Marc Simoncini, le fondateur de Meetic, a fait une remarquable synthèse de la fracture entre l’idéologie fiscale dans notre pays et la lourde tâche des investisseurs et des entrepreneurs. Que l’ISF soit revu à la hausse, c’est une chose, l’ancien barème devrait être rétabli cet été, mais qu’il reste absurde en est une autre. Le problème que soulève cet entrepreneur est révélateur. Son cas, est certes très particulier, et pourrait sembler marginal, mais en réalité, c’est bien la philosophie au cœur de la conception française de l’entrepreneuriat et de l’investissement qui est posée.
L’assiette de l’ISF : une aberration.
Voilà le problème : l’assiette de l’ISF comprend la valeur supposée d’une société dans laquelle vous avez investi, et vous payez une taxe sur une valeur calculée qui n’est en rien réalisée. Lorsque un investisseur à titre personnel, met 1 million dans une start-up, il paiera l’ISF sur ces 1 millions. Si au bout de quelque temps, à l’occasion d’une levée de fonds, cette société vaut 10 millions, il paiera l’impôt sur 10 millions. Or, si il ne vend pas ces titres, il paie sur une valeur hypothétique de 10 millions, sur une start-up qui peut ne plus exister dans 2 ou 3 ans, mais sur laquelle de l’impôt aura été payée uniquement par sa valeur supposée, quand bien même l’investisseur aurait perdu tout son argent. Il y a peu de problème d’acceptation sur le paiement d’une taxe sur la plus-value réalisée à la vente des titres, mais payer en cours de route sur une valeur hypothétique, virtuelle, est absurde, et revient à une taxe chaque année sur le financement des jeunes sociétés par les gens qui en ont les moyens, et qui prennent les risques. Encore une fois, on ne parle pas de l’imposition de la plus-value sur la valeur d’une société au moment de la vente, mais la taxe sur le patrimoine, sur une valeur hypothétique.
Vous me direz : pourquoi ne constitue-t-il pas une société qui serait un bien exonéré de l’assiette de l’ISF. Parce que je vous rappelle que « Ne sont donc pas considérées comme des biens professionnels les parts ou actions de sociétés ayant pour activité principale la gestion de leur propre patrimoine mobilier ou immobilier ». Or c’est le cas ici, la gestion de patrimoine.
Qu’est-ce que la Fortune ?
A côté de ça, si Monsieur Simoncini, comme il le soulève très bien, investit son argent en tableaux de maîtres dont il couvre les murs, il ne paiera pas l’ISF, puisque les toiles sont exonérées, et ne rentrent pas dans le calcul de la base fiscale ! Définissons donc ce qu’est la fortune. Posséder des parts d’une start-up est-il une fortune ? Est-ce intelligent et efficace économiquement ? Le symbole même de ce type de fiscalité (ce n’est pas forcément les sommes en jeu) est désastreux pour l’image de notre pays.
Alors les 75% sur les revenus de plus de 1 million, quand un entrepreneur après une vie de travail recueille une belle somme par la vente de son entreprise, donnera t-il 75% au dessus de un million ? Posons enfin le débat de ce qu’est la fortune !
Bon, que va faire Monsieur SIMONCINI, et bien exactement la même chose, investir dans des start-ups, mais depuis Londres, Bruxelles ou Luxembourg. Vous me direz : et bien bon vent !, mais reconnaissez que cela est plus que dommage, et dommageable. Nous le répétons ici : les gens qui réussissent ne doivent pas être pris en otage par la société, et je suis certain que Monsieur Simoncini est tout à fait prêt à payer les impôts qu’il doit, quand bien même ceux-ci augmenteraient, mais pas au prix de l’absurdité.