de discrétion qui découle de la relation de travail.
Enfin, l’employeur peut y apporter des limitations si elles sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché (Code du travail, art. L. 1121–1) et ne portent pas atteinte à la vie privée des salariés, notamment lorsque l’entreprise relève d’un secteur stratégique comme l’armement par exemple.
Sphère privée / publique
La jurisprudence a permis de définir ce qui relève de la sphère privée (protégé par le secret des correspondances et le principe du respect de la vie privée) de ce qui relève de la sphère publique (qui peut alors être utilisé par l’employeur à l’appui d’une sanction disciplinaire).
Ainsi, les propos tenus n’ont pas la même portée lorsqu’ils sont tenus sur un compte Facebook où les paramètres de confidentialité permettent une lecture aux seuls amis que lorsqu’ils sont publiés sur un compte sans restriction de lecture (compte public). Tout réside donc dans le paramétrage que l’utilisateur fait de la plateforme d’expression.
Concrètement, si l’utilisateur a limité la diffusion de son information à son réseau, elle est considérée comme privée. A contrario, si les publications ont lieu sur un compte public, alors le salarié concerné pourra être sanctionné.
Également, si l’employeur constate que les réseaux sociaux sont utilisés pendant les heures de travail, les connexions peuvent être jugées comme abusives et être sanctionnées.
La liberté d’expression via les courriels
Concernant les courriels, selon l’arrêt N°14-27949 de la Cour de cassation du 7 avril 2016, le salarié a droit, y compris sur le lieu et pendant le temps de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée, celle-ci impliquant en particulier le secret des correspondances. L’employeur ne peut dès lors, sans violation de cette liberté fondamentale, prendre connaissance des messages personnels émis ou reçus par le salarié grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail. Néanmoins, il peut contrôler le contenu de toutes les autres correspondances qui sont donc, présumées professionnelles, et contrôler les propos des salariés, s’il dispose d’un motif légitime et proportionné pour le faire (raison de sécurité, par exemple).
Comment obtenir réparation d’un préjudice subi ?
Sur un intranet d’entreprise, les propos diffusés sont présumés professionnels. Le salarié, tant qu’il respecte les limites de la liberté d’expression peut s’exprimer librement sur les sujets qu’il souhaite.
S’il y a abus, il faut se pencher sur le fond et la forme des propos. En quoi l’information diffusée serait-elle abusive ? Porte-elle préjudice à l’entreprise ? Est-ce que l’employeur a le droit d’en prendre connaissance ?
Comment obtenir réparation d’un préjudice subi ?
Si le salarié commet un abus de sa liberté d’expression, y compris sur Internet, des sanctions pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave peuvent être appliquées. Le licenciement pour faute lourde n’est envisageable que dans le cas où il est prouvé que le salarié a eu l’intention de nuire à l’entreprise.
Lorsqu’il est prouvé qu’un salarié a fait un usage abusif d’Internet pendant son temps de travail, il est également sanctionnable. Toutefois, en aucun cas le contenu de ses messages ne peut lui être opposé, ces derniers relevant de l’intimité de la vie privée.
Enfin, si les propos tenus publiquement par le salarié via Internet s’avèrent diffamatoires ou insultants et portent atteinte à l’image de l’entreprise ou de collaborateurs, vous pouvez engager une action devant le juge des référés, pour faire retirer ces propos.